Salle de conso et cannabis : propositions divergentes d'un rapport parlementaire

4 Décembre 2014
1 784 lectures
Notez l'article : 
0
 

A croire que le débat n’était pas suffisamment confus sur la politique de réduction des risques en matière d’usage de drogues. En matière d'expérimentation de salles de consommation à moindre risque ou de légalisation de l'usage du cannabis dans l'espace privé, les deux parlementaires, la députée socialiste Anne-Yvonne Le Dain et le député UMP Laurent Marcangeli, auteurs d’un rapport parlementaire sur l'évaluation de la lutte contre l'usage des drogues illicites, publié le 20 novembre, rendent des conclusions divergentes et font des propositions divergentes. Constatant que la politique de prohibition adoptée par la France depuis 1970 n'a pas empêché le développement de la consommation de produits illicites, le rapport d'information parlementaire fait une douzaine de propositions consensuelles pour améliorer la lutte contre l'usage de drogue, mais divergent sur plusieurs points. Les rapporteurs sont d’accord pour proposer par exemple d'augmenter la fréquence et l'efficacité des campagnes de prévention en privilégiant Internet, d'appliquer l'obligation d'information des élèves dans les programmes scolaires, de mettre en place la e-prescription (prescription électronique) pour les traitements de substitution aux opiacées, ou encore d'expérimenter les programmes d'échanges de seringues en milieu pénitentiaire… ce qui est une très bonne chose, demandée depuis des années par les associations. Reste que le désaccord est complet sur la mise en place d'une salle de consommation à moindre risque, destinée à accueillir des personnes consommatrices de drogues très désocialisées qui se consomment dans la rue et à réduire les nuisances dans l'espace public. Les deux rapporteurs, qui ont auditionné des représentants de structures similaires en Suisse et aux Pays-Bas, des représentants des forces de l'ordre et des médecins, en ont tiré des conclusions divergentes. Jugeant les expériences suisse et néerlandaise "concluantes" et estimant "opportun d'introduire ce nouvel outil de réduction des risques", Anne-Yvonne Le Dain propose d'expérimenter plusieurs salles ("au moins trois établissements dans différentes villes") pour une durée de 18 mois, afin de permettre, "en cas d'évaluation positive, la généralisation du dispositif sur le territoire national". A l'inverse, Laurent Marcangeli propose de "refuser l'ouverture" de telles salles, "faute de sécurisation suffisante du dispositif s'agissant du travail de la police, de la justice et des questions de responsabilités en jeu". De son côté, la ministre de la Santé Marisol Touraine prévoit l'expérimentation de ces salles pendant six ans, dans son projet de loi Santé qui doit être examiné début 2015 par les députés. Concernant le cannabis, dont l'incrimination de l'usage personnel est de plus en plus contestée, les deux rapporteurs divergent également : la députée PS propose de "légaliser l'usage individuel de cannabis dans l'espace privé pour les personnes majeures, et d'instituer une offre réglementée du produit sous le contrôle de l'Etat". Anne-Yvonne Le Dain suggère aussi "de transformer le délit d'usage de cannabis dans l'espace public en contravention de 3e catégorie".  De son côté, Laurent Marcangeli propose seulement de transformer le délit d'usage de cannabis, qu'il soit public ou privé, "en contravention de 3e catégorie".