Le vapotage : e-noffensif ?

Publié par Mathieu Brancourt le 14.01.2014
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Thérapeutiquecigarette électroniquee-cigarettesevrage

L’e-cigarette fait un tabac. L’industrie revendique sa non-nocivité, tandis que le monde médical reste prudent, en tentant de comprendre les effets de ce fameux "vapotage". Dès lors, la cigarette électronique peut-elle devenir un nouvel outil alternatif aux cigarettes classiques, qui permette de réduire la consommation de tabac voire de l’arrêter.

Près d’un million de "vapoteurs" en France. Un chiffre qui illustre le succès grandissant de la cigarette électronique ou e-cigarette, arrivée sur le marché il y a seulement quatre ans. Les experts estiment que, d’ici un an, plusieurs milliers de boutiques spécialisées auront fleuri dans nos villes. Un embout buccal, un réservoir qui contient un liquide à base de propylène glycol et autres composants chimiques (avec ou sans nicotine) et une batterie chauffante qui convertit ce liquide en une vapeur capable d’être inhalée. Voilà comment se compose cette cigarette du 21ème siècle.

Vapeur contre combustion

La promesse ? Le plaisir de la fumée avec moins d’impact sur la santé (il existe des liquides sans nicotine, actif principal de la cigarette classique). Argument marketing alléchant, d’autant que le coût annuel d’une cigarette électronique, qu’elle soit jetable ou rechargeable, serait moins élevé que pour des cigarettes classiques (entre 500 et 1 000 euros le vapotage sur une année, contre 2 400 euros à consommation équivalente de cigarettes). Dès lors, inhaler les vapeurs de sa e-cigarette deviendrait un moyen de se passer de la combustion de la clope tubée, bourrée de produits toxiques pour notre corps. Alors, vapoter pour moins fumer ? Près de 50 % de gros fumeurs affirment avoir effectivement réduit leur consommation de tabac grâce à l’e-cigarette. Mais pour Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité national contre le tabagisme (CNCT), cela ne peut pas fonctionner dans la durée. "Réduire sa consommation via l’e-cigarette est illusoire. La quasi-totalité des e-cigarettes jetables ou les recharges achetées contiennent de la nicotine, responsable de l’addiction. On la maintient simplement, en transférant sa dépendance, sans pour autant réduire le risque", explique-t-elle. Une nouvelle étude publiée dans "The Lancet" prouve néanmoins une efficacité supérieure de l’e-cigarette face aux patchs à la nicotine dans un arrêt durable du tabac. 13 % des vapoteurs de l’essai avaient arrêtés à trois mois, contre 9 % pour les utilisateurs de patch, puis 7 % contre seulement 6 % trois mois après. Une preuve scientifique que nombre de médecins attendaient avant de se prononcer sur ce nouvel outil de sevrage. Mais le Professeur Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme tempère le retentissement de l’étude, expliquant que les résultats sont moins "puissants" qu’attendus. "Cela souligne l'intérêt de creuser cette piste pour déterminer dans quelle mesure ces produits pourraient aider effectivement les fumeurs à arrêter de fumer mais il est encore trop tôt, sur la base d'une seule étude, pour être catégorique", abonde la directrice du CNCT. De son côté, l’Agence nationale de sécurité du médicament (c’était alors l’AFSSAPS) a publié en 2011 un point d’information recommandant de ne pas consommer ce type de produits. Cette mise en garde a été contestée par différents acteurs de la santé.

Une popularité nouvelle pour une invention ancienne

Le principe d’un air chauffé aromatisé pour remplacer la combustion ne date pas d’hier. C’est le scientifique américain Herbert A. Gilbert qui déposa un brevet en 1963. Dans un autre temps, où les effets néfastes de la cigarette ne sont pas encore documentés, ce projet innovant ne rencontre que peu d’échos. Un pharmacien chinois relance le concept au début des années 2000 en le modernisant. Il dépose lui aussi un brevet en 2005 pour une cigarette "sans fumée et pulvérisation électronique". Dans un monde où le tabac est bien plus décrié, une entreprise s’allie à lui et commercialise une e-cigarette. Mais sa technologie dite "ultrasonique" demeure coûteuse. D’autres acteurs entrent alors sur le marché et, en 2009, le procédé de "vaporisation par résistance chauffante", aujourd’hui le plus répandu, est mis au point. Aujourd’hui, la grande majorité des marques et des produits sur le marché sont chinois et sont expédiés en kits dans le monde".

Les acteurs de ce nouveau marché très lucratif (certains l’estiment à plus de 100 millions d’euros en France) tiennent à garder la main. Le 10 juillet dernier, des associations de "vapoteurs" ont protesté devant le Parlement Européen, à Bruxelles. La raison ? Le 10 juillet, la commission ENVI (environnement, santé publique et sécurité alimentaire) a adopté des amendements qui, s’ils sont votés en séance plénière, classeraient les cigarettes électroniques en médicament. Finalement, la décision a été prise (décembre 2013), l’e-cigarette n’est pas un médicament, mais les pays qui l’ont déjà classée comme médicament peuvent continuer à le faire et à obliger sa vente en pharmacies. Le produit est interdit de vente aux mineurs, l’actuelle législation sur le tabac lui est appliquée. Une autorisation de mise sur le marché (AMM) sera obligatoire pour tous les liquides comportant de la nicotine. Le plafond de la concentration de nicotine dans les recharges sera limité à 20 mg par millilitre.

