RS : aide à la décision publique ?

3 Mai 2020
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Les réseaux sociaux peuvent-ils être une « source dense d’information » pouvant aider à la décision publique dans la lutte contre l'infection à Covid-19 ? C'est une piste de travail que suivent des chercheurse-ses de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Une équipe de cet institut rappelle que « derrière l’apparente futilité des réseaux sociaux se cache une « source dense d’information qui permet de suivre l’impact sociétal d’un évènement majeur comme l’épidémie de Covid-19 ». Un programme de recherche en sciences humaines et sociales vise justement à en analyser les dynamiques, pour informer et orienter les décideurs-ses. Pour l'équipe, c'est une évidence que les sciences sociales « peuvent éclairer et aider les politiques publiques dans un contexte d’épidémie émergente ». « La circulation de l’information, la gestion de crise et l’opinion publique sont en constante interaction, notent les chercheurs-ses ». Du coup, il est utile de « suivre l'évolution de cette dynamique » car elle peut être un moyen d’aider les décideurs-ses à comprendre l’impact sociétal de tels événements. C'est une des leçons tirées des crises sanitaires antérieures, comme celles liées à Ebola ou au H1N1, deux événements durant lesquels « l’importance des réseaux sociaux est apparue ». Dans un communiqué, l'Inserm rappelle que « plusieurs laboratoires de recherche en sciences humaines et sociales se sont regroupés, dont celui de Laetitia Atlani-Duault (1), anthropologue, afin d’exploiter ce matériau et de conduire un travail spécifique au contexte de l’épidémie de Covid-19 ». Leur objectif : analyser les réactions de la population sur les réseaux sociaux face aux différentes phases de l’épidémie, aux diverses informations ou décisions qui la concernent, afin d’éclairer la décision publique. En résumé, c'est à mi-chemin entre le baromètre et le sondage. D'ores et déjà, note l'Inserm, de « premières observations » ont alimenté les réflexions du Conseil scientifique Covid-19, présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, conseil dont Laetitia Atlani-Duault est membre. L'objectif est une utilisation immédiate, mais « permettra de dégager des pistes de gouvernance pour affronter de prochaines menaces sanitaires ». Comme le détaille l'Inserm, les travaux des chercheurs-ses reposent sur différentes modalités d’analyse des posts et des échanges publiés sur diverses plateformes : analyses sémantiques qualitatives et quantitatives autour d’événements, de sources ou de mots clés, travaux de linguistique computationnelle, analyses de discours ou d’événements… Les données de réseaux sociaux, de sites et de forums internet sont exploitées ». « Mais Twitter est un outil particulièrement intéressant dans le cadre de ce projet, car il est situé au carrefour des producteurs d’information, des décideurs, des représentants associatifs et militants, et du public moins engagé ». « C’est aussi un outil par le biais duquel nous pouvons suivre en temps réel la circulation d’une opinion ou d’une information, et comprendre comment celles-ci émergent et se propagent ou, à l’inverse, ne se propagent pas. Cela permet aussi d’identifier des situations problématiques qui n’ont pas été prévues par les pouvoirs publics », explique Jeremy Ward (2), sociologue, impliqué dans le projet., dans le communiqué de l'agence de recherche. « Nos travaux doivent s’adapter en permanence à l’actualité de l’épidémie et à l’émergence de nouvelles informations », précise le chercheur. S’il n’y est pas spécifiquement dédié, ce projet de recherche n’écartera pas le sujet des fake news : « Rechercher un responsable est en effet un réflexe naturel lorsqu’il s’agit de comprendre et de donner du sens à un évènement dramatique », explique Laetitia Atlani-Duault. C’est par ce mécanisme que se créent les théories du complot et la multiplication des fausses informations, dont des journaux et l'AFP sont les analystes et pourfendeurs. « Au cours des épidémies d’Ebola ou de H1N1, nous avons vu émerger des personnalités concentrant le blâme ou à l’inverse l’héroïsation », raconte l’anthropologue. Comprendre comment ces figures apparaissent peut aussi aider les autorités sanitaires à comprendre la défiance ou la confiance de l’opinion publique, à affiner les axes de sa communication pour optimiser la diffusion d’une information fiable et à améliorer ses pratiques en matière de gestion des crises.

(1) : unité 1244 Inserm, Centre population et développement (Ceped), université Paris-Descartes/Institut de recherche pour le développement, Paris
(2) : Jeremy Ward, Groupe d’étude des méthodes d’analyse sociologique (GEMASS), CNRS/ Université Paris-Sorbonne