Il m’a montré la seringue artisanale

Publié par Rédacteur-seronet le 16.04.2013
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Recueilli et rédigé par des militants de AIDES qui interviennent dans les prisons, ce témoignage a été lu aux participants lors de l’audition de l’association à la Direction générale de la Santé sur la prévention des risques (VIH, hépatites, IST…) en milieu carcéral.

Lors de notre permanence au sein de  l’UCSA [Unité de consultation et de soins ambulatoires, ndlr], j’ai rencontré une personne, Jean, fréquentant notre CAARUD [Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, ndlr]. Une infirmière le soupçonnant d’avoir dérobé quelque chose lors de son passage à l’UCSA, il a été contraint par celle-ci de vider ses poches sortant ainsi une seringue et affirmant que c’était pour un échange, que le médecin ainsi que AIDES étaient au courant de sa pratique d’injection en prison. L’infirmière a interpellé le médecin demandant des explications, celui-ci a été agacé du comportement de son infirmière et n’a pas confisqué la seringue. Voyant cela, l'infirmière a outrepassé sa fonction en le signalant auprès du personnel pénitentiaire, ce qui a provoqué une fouille de la cellule du détenu.

Suite à cela une réunion de crise a été provoquée, étaient présents le sous-directeur, le médecin de l’UCSA, l’infirmière, la psychiatre et le détenu ; celui-ci étant sous traitement de Skénan à haut dosage, il a été convenu que son traitement serait exceptionnellement maintenu avec une diminution progressive durant un mois et qu’il pourrait rester au quartier des arrivants (cellules individuelles) afin d’arriver en détention sevré de la morphine, et sous traitement méthadone.

Malgré cela, Jean a poursuivi sa pratique d’injection en se fabriquant une seringue à l’aide d’un stylo bille et d’aiguilles de seringues démontables qu’il avait réussi à dissimuler durant la fouille. C’est lors d’un entretien qu’il m’a montré la seringue artisanale. En accord avec lui, j’ai alors interpellé le médecin de l’UCSA étant donné qu’il s’injecte en artériel et que cela présente un risque.

Il a été revu par le médecin et ils sont convenus ensemble que Jean pourrait venir s’injecter de l’eau stérile chaque jour au sein de l’UCSA dans un premier temps, afin qu’il puisse travailler sur sa pratique d’injection. Aujourd’hui, il descend à l’UCSA deux à trois fois par semaine, il m’a confié avoir subtilisé des seringues et s’injecter son traitement de benzodiazépines en cellule. Certaines infirmières de l’UCSA comprennent son addiction, tandis que d’autres l’acceptent contraintes et forcées par la décision du médecin.

Les injections au sein de l’UCSA se sont espacées laissant supposer à l’équipe de l’UCSA que Jean avait arrêté sa pratique. Pourtant, il n’en était rien. Il s’est même retrouvé avec un codétenu usager de drogues lui aussi. Les consommateurs de produits psycho-actifs savent se repérer et demandent à partager leur cellule auprès du chef de la détention. Ainsi, tout un réseau s’organise autour de la consommation de produits que ce soit pour le matériel d’injection ou la revente de produits.

Un autre détenu, Darig, que je rencontre actuellement à la permanence à l’UCSA, lui aussi consommateur très actif, poursuit également sa consommation avec une pratique d’injection. C’est un détenu très connu à la maison d’arrêt. Lors d’une précédente incarcération, il s’est fait prendre avec trois seringues dissimulées dans le col de son survêtement. Le jour de l’entretien, il était  en possession de cocaïne et d’héroïne, il m’a montré ses points d’injection.

Depuis que le CAARUD est présent à la maison d’arrêt, l’équipe a  toujours rencontré des consommateurs de produits psycho-actifs qui poursuivaient leur pratique en prison.

Il est clair que des pressions existent auprès de détenus avec qui on peut récupérer du matériel pour l’injection, mais aussi des médicaments ayant des propriétés morphiniques. J’ai également eu des témoignages de personnes qui prenaient du Skénan ou de l’acti-Skénan qu’ils ont négocié auprès de détenus ayant une pathologie lourde (cancer).

Commentaires

Portrait de lounaa

Salut rédacteur, ben j'en avais parler dans un précédent billet seronet sur les prisons , du stylo BIC ...

La double voire triple peine quelle haine des hypocrites ! oui la dope circule et mais cette contamination la , ils l'ignorent ...