SIL en Afrique victime d’un boycott

22 Février 2017
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Solidarité Internationale LGBTQI (SIL) a été fondée en France en  2005. L’association, dans sa présentation sur Internet, explique être "ouverte à l’international" et proposer un accompagnement aux "associations LGBT dans le monde à travers leurs projets" et "mener des actions de plaidoyer pour améliorer le sort des personnes discriminées, persécutées et/ou en danger de mort à cause de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre". L’objectif visé est de "fournir aux personnes et groupes sociaux exclus un moyen d’accéder à leur droits et libertés fondamentaux et de combattre l’atteinte à leur dignité". SIL vise à créer un réseau d’acteurs francophones et entend "faciliter la création de partenariats entre les associations LGBTQI, mais aussi entre ces dernières et les bailleurs de fonds, les institutions internationales ainsi que les organisations à but social et humanitaire". Voilà pour la doctrine. Doctrine et méthode qui se trouvent aujourd’hui contestées par des acteurs LGBT du Sud. SIL a conçu un atelier qui se déroule jusqu’au 24 février prochain à Yaoundé. Il a pour thème : "Ensemble, soutenons les mouvements de femmes LBT d’Afrique francophone" ; son objectif est de "faciliter la mise en réseau des femmes lesbiennes, bisexuelles, et trans d’Afrique francophone". Fait rarissime, un ensemble d’associations, d’organisations non gouvernementales ou de réseaux de femmes lesbiennes, bisexuelles, trans et queers (1) établis dans plusieurs pays francophones ont appelé, mi février, en amont du démarrage de cet atelier, à son boycott. Un texte d’appel au boycott a d’ailleurs été rédigé et largement diffusé sur Internet. Quels reproches sont adressés à SIL ? Ils ne portent pas sur le thème même de l’atelier que les signataires de l’appel jugent intéressant, mais sur la méthode retenue pour ce projet et plus largement sur la philosophie du travail conduit. L’appel dénonce ainsi un projet à "caractère impérialiste, paternaliste et patriarcal". Les organisations africaines signataires dénoncent un projet uniquement conçu et dirigé par SIL, une "association française" qui serait "dirigée par des hommes". "Nous pensons qu’il est très prétentieux pour un organisme du Nord de porter un tel projet en réfléchissant et en définissant les priorités pour le mouvement à la place des actrices présentes", dénoncent les signataires. Ce qui ne passe pas, c’est le fait qu’un acteur du Nord veuille créer un réseau au Sud sans tenir compte du fait que des structures existent déjà et que le réseau que SIL dit vouloir créer s’est "déjà constitué" sans l’aide du Nord. Cet appel à boycott vise donc à dénoncer une méthode de travail, une vision de l’aide internationale qui seraient obsolètes en tout cas contestées. Et les signataires d’enfoncer le clou : "Concevoir une telle initiative sans [l’]implication à la base [des personnes et structures concernées, ndlr] et leur demander d’y adhérer participe d’une vision colonialiste et arrogante. L’amélioration de la visibilité des LBT francophones ne peut se faire au mépris du travail déjà abattu". "Comment améliorer la visibilité des [femmes] LBT si celles-ci sont relayées au rang d’invitées ? Ne devraient-elles pas être la tête de proue de l’organisation de cet atelier ?" critiquent les signataires. "Il est absolument important que le mouvement LBT se construise de manière inclusive et participative, et du bas vers le haut. Loin de vouloir créer une quelconque division, nous appelons plutôt à la réflexion, au dialogue, à un véritable processus participatif venant de la base, c’est-à-dire des premières actrices concernées", concluent-elles.

(1) : QAYN (Queer african youth network), Avaf (Association pour la valorisation de la femme), Elles Cameroun, Sourire de Femmes et Coalition of african lesbians.