Recherche : climat de défiance

24 Septembre 2020
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Les députés-es ont entamé, le 21 septembre, l'examen du projet de loi sur la recherche, que le gouvernement présente comme un « investissement inédit », mais que conteste une large part de la communauté universitaire, dans un climat de rentrée délicat. L'intersyndicale de l'enseignement supérieur et de la recherche avait d’ailleurs appelé à se « rassembler massivement » devant l’Assemblée nationale contre un texte qui, à ses yeux, « institutionnalise la précarisation du personnel ». Un point de vue que conteste la ministre de la Recherche Frédérique Vidal, qui revendique un effort « historique » de 25 milliards d'euros sur dix ans et « le plus grand plan de revalorisation des personnels depuis plusieurs décennies ». Ce projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) repose sur un constat partagé, rappelle l’AFP. La France souffre d'un « déficit croissant d'investissement » dans sa recherche et les « carrières scientifiques attirent de moins en moins les étudiants-es », relève-t-il dans son introduction. « Nous arrivons à un point de bascule où le risque de décrochage devient réel face à des pays comme la Chine, la Corée, l'Allemagne et les pays anglo-saxons qui demeurent dominants », a insisté Frédérique Vidal en commission, devant l’Assemblée nationale.  Pour « réarmer » la recherche, le gouvernement propose donc de réinjecter 25 milliards d'euros par étape, en montant en charge : 400 millions en 2021, 800 millions en 2022, 1,2 milliard en 2023, etc. Avec l'objectif, en 2030, d'un budget annuel de 20 milliards d'euros par an, soit cinq milliards de plus qu'actuellement. Cela doit permettre au budget de la seule recherche publique d'atteindre 1 % du PIB, niveau auquel le pays s'était engagé il y a 20 ans. Une part importante vise à revaloriser les carrières des chercheurs-ses pour les rendre plus attractives. Et plus de 5 000 emplois de chercheurs-ses seront créés, avance le gouvernement.  Mais pour les opposants-es au texte, c'est une « réforme en trompe l'œil », puisque le gouvernement fait peser l'essentiel de l'effort sur les quinquennats suivants et ne peut « garantir » que 400 millions de plus l'an prochain, soit un effort supplémentaire moindre que celui consenti dans le budget 2020 (+ 500 millions d’euros). Au-delà des querelles sur le budget, c'est la philosophie même du texte qui est décriée et sa mesure phare visant à distribuer les nouveaux financements principalement par appels à projets, en renflouant l'Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur d'un milliard d'euros. Pour les syndicats, cela se fera au détriment des financements pérennes, dits « de base ». Et cela pousserait vers une recherche « compétitive et sélective », en nuisant à la liberté académique. Autre point majeur de crispation, la mise en place de voies de recrutements parallèles. Le texte prévoit des nouveaux « parcours de titularisation » à l'américaine (« tenure tracks »), pour accéder à une titularisation au bout de six ans maximum, ainsi que des « CDI de mission scientifique », censés remplacer les CDD à répétition, mais prenant fin avec le projet de recherche auquel ils sont associés. Les opposants-es au texte craignent un système à « deux vitesses » et une « remise en cause des statuts », pour plus de « précarité ». Depuis janvier dernier, syndicats et collectifs du monde universitaire ont multiplié les actions et envoyé plusieurs milliers de personnes dans la rue début mars. Le confinement a porté un coup d'arrêt à cette mobilisation.