Eddy Bellegueule : en finir avec son passé ?

Publié par Mathieu Brancourt le 23.02.2014
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Culturelivre

Dans un roman coup de poing, "En finir avec Eddy Bellegueule", Edouard Louis, jeune écrivain de 21 ans, raconte sans fard une enfance, du côté obscur de la campagne. Une jeunesse marquée par des brimades et la violence pour "Eddy la pédale", devenu Edouard Louis pour - enfin - prendre son envol et devenir qui il est, qui il était déjà.

"On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille, on choisit pas non plus les trottoirs de Manilles, de Paris ou d’Alger, pour apprendre à marcher", chantait Maxime Le Forestier dans une ode à la tolérance. Marcher, se mouvoir, c’était le calvaire d’Eddy. Dans le bassin industriel picard où il a grandi, rien de ce qu’il "dégageait" en se déplaçant n’était conforme à la norme en vigueur. Trop fluette, trop chaloupée, sa silhouette. Trop pédé, en somme. De sa naissance à la fin de son adolescence, "Bellegueule" ne ressemblait à personne, marqué au fer rouge par la "différence" qu’on lui renvoyait chez lui, à l’école, au village. En un peu plus de deux cents pages, l’Edouard d’aujourd’hui raconte un Eddy d’hier. Ce fils d’ouvrier issu d’une famille recomposée qui, après avoir essuyé une des réalités de l’homophobie en France, a décidé de fuir. Aujourd’hui Normalien, l’étudiant parisien semble faire, dans un roman, l’analyse a posteriori du cheminement qui conduit un jeune à suivre ses rêves et, finalement à s’assumer pleinement. Un Billy Elliot à la française.

Ce livre qui a ému la critique et touché beaucoup d’autres lecteurs n’est pas un récit larmoyant d’une détresse pourtant si flagrante. Et c’est peut-être ce qui frappe. Brutale et douce à la fois, la plume d’Edouard Louis expose sans détours les détails âpres, sexuels ou psychiques. Elle pose des mots sur une expérience certes romancée, mais réaliste. Pour autant, difficile de voir en cet ouvrage l’œuvre cardinale de l’histoire des jeunes ados homos des campagnes.

Dans un Nord de la France déjà maintes fois caricaturé, le roman – puisque c’est ainsi qu’il est présenté par l’éditeur - balaye le spectre de nombreux clichés sur une région sinistrée et objet de la condescendance parisienne. Crades, racistes, analphabètes et hermétiques à la différence, ces campagnards bas du front s’expriment plus par les gestes et les coups que par les mots, pas toujours dans le bon ordre. Ces phrases en italiques sont accolées aux lignes, bien plus virtuoses, de l’auteur lettré. La comparaison s’installe et fait vite pencher la balance. Si ce dernier défend que son livre est une "déclaration d’amour" à ses proches, ses lignes finissent par revêtir le sens opposé. Sans hiérarchiser les souffrances ou relativiser l’horreur d’une telle adolescence, le quotidien lugubre et imbibé d’alcool de cette France qui maltraite parfois les homosexuels devient presque un pamphlet contre une partie de la société elle-même oubliée des puissants. En tant que roman sociologique, écrit en hommage à son professeur Didier Eribon, "En finir avec Eddy Bellegueule" narre une histoire dont on ne connait jamais le degré de vérité biographique. Finissant par circonscrire l'impact du roman à une retranscription généralisante et maladroite d’une France dite profonde, qui ici, ne sera ni comprise ni écoutée.

En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis, Editions du Seuil, 17 euros.

Commentaires

Portrait de parisien-breton_en_ligne

et belle écriture...

ce livre mérite les critiques unanimes que l'on peut lire quasi partout

Portrait de lounaa2

Je l'ai vu à la télé , un garçon simple et intelligent lorsque il répond aux questions des journaliste ,

j'ai bien aimer ...

Il parle de Toutes les discriminations pas que de celle des homos ...

c'est avec des garçons comme lui que le monde pourra avancer ...

je vais lire son livre ...