Travail du sexe : un échange édifiant à l’Assemblée nationale

27 Janvier 2017
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Député PS, Romain Colas interpelle le gouvernement le 17 janvier dernier dans le cadre des questions au gouvernement sur "l’application de la loi contre le système prostitutionnel". Sa question ? Quelle est la "nature des moyens mis en œuvre" par les autorités pour "assurer l’application de la loi, notamment pour garantir l’effectivité de la sanction des clients" ? La circonscription de cet élu de l’Essonne comprend "la forêt de Sénart, notamment dans les communes de Tigery, Etiolles et Quincy-sous-Sénart, qui sont toutes trois situées le long de la route nationale n° 6". Sur ce territoire, le député dit constater : "la présence récurrente et l’augmentation du nombre de personnes prostituées". Bien sûr, il n’a pas échappé au parlementaire que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel a instauré une pénalisation des clients (1 500 euros et 3 750 euros en cas de récidive) qui sanctionne ainsi l’achat d’actes sexuels. Mais déplore Romain Colas : "Malheureusement, en dépit de ce nouveau cadre législatif, il apparaît que l’effet dissuasif de telles sanctions est très relatif". Et le député d’expliquer ce qui s’est passé dans sa circonscription. "Deux opérations d’envergure ont été menées à l’initiative de Mme la préfète de l’Essonne (…) Ces opérations, qui ont mobilisé énormément de policiers et de gendarmes [environ 35, selon le chiffre donné par le député, ndlr], n’ont cependant permis de constater que onze infractions qui ont donné lieu à quatre ordonnances pénales et à sept rappels à la loi". C’est manifestement trop peu pour l’élu, d’où sa question au gouvernement : "Je souhaiterais connaître la nature des moyens mis en œuvre pour assurer l’application de la loi, notamment pour garantir l’effectivité de la sanction des clients". Ce 17 janvier, la ministre des Droits des femmes, Laurence Rosignol, n’est pas dans l’hémicycle. C’est Pascale Boitard, secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie, qui répond au nom du gouvernement. Premier rappel : dès le 18 avril 2016, tous les procureurs et procureurs généraux ont reçu une circulaire présentant les nouvelles dispositions de droit et de procédure pénaux. Autrement dit, la justice sait ce qu’elle doit faire. Il existe même "au sein des parquets les plus concernés par le phénomène prostitutionnel, des magistrats référents". D’ailleurs, explique Pascal Boitard : "Des mesures d’évaluation" ont été "ordonnées". Cette information ne s’est pas limitée aux procureurs. Elle a également été faite aux services de gendarmerie et de sécurité publique afin "d’apporter une réponse pénale en temps réel à la nouvelle infraction d’achat d’actes sexuels" et "d’assurer (…) en coopération avec les associations mobilisées autour de la prise en charge des personnes prostituées, la mise en place de moyens effectifs d’accompagnement". Voilà, voilà ! Aucun chiffre n’est donné par la ministre qui enchaîne les éléments de langage en se gardant bien de dire combien de clients ont été interpellés et condamnés, combien de travailleuses du sexe se sont vu proposer un accompagnement pour "sortir de la prostitution", combien de personnes migrantes travailleuses du sexe se sont vu proposer un titre de séjour (c’est prévu dans la loi). Pas plus d’infos sur les conséquences de la loi, très contestée par les associations de santé, sur la santé justement. En fait, la réponse ministérielle est assez vertigineuse de vide. On saura juste que "le taux de recouvrement des amendes prononcées est actuellement aux alentours de 100 % et un ralentissement du phénomène est d’ores et déjà constaté sur certains ressorts". Comprenne qui peut ! Dans sa réponse à la réponse de la ministre, le député Romain Colas ne semble d’ailleurs pas convaincu par les explications laconiques du gouvernement. Il en veut plus et demande à Chancellerie de faire en sorte que "tous les parquets jouent effectivement pleinement le jeu", sous-entendant que certains seraient trop laxistes. Il demande aussi que soit complété l’"arsenal législatif (…) s’agissant, notamment, des mesures d’ordre public qui peuvent être prises pour limiter les phénomènes de concentration de personnes prostituées, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, à proximité immédiate des lieux d’habitation ou des écoles". On le voit en matière de travail du sexe la surenchère va bon train et, comme sur bien des sujets, c’est toujours la répression qui est privilégiée, même à gauche !