Tunisie : Projet de loi sur les stupéfiants

26 Janvier 2017
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Le parlement tunisien devrait amender le projet de loi sur les stupéfiants qui lui a été présenté, afin d'en renforcer les dispositions en matière de droits humains, ont expliqué (19 janvier) les organisations non gouvernementales Human rights watch, Avocats sans frontières et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, dans une lettre commune adressée au Parlement. Les ONG demandent notamment à ce dernier d’"éliminer de l'arsenal pénal tunisien toute peine de prison pour utilisation ou possession de drogue à des fins personnelles". Les ONG préconisent également que le Parlement supprime "la sanction draconienne proposée dans le projet de loi pour quiconque refuse de se soumettre à une analyse d'urine pour dépister une éventuelle consommation de drogue". Autre disposition controversée et ciblée dans le courrier, la création d’une nouvelle infraction d’"incitation" à l'usage de drogues. Elle pourrait, en effet, être notamment utilisée contre les organisations qui plaident pour la dépénalisation des drogues, ainsi que contre des artistes qui évoquent les questions liées à la drogue. "L'actuelle loi sur les stupéfiants, qui est draconienne, a déjà eu un impact désastreux sur la vie de milliers de citoyens tunisiens", a dénoncé Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de Human rights watch. Le gouvernement tunisien a approuvé et envoyé au Parlement, le 30 décembre 2015, un projet de révision de la loi sur les stupéfiants, n° 92-52 de 1992 (dites "loi 52"). La commission des lois du Parlement a commencé à discuter du projet le 3 janvier 2017. Le 12 janvier, le ministère de la Justice a déposé une version modifiée de ce projet de révision qui "aurait pour effet d'annuler certaines améliorations potentielles contenues dans le projet initial", critiquent les organisations non gouvernementales. Par exemple : la "loi 52" prévoit l'imposition d'une peine minimale obligatoire d'un an de prison à quiconque utilise ou possède même une petite quantité d'une drogue illégale, y compris de cannabis. Et les personnes récidivistes sont passibles d'une peine minimale de cinq ans. Même dans les cas concernant la possession d'un seul joint, les juges n'ont pas autorité pour imposer d'autres solutions que l'incarcération. Initialement, le projet de loi prévoyait l'abolition des peines de prison pour les premières et deuxièmes infractions dans toutes les affaires de possession en vue d'un usage personnel. Il laissait à la discrétion des juges la décision d'imposer d'autres punitions aux récidivistes et d’envisager une prise en charge médicale selon les cas. La nouvelle version revient complètement sur ces avancées. Afin de mieux illustrer les conséquences de la politique actuellement conduite et celles qui se produiraient si l’adoption du projet punitif avait lieu, Human rights watch et Avocats sans frontières ont toutes deux publié des rapports démontrant comment l'application de la "loi 52" a "conduit à diverses violations des droits humains". Dans leur rapport, intitulé "L’application de la loi 52 relative aux stupéfiants devant les juridictions tunisiennes", Avocats sans frontières, la Ligue tunisienne des droits de l'homme et l'Association du barreau tunisien rappellent, citant des sources officielles, que la Tunisie comptait 6 700 personnes en prison pour consommation de drogue en 2016, sur un total de 23 553 détenus, ce qui est beaucoup ; beaucoup trop selon les ONG.