Le capital, c'est pas la santé !

Publié par Mathieu Brancourt le 09.10.2012
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Samedi 6 octobre, le mouvement "Notre Santé en Danger", réunissant personnels hospitaliers, militants politiques et associatifs, est descendu dans les rues de Paris. Une mobilisation générale de défense du droit à la santé malmené par les réformes, sous l'hôtel de l'austérité et de la rentabilité. De l’Hôpital Cochin à Matignon, Seronet y était, Seronet a marché.
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La santé n'a pas de prix. C'est ce que sont venus dire les 600 manifestants du collectif "Notre Santé en Danger" à la nouvelle majorité. Après des interventions de représentants du Collectif, le cortège doit quitter les abords des hôpitaux Cochin-Saint-Vincent de Paul, pour rejoindre la rue de Varenne et les quartiers du Premier ministre. Les manifestants dénoncent la marchandisation à grands pas de notre système de soins et le recul — voire la suppression — des moyens dévoués à ce fondamental de notre République. Bien loin des promesses faites par la nouvelle majorité, qui se prétendait en "rupture" avec la politique menée sous l'ère Sarkozy. Le budget 2012, présenté dernièrement par Jean-Marc Ayrault, affiche d'ailleurs une baisse de 8 % du financement du ministère de la Santé. De bien mauvais augure dans une période où les personnes les plus vulnérables renoncent à se soigner, faute de moyens. Près de 27 % des Français ont déclaré avoir reporté ou renoncer à des soins en 2011, selon un récent sondage CSA.

Plus concrètement, ce sont les franchises médicales, les dépassements d'honoraires et l'augmentation croissante des "restes à charge" (partie des frais médicaux non remboursés par la Sécurité sociale ou les mutuelles) qui éloignent les personnes les plus pauvres de la prise en charge médicale. Lors des prises de paroles, AIDES et Act Up-Paris sont justement venues demander l'abrogation immédiate de ces franchises et l'arrêt des refus de soins infligés aux étrangers malades. Au fil des passages de micro s'égrainent également les fermetures de services hospitaliers, voire d’hôpitaux, de maternités et d'autres structures essentielles à l'accès aux soins de qualité pour tous. Outre-mer, province, mais aussi région parisienne, le constat est national. Et bien plus encore. "On a Varsovie au bout du fil !", s'écrie un organisateur.

Religieusement, la foule écoute la militante expliquer comment le gouvernement polonais sabre la santé sous couvert d'austérité, sans consultation aucune. Désabusée, elle illustre bien le caractère européen de la vague de rigueur pilotée par Bruxelles et les chefs d’Etats européens. Le spectre de la Grèce exsangue est agité pour faire peur et discipliner ceux qui voudraient essayer une autre voie. Et ça marche ! Espagne, Chypre, Belgique et bien d'autres citoyens d'Europe se mobilisent pour dénoncer la course à l'économie, à mesure que ces pays voient poindre l'augmentation du prix du soin et les coupes budgétaires dans les programmes de leurs dirigeants.

Pourtant, ce parti pris néolibéral ne peut et ne doit pas s'appliquer au domaine de la santé selon le Collectif. Le renoncement aux soins est particulièrement inquiétant pour les personnes vivant avec des maladies chroniques. Pour le VIH et les hépatites, ces fameux restes à charge (RAC) favorisent les épidémies, en éloignant encore plus du soin et de la prévention des groupes de personnes déjà fortement stigmatisés et précarisés, comme les travailleurs et travailleuses du sexe, les étrangers et les personnes consommatrices de drogues. Dans son communiqué, AIDES indique qu'une personne séropositive "titulaire de l'Allocation adulte handicapé (AAH) paye environ 700 euros de restes à charge, soit l'équivalent d'un mois d'AAH". Son président, Bruno Spire n'hésite pas à affirmer "qu'en matière de santé, bien plus que tout autre domaine, l'austérité est un remède qui finira par tuer le malade". A ce non-sens sanitaire s'ajoute un non-sens économique. Dans son dernier livre, le prix Nobel d’Économie Joseph Stiglitz explique que l'accroissement des inégalités sociales par des mesures d'austérité, contrairement au but souhaité, aggrave l'instabilité économique.

Mais ce qui étonne - et choque - le plus, c'est le mutisme coupable dans lequel s'enferme le gouvernement sur ces questions. Quelques temps avant la marche, la demande d'une rencontre avec Matignon a été émise. Sans réponse depuis. Sous une bruine perçante, les militants espèrent qu'à leur arrivée, l'accueil sera plus chaleureux. Sur la route, le défilé et les tracts ne semblent guère intéresser les automobilistes, plus soucieux de traverser le carrefour que de saisir le sens de la mobilisation. "On marche pour la santé de tous, ta santé bordel !", crie une manifestante à un conducteur bavard en klaxon. Pendant près de deux heures, les slogans et banderoles seront malgré tout apparus aux Parisiens pressés. Car arrivé rue de Varenne, ce sont des portes closes et des fenêtres blindées de CRS qui attendent le cortège. Après quelques instants, l'organisation de la marche annonce, une nouvelle fois, qu'aucune délégation ne sera reçue. "Pire que Sarkozy !", entend-on parmi les marcheurs, trempés et dépités. Le Collectif "Notre santé en Danger" assure que la mobilisation continue, mais pour cette marche, c'est la fin. Une fin de non-recevoir plutôt. Pour l'instant ?

Commentaires

Portrait de vivement

C'était écrit : le programme de Hollande ne proposait pas autre chose que celui de Sarkozy. Davantage de libéralisme, moins de prise en charge et allègement du service public. Quant aux franchises, Hollande avait dit qu'il abrogerait la loi. Mais ça c'était en 2008....