VIH et stérilisations

12 Juin 2022
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Le 27 mai, l’Onusida publie un communiqué de presse saluant « les excuses publiques du Chili dans une affaire historique concernant des femmes séropositives stérilisées sans leur consentement ». « L’affaire » remonte aux années 2000. Elle concerne Francisca. La jeune femme, originaire d’une commune rurale chilienne, a 20 ans lorsque son partenaire et elle apprennent une bonne nouvelle : ils vont devenir parents pour la première fois. La séropositivité au VIH de Francisca est diagnostiquée lors d’un test de routine au cours du suivi de sa grossesse. La jeune femme prend alors toutes les mesures appropriées pour minimiser le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant. Elle donne naissance à un garçon séronégatif au VIH en novembre 2002. « Toutefois, le lendemain de la césarienne, Francisca, dévastée, apprend que le chirurgien a décidé de la stériliser pendant l’accouchement sans demander son avis », rapporte l’Onusida. En 2009, le Center for Reproductive Rights et l’organisation chilienne Vivo Positivo décident de porter le cas de Francisca devant la Commission interaméricaine des Droits humains. Le cas de Francisca n’est pas unique. Il vient s’ajouter à une série de témoignages de femmes chiliennes vivant avec le VIH qui se trouvent souvent exposées à de fortes pressions, tant sociales que médicales, leur interdisant d'être enceintes et prônant même une stérilisation chirurgicale. Dans son communiqué, l’Onusida rapporte un autre cas. Celui de Daniela (prénom d’emprunt). « Après avoir accouché, on lui a dit qu’elle ne pouvait pas tenir son nouveau-né dans les bras ni l’embrasser parce qu’elle allait lui transmettre le VIH », rapporte l’agence onusienne. Dans des entretiens, Daniela a déclaré que c’était ainsi qu’elle avait pris conscience de ce qu’était la discrimination. Après plus de dix ans de procédures internationales et après que la Commission interaméricaine des Droits humains a étudié l’affaire, un accord à l’amiable a été signé avec l’État chilien, dans lequel le gouvernement accepte sa responsabilité et s’engage à remédier aux violations et à prendre des mesures pour s’assurer que de tels actes ne se reproduisent plus, explique l’Onusida. L’instance est intervenue dans cette affaire en fournissant un mémoire en qualité d’amicus curiae, une formule juridique qui désigne une personnalité ou structure tierce qui donne des informations ou fait part d’une opinion pour faciliter un jugement entre deux parties. En l’occurrence, la contribution de l’Onusida informait la Commission interaméricaine des Droits humains sur les directives sanitaires et les normes en matière de droits humains que chaque pays doit suivre pour respecter, protéger et garantir les droits humains des personnes vivant avec le VIH. « Tout d’abord, je souhaite présenter mes excuses à Francisca (…) pour la grave violation de vos droits ainsi que pour le déni de justice et pour tout le temps que vous avez dû attendre jusqu’à aujourd’hui », a déclaré le président chilien Gabriel Boric Font, au début de son discours diffusé en direct sur les réseaux sociaux. « Combien de personnes comme vous n’ont pas été identifiées ? Je ressens une vive douleur à l’idée que l’État, que j’ai aujourd’hui l’honneur de représenter, est responsable dans ces affaires. Je m’engage envers vous, et envers ceux et celles qui vous représentent aujourd’hui en personne, que tant que nous serons au pouvoir, nous donnerons le meilleur de nous en tant qu’autorités afin qu’une situation comme celle-ci ne se reproduise plus jamais et vous pouvez être sure que dans les cas où ces atrocités ont été perpétrées, nous y remédierons en conséquence. » « J’aurais aimé être présente, avec ma voix, mon visage et mon corps, moi, la personne qui a lutté tant d’années, pour mener cette affaire sous mon propre nom. Cependant, révéler mon identité m’aurait fermé une infinité de portes », a déclaré Francisca dans un message adressé au public et lu par une représentante du Center for Reproductive Rights, Carmen Martinez. « À ce jour, les personnes porteuses du VIH sont toujours regardées avec méfiance comme si nous avions décidé de nous faire infecter. Cependant, je veux avoir l’intime conviction que cela va changer. » « Justice a enfin été faite. Avec cette affaire, nous appelons tous les gouvernements à continuer d’investir dans l’élimination de la discrimination à l’égard du VIH dans tous les services, y compris les soins de santé », a souligné la coordinatrice de Live Positive Gender, Sara Araya, citée par l’Onusida. « Le message est clair : l’autonomie et l’intégrité physique des femmes et de toutes les personnes vivant avec le VIH doivent être garanties sans discrimination. Il faut en finir avec les violations des droits des femmes vivant avec le VIH. » « La stérilisation forcée des femmes vivant avec le VIH est une violation des droits humains les plus fondamentaux des femmes », a déclaré la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima. « Malheureusement, cette pratique se perpétue dans de nombreux pays. Il faut renforcer les efforts pour l’arrêter et pour que justice soit rendue à plus de femmes. »