Témoignage d’une contrôleuse VIH

20 Juin 2023
1 547 lectures
Notez l'article : 
0
 

Moins de 1 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ne développent naturellement jamais le sida. Ces contrôleurs-ses du VIH ont la faculté d’enrayer spontanément la multiplication du virus sans traitement ARV. C’est le cas de Sandra Harrigan-Thompson, qui a témoigné pour le site web The Body. Diagnostiquée séropositive au VIH en 1989, cette Afro-américaine de 69 ans, originaire de New York, n’a jamais pris de traitement antirétroviral et déclare que sa charge virale a toujours été indétectable et ses CD4 n’ont jamais été au-dessous des 1000 CD4/mm3. Après la mort de son mari des suites du sida, Sandra Harrigan-Thompson a vécu une période confuse : « Je suis retournée vivre dans le Queens, près de mes parents, et j'ai vécu dans le déni parce que je me sentais bien. Je n'en ai parlé à personne, sauf à mes deux meilleures amies. Ce n'est qu'en 1991 que j'ai consulté un médecin. Il m'a dit : « Je vous suggère de mettre de l'ordre dans vos affaires » [autrement dit, de se préparer au pire, ndlr]. Les années qui ont suivi ont été difficiles, car je voulais avoir une autre relation amoureuse, mais j'avais le VIH et j'élevais seule ma fille. Un médecin m'a dit que je devrais commencer à prendre des médicaments dès que mes lymphocytes T tomberaient à 900, mais tous les trois mois, je faisais des analyses et mes lymphocytes T étaient hauts — pendant des années ». Ce n’est qu’en 2002 que l’Américaine apprend qu’elle est ce qu’on appelle une contrôleuse du VIH. « J'ai participé à un groupe de parole pour les personnes séropositives à Harlem United, mais tout le monde parlait des effets indésirables à la prise de différents médicaments, et je ne pouvais pas participer à ces conversations. À un moment donné, j'ai participé à un atelier et quelqu'un m'a dit : « Tu dois entrer en contact avec des chercheurs, parce qu'ils recherchent des gens comme toi ». C'est à ce moment-là que j’ai ouvert les yeux. Je me suis dit : « Oh mon Dieu, j'ai de la valeur ». On m'a fait croire que j'allais mourir ». À partir de 2013, Sandra Harrigan-Thompson commence à participer à différents essais cliniques. Les personnes qui contrôlent le VIH sont d’un intérêt majeur pour les chercheurs-ses, qui aimeraient bien comprendre comment leur système immunitaire parvient à lutter contre le virus sans ARV. « Nous n'obtiendrons des réponses que si des recherches sont menées. Je crois en la science », explique celle qui vit avec le VIH sans traitement depuis plus de 34 ans. Sandra Harrigan-Thompson, aujourd’hui grand-mère, espère que ces recherches vont aboutir à un traitement curatif : « J'aimerais que la communauté VIH/sida ne dépende plus des médicaments et que la stigmatisation [de la séropositivité, ndlr] disparaisse. Je suis peut-être une contrôleuse, mais je vis toujours avec le VIH, et l'ignorance persiste. Les jeunes sont toujours infectés par le VIH. J'essaie de recruter mon petit-fils pour qu'il se joigne à moi dans un blog ou quelque chose du genre et encourage les jeunes à se faire dépister. J'aimerais être une force pour générer plus de financement pour la recherche. Avec un peu de chance, il me reste 12 à 20 ans. Je veux que la fin de ma vie soit la meilleure possible ».