Serebrennikov dénonce l’homophobie

19 Février 2023
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« C'est bien pire que du temps de Tchaïkovski », a commenté le réalisateur Kirill Serebrennikov, évoquant l’homophobie dans son pays. S’il fait allusion à cette période, c’est parce que le célèbre réalisateur sort son nouveau film : « La femme de Tchaïkovski », qui avait été présenté au festival de Cannes en 2022. La « violence » de l'État russe à l'égard des homosexuels et de la communauté LGBTQ a atteint un niveau « d'hystérie », a souligné le réalisateur. « Dans le cercle d'amis qui entouraient Tchaïkovski (qui était homosexuel), mais aussi chez les fonctionnaires haut placés, les grands princes, les proches du tsar, il y avait beaucoup d'homosexuels qui l'étaient ouvertement », rappelle Kirill Serebrennikov. « Tchaïkovski n'avait pas honte d'être homosexuel ; le stress qu'il ressentait n'était pas à cause de la pression sociale, mais parce qu'il avait l'impression que le fait de ne pas avoir « la bonne orientation sexuelle » allait être un problème pour écrire sa musique », ajoute le réalisateur de 53 ans, basé à Berlin depuis qu'il a quitté la Russie deux mois après l'invasion de l’Ukraine. « Aujourd'hui, c'est bien pire, parce que l'État s'est octroyé le droit de recourir à la violence envers les LGBT, c'est une situation extrêmement discriminatoire qui frôle l'absurde », ajoute-t-il, notant qu'à chaque fois que des députés-es russes veulent se faire remarquer, ils-elles proposent des lois anti-gays. Selon lui, « l'hystérie a atteint son comble » avec la sortie en 2021 d'un roman écrit par Elena Malisova et Katerina Silvanova. Cette histoire d'amour de deux jeunes hommes dans un camp de pionniers (l'organisation de jeunesse soviétique) est devenue un best-seller chez la jeunesse russe. « Elles ont été accusées d'être des agents de l'étranger et des députés sont allés jusqu'à dire que si les gens lisaient le roman, ils deviendraient gays... », a commenté le réalisateur. Il estime que la société russe est aujourd'hui « complètement paralysée par la peur, car l'État s'est octroyé le droit d'exercer la violence ; et les artistes ne peuvent plus protester ou même émettre des doutes » ou même d'exprimer de la compassion pour les Ukrainiens-nes, « car c'est devenu dangereux ». « C'est un vrai retour à l'Union soviétique où tout le monde levait la main pour dire qu'ils étaient d'accord et pestait ensuite chez soi contre le pouvoir en place », dit-il.