VIH : l’Europe de l’Est paie au prix fort les erreurs politiques et sanitaires

15 Septembre 2015
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Pas de miracle, l’Europe de l’Est est la seule région du globe où l’épidémie de VIH est en pleine expansion, a expliqué Michel Kazatchkine, envoyé spécial de l’Onusida pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, à la conférence IAS de Vancouver (juillet 2015). La raison ? Une accumulation d’erreurs politiques et sanitaires, des politiques discriminantes et un sous-investissement financier. Comme le rappelle Cédric Arvieux (médecin, membre du Corevih Bretagne) dans un de ses comptes-rendus de l’IAS 2015, l’épidémie de VIH est survenue tardivement dans cette région. Les stratégies de santé publique efficaces, notamment vis-à-vis des personnes injectrices, existaient ailleurs, mais n’ont pas été mises en œuvre.  Conséquence ? L’importante épidémie de VIH chez les usages de drogues par injection se développe dans la population générale. C’est en Russie et en Ukraine que se développent les nouveaux cas : 90 % des nouvelles infections dans cette zone surviennent dans ces deux pays. Par ailleurs, note Michel Kazatchkine, l’épidémie se développe chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes : + 427 % en dix ans. L’épidémie de VIH dans cette zone concerne prioritairement les "populations clés" : personnes injectrices et leurs partenaires sexuels, personnes migrantes, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, travailleuses et travailleurs du sexe, personnes en détention (très souvent des consommateurs de drogues). Cette épidémie a son pendant chez les hétérosexuels. Dans de très nombreux pays de la zone, l’homosexualité, l’usage de drogues et le travail du sexe sont pénalisés et conduisent à des politiques discriminatoires. Le climat ainsi créé, on le sait avec d’autres exemples étrangers, alimente l’épidémie car il éloigne de la prévention et de l’accès aux soins. A cela s’ajoute une faible couverture thérapeutique — qui s’aggrave selon Michel Kazatchkine. Dans plusieurs pays, la prévalence augmente plus vite que les mises sous traitement. Et Cédric Arvieux de pointer un chiffre : 12 % des Russes vivant avec le VIH ont une charge virale indétectable. En France, ce chiffre est de 65 %. Dans la région, 3,5 millions de personnes seraient injectrices ; 25 % seraient séropositives au VIH et les deux tiers séropositives pour le VHC. Chez les personnes vivant avec le VIH, la co-infection par le VHC se situerait entre 70 et 90 %. Difficulté supplémentaire, les politiques des drogues sont essentiellement répressives. D’ailleurs la méthadone y est illégale, rappelle Cédric Arvieux. Dans sa conclusion, Michel Kazatchkine a rappelé que dans cette zone sont mises en œuvre les politiques de santé les plus controversées et celles qui sont les plus à l’opposé des mesures dont les données scientifiques disent pourtant qu’elles sont efficaces : substitution, programmes d’échange de seringues, etc.