Où sont les hétéros ?

Publié par Costa le 24.07.2008
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Un quart de siècle après l'apparition du virus du sida, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) semble se faire à l'idée qu'à l'exception de l'Afrique, la menace d'une pandémie hétérosexuelle s'amenuise.
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Dans un article publié début juin par The Independent, le responsable du département sida de l'OMS, Kevin de Cock, vient ainsi pour la première fois d'estimer que les stratégies universelles de prévention prônées par les principales organisations de lutte contre la maladie étaient peut-être dans l'erreur, face à l'absence d'une généralisation de l'épidémie chez les hétérosexuels.

Soulignant qu'en dehors de l'Afrique subsaharienne, l'épidémie reste plutôt confinée à certains groupes comme les homosexuels, les injecteurs de drogues et les prostitué(e)s et leurs clients, De Cock explique qu'"il ne semble pas y avoir d'épidémie hétérosexuelle dans les autres pays" et que la généralisation du nombre de cas crainte il y a dix ans en Asie et en Chine "n'a apparemment pas eu lieu". Ni d'ailleurs en Russie où le nombre de contaminations n'a pas non plus explosé, même si la diffusion du virus se poursuit. "Mais il faut rester prudent, poursuit-il, quelques foyers peuvent toujours apparaître à certains endroits."

Répondant aux critiques sur les sommes dépensées pour prévenir la transmission de la maladie parmi des personnes qui ne risquent pas d'être touchées par le VIH, l'épidémiologiste qui a consacré l'essentiel de sa carrière à lutter contre le VIH reconnaît qu'"il y a une part de vrai. Vous ne ferez pas grand-chose contre le sida en dépensant des fonds dans les écoles de Londres, il faut aller là où la transmission se produit et c'est vrai que les pays n'ont pas toujours été bons pour cela."

Kevin de Cock - Crédit photo: OnusidaPourquoi l'Afrique serait-elle seule concernée par la transmission hétérosexuelle de l'épidémie ? "Pour différentes raisons", répond le responsable de l'OMS qui cite pêle-mêle l'importance de la prostitution, de maladies sexuellement transmissibles déclenchant des plaies (en particulier l'herpès génital) et du multipartenariat parmi une population jeune. Si le nombre total de partenaires sexuels est le même en Afrique subsaharienne qu'en Angleterre, pour Kevin de Cock, il semble ainsi que les Africains aient plus souvent plusieurs partenaires en même temps, ce qui crée des réseaux plus favorables à la transmission d'un point de vue épidémiologique.

Pour le spécialiste, il importe donc désormais de "revoir la menace", en particulier chez les homosexuels "dont la proportion de séropositifs reste stable dans les pays industrialisés, voire augmente à certains endroits". Une population à laquelle on ne s'est intéressé que récemment dans les pays en développement où les taux de contaminations s'avèrent également élevés. "Il est surprenant de voir à quel point nous nous sommes mal occupé des homosexuels masculins, estime Kevin de Cock, quelque chose dont il faudrait selon lui "discuter plus rigoureusement."

Mais tous les facteurs de transmission sont encore loin d'être établis. Et le spécialiste de citer l'exemple des taux de prévalence parmi les homosexuels de Washington DC qui sont 100 fois plus importants que dans le Dakota du Nord (les plus faibles du pays). "Comment expliquer de telles différences ?" s'interroge de Cock pour qui le sida demeure un véritable "challenge" en matière de santé publique. Un challenge décidément difficile à remporter...


(source : The Independent)

 

 

Commentaires

Portrait de maya

On peut se questionner sur ces clivages de chiffres hetero/Homo . ou sont 'comptabilisés les bisexuels la dedans ? est ce que lorsqu'un mec a des rapports avec les deux sexes il est d'emblee classé dans les homos? Les medecins demandent en general avez vOus des rapports homosexuels? Et crac , classé.
Portrait de vendredi_13

Excellent article, merci !

 

J'ai toujours été choqué moi aussi de la négligences des institutions et associations en général en matière de prévention gay quand on voit l'incroyable écart de séroprévalence entre gays et hétéros, du moins dans les pays riches - et je suis content que l'OMS semble suggérer un repositionnement des structures concernées sur la question.

 

Il y a eu, bien sûr, outre le mépris traditionnel de l'Etat pour le sort de minorités, la volonté de prévenir la généralisation de l'épidémie, mais aussi l'obsession catastrophique des professionnels gays et gay-friendly de la prévention de dissocier coûte que coûte VIH et homosexualité... Le prix de tout cela pour les gays est connu aujourd'hui.

 

@ MAYA : rien ne prouve au contraire que la part des contaminations par rapport homo ne soit pas sous-estimée encore aujourd'hui. Si je ne me trompe pas, chaque année, environ 20% des néo-séropos omettent de déclarer comment ils ont été contaminés... (cf. données des diverses DOS.)

Par ailleurs MAYA, la DOS ne fonctionne pas par classification homo/bi/hétéro, mais par groupes de transmission : contamination par rapport sexuel avec une personne du même sexe, une personne de l'autre sexe etc.

 

Ce qui pose bien, comme le dit avec beaucoup d'humilité Kevin de Kock, le problème de la méconnaissance des modes de transmission... y compris entre hommes, d'ailleurs (ratio contamination par rapport passif, actif, fellation ??).

 

C'est un sacré chantier qui s'ouvre...

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