Cancérogène ?

Mais la publication, le 1er septembre dernier, d’un dossier sur la nocivité des cigarettes électroniques par "60 millions de consommateurs" a mis en lumière les connaissances lacunaires de ce qui doit être un nouvel instrument de santé publique. Leur "crash test" est sans appel. Qu’elles contiennent ou non de la nicotine, les vapeurs inhalées par ces néofumeurs contiennent des substances cancérogènes. En cherchant d’autres agents toxiques que ceux présents dans une cigarette classique, les experts du mensuel ont trouvé trois substances (formaldéhyde, acroléine et acétaldéhyde), particulièrement toxiques si respirées dont une, l’acétaldéhyde, classée comme cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer. Sans compter sur les autres polluants ou métaux lourds (nickel et chrome, sans mauvais jeu de mots). D’autres voix se sont élevées pour critiquer le procédé du test et la partialité presque assumée d’une publication rattachée au ministère de la Consommation. De plus, les professionnels de la santé ont lourdement appuyé sur les quantités bien plus faibles (de l’ordre de 100 fois moins parfois) des substances citées au dessus, mais aussi par l’absence des autres produits corrosifs, comme le goudron, qui se trouvent eux dans les cigarettes traditionnelles.

Face au manque de recul sur la santé à long terme, et malgré l’utilité aujourd’hui avérée de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique, le mensuel "60 millions de consommateurs" appelle de ses vœux un encadrement plus strict de la vente, notamment pour les jeunes. Même son de cloche dans le rapport sur la cigarette électronique commandé par la ministre de la Santé Marisol Touraine (coordonné par le Pr Dautzenberg de l’OFT), qui préconise lui l’interdiction de la vente aux mineurs et du vapotage dans les lieux publics.

Pas miracle, mais pas arnaque donc. C’est probablement sur cet axe que se rejoignent médecins et organismes de lutte contre le tabagisme : cet outil doit être mieux étudié, sa fabrication et sa distribution mieux encadrées afin d’exploiter l’ensemble du potentiel de l’e-cigarette sans pour autant perdre de vue l’objectif sanitaire de la réduction du nombre de fumeurs.

Commentaires

Portrait de lounaa2

info ou intox ?

Portrait de Spooky

To lobby or not lobby...!!!???

Portrait de herve13

De loin je préfère ma e-cigarette à la cloppe maintenant.

J'ai essayé cet été, et depuis un moment maintenant je ne fume plus du tout.

Difficile de trouvé une e-cigarette qui conviennent, qui ne coule pas, facile d'entretien ...etc... mais on y arrive quand même.

Je n'avais jamais réussi à arréter la cigarette. Maintenant je suis bien avec ce nouveau jouet.

Ne soyons pas naïf, ce n'est évidemment pas innofensif et l'article est très bien renseigné.

Mais si comme moi vous n'arriviez pas à stopper la cloppe depuis 30 ans, ce truc est un miracle.

J'utilise une batterie réglage en intensité et un clearomiseur assez gros, qui ne coule pas et dont les méches se changent pour 2.5€. 

C'est aussi économique, une fois les frais d'achat du matèriel dépensés, je consomme 1 flacon de 10 ml à 5.90€ pour 8 à 10 j/.

Faite le calcul....

Par ailleurs et pour finir, il existe des e-liquid sans propylène glycol, qui n'irritent pas du tout. Moi je fait un mélange avec des liquid normaux car le "bio" est très gras.

Portrait de MANESTRIA

comme vous, j'ai eu la même expérience : 22 ans à me tuer avec la cigarette, convaincu qu'elle était ma meilleure amie alors qu'elle n'était qu'un démon me tuant méthodiquement. et puis la e-cig est arrivée. je n' y ai pas vraiement cru mais j'ai essayé. ca ne m'a pas plu au début car je ne retrouvais pas les mêmes sensations "amicales"... les gouts testés étaient en plus franchement dégueulasses... et puis, j'étais alors devenu fumeur de mentholées histoire de moins sentir le gout de la cigarette,  j'ai découvert (je ne sais pas si j'ai le droit de citer une marque, mais bon...) le Sub Zero de Halo qui a la particularité de n'avoir aucun gout mais de donner une sensation de fraicheur intense quand on l'inhale. j'ai alors accroché à la e-cig, j'ai acheté un meilleur modèle, mais j'ai quand même eu des moments de craquage (que je qualifierai d'idiot maintenant que j'ai un peu de recul mais qui, à ces moments là, étaient encore irrépréssibles). bref, finalement, après avoir réussi à analyser tout ça, j'ai décidé d'enfin créer mon avenir et de laisser l'arme que j'avais l'habitude de pointer sur moi-même qu'est la cigarette dans son étui pour toujours. Cela va faire 1 mois que je ne fais plus que vapoter et je ne vois aucune raison qui me ferait rallumer cet objet de mort qu'est une simple cigarette. En fait, j'étais forcément suicidaire à fumer pendant 22 ans, et maintenant je suis en train d'enfin m'aimer sans le soutien de cette fausse amie vraiment démoniaque. le but, maintenant est d'arriver à me sevrer à moyen terme de la nicotine en diminuant les doses que je m'administre via cette nouvelle amie bienveillante.