Projet de loi immigration, c’est parti !

6 Février 2023
837 lectures
Notez l'article : 
0
 

Lancement. L'exécutif a ouvert, mercredi  1er février, un nouveau chantier explosif, en pleine bataille des retraites, avec la présentation en Conseil des ministres d'un nouveau projet de loi sur l'immigration ; nouveau projet qui braque largement, de la droite à la gauche. Le texte prévoit une série de mesures pour faciliter les expulsions, surtout des étrangers-ères « délinquants-es », une réforme du droit d'asile et un volet Intégration, notamment la régularisation des travailleurs-ses sans-papiers dans les « métiers en tension » (restauration, bâtiment, etc.) où les employeurs-ses peinent à embaucher. Le projet de loi est porté par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, pour son volet sécuritaire, et celui du Travail, Olivier Dussopt, pour la partie plus économique et sociale. Destiné à séduire à la fois la droite républicaine, de plus en plus radicale sur le sujet, et la gauche, qui dénonce les conditions d'accueil des étrangers-ères, le texte a fini par fâcher tout le monde...  Il pourrait nécessiter de déclencher l'arme constitutionnelle du 49.3, qui permet son adoption sans vote. La majorité présidentielle, elle-même, apparaît divisée, entre tenants-es de l'aile droite, prêts-es à le durcir encore si nécessaire, et élus-es issus-es de la gauche, qui y voient des lignes rouges, détaille l’AFP. Le texte arrive au lendemain d'un double constat : une hausse de 31 % des demandes d'asile (137 000) en 2022 et de 15 % des expulsions (15 400), celles-ci restant néanmoins inférieures d'un tiers à celles de 2019, avant la Covid. L'équation s'annonce très compliquée pour l'exécutif, en l'absence de majorité absolue, alors qu'il ferraille déjà sur les retraites.  Les Républicains, qui pourraient voter la réforme des retraites, seront forts peu enclins à récidiver sur l'immigration, un de leurs marqueurs. Par ailleurs, LR juge les mesures d'expulsions insuffisantes. Il est surtout vent debout contre l'octroi de titres de séjour pour les « métiers en tension », jugeant que cela va aboutir à des régularisations massives et « ouvrir les vannes de l'immigration ». L'exécutif, qui comptait les prendre à leur propre piège sur un de leurs sujets phare, se retrouve lui-même dos au mur, sauf à lâcher plus de lest dans leur direction. « Chez les LR, certains défendent l'idée d'instaurer des quotas pour limiter les régularisations. Discutons-en », a lancé récemment le ministre de l'Intérieur dans une interview au Parisien. Le gouvernement pourrait même aller plus loin. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est dit « certain » que le gouvernement arrivera à « un compromis sans dénaturer le texte », « en écoutant évidemment les oppositions, et singulièrement les oppositions de droite ». Mais des ténors de la droite ont déjà annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte. Par ailleurs, le texte pourrait être en partie détricoté au Sénat, où il passera d'abord mi-mars. « Le président (LR de la Commission des Lois du Sénat, François-Noël) Buffet est par exemple très attaché à l’idée qu’un refus d’asile vaut comme arrêté de reconduite à la frontière. Il n’est pas dans ce texte, nous sommes ouverts par exemple à cette proposition ». « Il y a des propositions de restriction du regroupement familial (...), je suis ouvert à cette discussion », a souligné Gérald Dramanin. Puis, le texte, sera « revisité » à l'Assemblée nationale en mai-juin. Ce texte, le 29e sur l'asile et l'immigration depuis 1980, alimente avant tout le moulin de l'extrême droite en « répondant sur leur terrain », critique Fanélie Carrey-Conte de La Cimade. Les associations de défense des étrangers-ères ont partagé (1er février) leurs « inquiétudes » concernant le projet. Elles estiment que le texte va surtout accentuer le « détricotage des droits » des exilés-es, sous la pression selon elles du « chantage » de la droite. « Ce projet de loi marque une nouvelle étape dans le détricotage des droits des personnes exilées », a appuyé Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty international France.  « Plutôt qu’un énième texte de loi », cinq ans après la loi dite « Collomb » de 2018, « le gouvernement se doit de mettre en œuvre des politiques qui organisent l’accueil des personnes exilées sur notre territoire », a-t-il poursuivi.  Le projet de loi, qui prévoit par exemple de « réduire le champ des protections » contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), notamment pour les étrangers-ères arrivés-es en France avant l’âge de 13 ans, constitue « un changement de trajectoire » et un durcissement, a pointé Claire Rodier, responsable du Gisti. « Ce projet de loi nous inspire plus d’inquiétudes que de satisfactions », a abondé la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault, sur Franceinfo.