Yves Yomb est décédé

17 Juin 2020
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« Je suis optimiste. Désespérément optimiste ». C’est ainsi qu’Yves Yomb, militant de la lutte contre le sida et des droits des minorités sexuelles, concluait son discours en clôture de la conférence HIV Science de Paris, en juillet 2017. Dans un texte émouvant et personnel, Yves revenait sur son parcours, les ressorts de son engagement, la force de la démarche communautaire en santé dont il fut un défenseur et un promoteur, l’importance de la prise en compte des populations clés pour en finir vraiment avec l’épidémie de sida. Camerounais, Yves Yomb a démarré son engagement militant pour les droits des minorités sexuelles en Afrique, dans son pays d’origine. Il est alors étudiant. C’est à la suite d’une emblématique affaire d’homophobie, la publication dans des journaux locaux du nom de personnalités camerounaises présumées homosexuelles (affaire du « Top 50 », en 2006) qu’il se lance, avec beaucoup de courage, dans l’activisme. « C’était très grave, car au Cameroun, l’homosexualité est punie par la loi. Avec des amis, nous nous sommes dit que si nous n’agissions pas, personne ne le ferait », expliquait-il quelques années plus tard dans une interview sur le site de Coalition PLUS. Cet engagement, qui puise aussi ses sources à l’expérience de l’homophobie qu’il a connue dès sa jeunesse, Yves le mène d’abord au sein d’Alternatives Cameroun, association camerounaise de défense des droits humains. Il en devient le directeur. Au fil des ans, l’association développe son activité notamment de plaidoyer et comprend que pour être plus efficace, elle doit s’allier avec d’autres. Alternatives Cameroun intègre le réseau Africagay dès sa création en 2007. « Très vite, je suis devenu porte-parole du réseau, devenu Africagay contre le sida dans les années 2010, jusqu’à prendre le poste de coordonnateur », rappelle-t-il dans son interview pour Coalition PLUS. Lorsque l’association Africagay contre le sida change de nom et devient l’Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (AGCS PLUS) et intègre Coalition PLUS, Yves en devient le coordonnateur. Il défend que les personnes concernées par la vie avec le VIH tout comme celles qui subissent des atteintes à leurs droits sont partie prenante des solutions qui les concernent. Son parcours de militant sera durablement marqué par le principe, du « Rien pour nous sans nous », apparu à Denver en 1985, puis développé en 1994 lors de la conférence de Paris. Un principe qui se trouve renforcé en 2017 avec la Déclaration communautaire de Paris dont il fut un des artisans. Gay, personne vivant avec le VIH, Yves a trouvé dans ses deux identités la force de son engagement. Évoquant son pays, il expliquait : « mon parcours a rejoint le drame de centaines de milliers de personnes. Des personnes qui trouvent plus facilement le chemin de la prison que celui de l’hôpital. Des personnes que mille regards condamnent et qu’aucun n’accueille. Notre engagement comme acteurs communautaires, notre travail, pour ces personnes, c’est notre présence ». Yves Yomb est décédé le 15 juin des suites du cancer, à Paris où il était hospitalisé. Récemment ses amis-es, des collègues et militants-es étaient venus-es le saluer depuis une rue (confinement oblige) donnant sur sa chambre d’hôpital, loin de chez lui. « Je suis optimiste. Désespérément optimiste », disait-il. Il était engagé, résolument engagé. Courageux ; obstinément courageux. Dans son discours de 2017, il rappelait son adolescence et son souhait d’être, un jour, appelé « grand », un signe de réussite dans son pays, plutôt que d’être appelé « pédé » ! Cette reconnaissance, elle lui est assurément acquise auprès de celles et ceux qui l’ont connu, qui ont combattu à ses côtés. Yves était un grand militant.