Une loi contre les conditions indignes

1 Avril 2021
1 766 lectures
Notez l'article : 
0
 

Le nombre de personnes incarcérées dans les prisons françaises a de nouveau augmenté en février, pour s'établir à 64 405 détenus-es au 1er mars contre 63 802 le 1er février, selon les données statistiques du ministère de la Justice. Avec officiellement 60 775 places opérationnelles dans les 188 prisons de France, la densité carcérale globale s'établit à 106 %, contre 105 % le mois précédent et 103,4 % le 1er janvier 2021, indique l’AFP. Cette densité est de 123,8 % dans les maisons d'arrêt (contre 122,7 % au 1er février), où sont incarcérés les personnes en attente de jugement et celles condamnées à de courtes peines. Elle est supérieure ou égale à 120 % dans 76 établissements pénitentiaires, et atteint 207,7 % à La Roche-sur-Yon ou 176,6% à Tulle. Au 1er mars, 849 détenus-es étaient contraints-es de dormir sur un matelas par terre. Ce nombre, qui permet de mesurer la surpopulation, est également en hausse depuis plusieurs mois (422 matelas posés au sol le 1er juillet 2020, 587 le 1er octobre 2020, 688 le 1er janvier 2021 et 740 le 1er février 2021). Au total, 78 342 personnes étaient placées sous écrou au 1er mars, dont 13 937 personnes non détenues et faisant l'objet d'un placement sous surveillance électronique ou d'un placement à l'extérieur. La part des femmes (4 % de la population écrouée totale) est stable, tout comme celle des mineurs-es (environ 1 %). Ce n’est un mystère pour personne, la surpopulation a des conséquences majeures sur les conditions de détention. Récemment, le Parlement française à discuter des voies de recours pour « contester ses conditions de détention quand elles sont jugées indignes ». Le Parlement a définitivement adopté mardi 30 mars, via un ultime vote unanime de l'Assemblée nationale, une proposition de loi ouvrant une possibilité de recours pour les détenus-es. Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a salué « une avancée historique » même si cette proposition de loi « ne résoudra pas à elle seule la question de la surpopulation carcérale ». La proposition de loi du président de la commission des Lois du Sénat François-Noël Buffet (LR), qui a fait l'objet d'un accord express entre députés-es et sénateurs-rices, prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités une personne détenue peut saisir le juge judiciaire lorsqu'il-elle estime subir des conditions indignes de détention, afin qu'il y soit mis fin. La personne en détention provisoire pourra saisir le juge des libertés et de la détention (JLD), celle condamnée qui exécute sa peine pourra saisir le juge de l'application des peines (JAP). C'est seulement si le problème n'est pas résolu par l'administration pénitentiaire dans le délai imparti - dix jours à un mois - que le juge pourra ordonner le transfèrement de la personne détenue, ou sa mise en liberté si elle est placée en détention provisoire, ou encore un aménagement de peine sous conditions si elle est définitivement condamnée. Plusieurs députés-es d'opposition ont exprimé leurs doutes sur le fait que le recours soit bien « effectif », notamment du fait de son formalisme qui risque de décourager des personnes détenues. L'Observatoire international des prisons (OIP) a déploré dans un communiqué une « loi en demi-teinte », car selon l'association, le mécanisme mis en place « repose essentiellement » sur « le transfert du détenu vers un autre établissement pénitentiaire », ce qui peut être redouté quand la famille est proche par exemple.  De plus, le dispositif « donne un rôle beaucoup trop important à l'administration pénitentiaire, à la fois juge et partie », relève l'OIP. Le Conseil constitutionnel avait censuré le 2 octobre 2020 un article du code de procédure pénale qui freinait les recours de personnes placées en détention provisoire dans des conditions dégradantes. Il avait exigé qu'une nouvelle loi soit votée avant le 1er mars 2021, échéance qui a donc été dépassée. Cette décision faisait suite à un arrêt du 30 janvier 2020 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamnant la France et à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation.