L’essai 4D relance la piste de l’allègement thérapeutique

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Interviewallègement thérapeutique

L’essai ANRS 162 4D sur la stratégie d’allègement de traitement anti-VIH (une trithérapie prise 4 jours consécutifs sur 7) a démarré. Le recrutement des participants a été lancé cet été. Le professeur Christian Perronne, investigateur coordonnateur de l’essai, et le docteur Pierre de Truchis, co-investigateur coordonnateur, expliquent, dans le détail, ce projet, ses objectifs et ce qu’ils en attendent. Interview.

Vous avez présenté en janvier dernier votre essai 4D souhaitant évaluer le succès virologique d’une prise d’antirétroviraux en 4 jours sur 7. Qu’en est-il du recrutement et du calendrier de cette étude conjointe avec l’ANRS ?

Christian Perronne et Pierre de Truchis : L’essai ANRS 162 4D a finalement vu le jour cette année, il s’agit d’un essai étudiant l’efficacité et la tolérance d’un traitement de maintenance (1) par trithérapie prise 4 jours consécutifs sur 7, chaque semaine, chez des patients en succès thérapeutique (c’est-à-dire avec une charge virale indétectable depuis plus de un an sous trithérapie classique, sans mutations de résistance aux antiviraux). Il est prévu d’inclure 100 patients dans l’essai, et 17 centres français ont été retenus pour les inclusions. Les premiers centres ont été ouverts en juillet 2014, et le rythme élevé des inclusions, même en période d’été, du fait de la forte demande des patients et des investigateurs, laisse présager que les inclusions seront terminées d’ici la fin du mois de septembre 2014.

A-t-on une idée de la date des premiers résultats ?

Le suivi des patients dans l’essai est de 1 an, et la fin de l’essai devrait se situer à l’automne 2015, avec une analyse des résultats fin 2015 et leur communication début 2016.

Qu’est-ce qui a incité votre équipe à lancer cet essai et quels en sont les objectifs ?

L’idée de la possibilité de proposer un allègement thérapeutique à des patients en succès sous traitement est ancienne. Elle a déjà fait l’objet de nombreuses études. Plusieurs stratégies ont été testées, passage en bithérapie ou trithérapie de nucléosides, en monothérapie d’antiprotéases, combinaison simplifiée avec traitement en prise unique quotidienne, etc. Ces stratégies ont toutes montré des limites, soit en termes d’efficacité, de risque d’échappement virologique (ré-augmentation de la charge virale), soit en termes de limitation des indications possibles à des catégories très restreintes de patients.

L’idée de la réduction hebdomadaire des prises d’antirétroviraux revient à Jacques Leibowitch, qui a proposé depuis une dizaine d’années cette stratégie de réduction progressive des doses à 6, puis 5 jours par semaine chez certains patients suivis en succès thérapeutique. Il apparaissait à l’époque que les essais d’interruption des ARV, et les essais de traitement intermittent avec des périodes longues d’interruption, n’étaient pas efficaces et même dangereux pour les patients qui voyaient leur charge virale remonter, avec une reprise d’une activation inflammatoire excessive du système immunitaire et un risque de sélection de résistance (2). L’idée était donc de réduire la posologie (dosage du traitement) des antirétroviraux pour en limiter la toxicité à long terme, et accessoirement le coût, tout en maintenant un contrôle parfait de la réplication virale, avec une charge virale toujours indétectable, pour éviter les risques d’échappement ou de résistance.

Les premières données publiées de cette cohorte de patients confirmaient la faisabilité et l’efficacité de cette stratégie, mais le nombre insuffisant de patients étudiés, leur origine monocentrique (3), et l’hétérogénéité des profils de patients, ne permettaient pas d’en affirmer la validité scientifique. Une étude plus large, chez des patients venant de plusieurs centres en France, avec des critères précis d’inclusion, et une analyse scientifique indépendante, était donc nécessaire pour permettre de mieux valider cette stratégie.

Après de longues discussions, il a été décidé par l’ANRS de conduire un essai exploratoire multicentrique non randomisé (4), dont les objectifs principaux sont de tester l’efficacité d’un traitement allégé pris 4 jours sur 7, en maintenance après un traitement en trithérapie efficace. De nombreux autres paramètres seront étudiés chez ces personnes : efficacité virologique avec mesure de la charge virale à un seuil inférieur à 50 copies/ml, étude de la résistance éventuelle, dosages pharmacologiques des médicaments, évaluation de l’évolution du réservoir viral et de l’activation inflammatoire sous traitement, tolérance et effets indésirables, adhésion du patient à la stratégie ou l’évolution de la qualité de vie.

Dans quelle mesure l’allégement thérapeutique est-il un enjeu important pour la santé et la qualité de vie des personnes séropositives ?

Les trithérapies classiques sont encore associées à la survenue de troubles fonctionnels multiples, par exemple à une fatigabilité accrue ressentie par les patients, même si les traitements modernes sont mieux tolérés que les thérapies plus anciennes. Certaines des trithérapies sont associées à des modifications métaboliques à long terme, d’autres à une toxicité sur le rein ou le foie dans certaines populations de patients, par exemple les personnes plus âgées. L’hypothèse serait donc qu’une "juste" réduction de la posologie puisse permettre de réduire la conséquence de la prise médicamenteuse qui est encore obligatoirement longue, puisque l’éradication de l’infection VIH n’est pas encore possible. Les essais actuels de traitement de maintenance allégé devraient commencer à répondre à la question du bénéfice individuel de cette stratégie sur la tolérance globale du traitement.

Dans les études préliminaires, il apparaît que les patients donnent des retours très positifs sur le fait de "suspendre" leur traitement le week-end, ce qui leur permet de mieux choisir leur stratégie thérapeutique qui s’inscrit le mieux dans leur mode de vie. Il sera nécessaire d’évaluer précisément l’impact de cette stratégie sur la qualité de vie, ce qui sera fait dans notre étude par des questionnaires de qualité de vie standardisés.

En termes de santé publique, il faudra vérifier aussi que ce type de stratégie ne représente pas un risque supplémentaire concernant la transmission du VIH, ce qui ne devrait pas être le cas puisque la réplication virale reste parfaitement contrôlée. Enfin, les conséquences sur la réduction du coût global de santé devront être évaluées.

Le nombre important de restrictions d’éligibilité dans l’essai vient-il de la difficulté à trouver un profil type de personnes séropositives pouvant suivre un allégement thérapeutique sans risque pour leur santé ?

Il s’agit encore actuellement d’une étude dite "pilote", puisque nous ne disposons pas encore de données contrôlées sur ces traitement de maintenance à posologie réduite, aussi est-il nécessaire de s’assurer que les patients inclus ne risquent pas (ou le moins possible) d’expérimenter un échappement virologique ou un risque de résistance, et donc il faut être sûr de l’efficacité totale du traitement en cours. De plus, il s’agit d’un essai thérapeutique et il est nécessaire de bien connaître les déterminants cliniques et biologiques du succès ou de l’échec d’une telle stratégie chez un patient donné ; ces deux impératifs expliquent la rigueur nécessaire des critères d’inclusion dans l’essai 4D.

Certaines précautions supplémentaires viennent de l’expérience des études préalables. Par exemple, il n’est pas prévu d’inclure des patients sous anti-intégrases car quelques cas d’échappement virologique et de sélection de mutations de résistance aux anti-intégrases ont été décrits sous traitement à dose réduite, ces médicaments ayant ce qu’on appelle une "faible barrière génétique à la résistance".

En résumé, les patients candidats à ce type de traitement de maintenance allégé sont des patients en succès thérapeutique confirmé sous leur traitement ARV précédent, sans antécédents de résistances aux antirétroviraux, ce qui représente, en théorie, la majorité des patients actuellement suivis.

On le voit avec la PrEP (prophylaxie pré exposition) ou le TASP (traitement en prévention) : l’observance est une condition essentielle du succès de la prévention biologique du VIH. Quelle place prend ce paramètre dans l’essai et comment sera-t-il analysé ?

La bonne prise des ARV est, et reste, un élément essentiel du succès thérapeutique, en particulier chez les patients ayant une réplication virale (charge virale détectable) et débutant une combinaison d’antirétroviraux. Chez les patients déjà en succès thérapeutique, à condition qu’il soit effectif depuis suffisamment longtemps, le maintien de ce succès est plus facile à obtenir, et l’hypothèse que nous avons est qu’il est possible de le maintenir avec moins de médicaments. Il est cependant nécessaire que les prises demeurent régulières et que les patients sous traitement allégé ne diminuent pas trop leurs prises d’antirétroviraux, sous peine de risque de reprise de la réplication virale : aussi l’observance thérapeutique, ou plutôt l’adhésion du patient à ce nouveau schéma, doivent demeurer élevées. C’est pourquoi une évaluation stricte et multiple de la prise des ARV a été prévue dans le cadre du protocole ANRS 162 4D : retour des boites de médicament et comptage des comprimés pris effectué par les pharmaciens des centres, carnet d’autosurveillance rempli quotidiennement par les personnes, et sous-étude chez une partie des patients inclus par évaluation de l’observance grâce à l’utilisation de piluliers à bouchon électronique qui permettront de retracer l’historique exact des prises de médicaments. Nous espérons grâce à ces données fournir des renseignements précis sur la faisabilité de ces stratégies.

La forte demande et la forte participation des patients sollicités font espérer que nous pourrons obtenir d’ici un an des éléments plus précis et fiables pour pouvoir recommander ce type de stratégie à plus grande échelle.

(1) : Traitement de maintenance : On parle aussi de traitement de suite lorsque le virus est indétectable depuis des mois. C’est la stratégie qui fait suite au traitement d’attaque ou d’induction. Lorsque le virus n’est pas encore contrôlé, il faut une puissance antirétrovirale importante et une observance maximale. Il s’agit de taper fort sur le virus tous les jours pour l’écraser et empêcher l’émergence de résistances. Lorsque le virus est indétectable, d’autres stratégies sont parfois possibles : monothérapie d’antiprotéases boostée, réduction de prises, etc.
(2) : Sélection de résistance : apparition de résistances aux antirétroviraux dues à des mutations successives du virus.
(3) : Personnes suivies sur un site unique
(4) : Essai exploratoire multicentrique non randomisé : une étude qui se déroule sur plusieurs lieux différents. Ici, les participants forment un seul groupe, il n’y a pas de groupe témoin.

Commentaires

Portrait de maxim33

Bonjour

Quel sont les centre qui font parti de cet essai.???? le CHU de BORDEAUX en fait il parti.???

Portrait de Sophie-seronet

Bonjour,

Bordeaux ne fait pas partie des centres qui recrutent. Je vous mets la liste ci-dessous :

  • Fort-de-France : Hôpital Ménard
  • Bobigny : Hôpital Avicenne
  • Caen : CHU Côte de Nacre
  • Corbeil Essones : Centre hospitalier sud francilien
  • Dijon : Hôpital Le Bocage
  • Kremlin Bicêtre : Hôpital Bicêtre
  • Montpellier : Hôpital Gui de Chauliac
  • Paris : Hôpital Pitié-Salpêtrière, Hôpital Saint-Antoine, Hôpital Bichat, Hôpital Necker, Hôpital Tenon, Hôpital européen Georges Pompidou
  • Suresnes : Hôpital Foch
  • Toulouse : Hôpital Purpan
  • Tours : Hôpital Bretonneau

Bonne journée. Sophie

Portrait de Giancarlo

Pour info (et conformément aux prévisions présentes dans cet article), le recrutement est terminé (a priori sur toute la France).

Portrait de Sophie-seronet

Hello,

Effectivement Giancarlo, les inclusions sont terminées pour l'essai 4D.

Il n'y a plus qu'à attendre que d'autres essais soient lancés sur l'allègement thérapeutique.

Bonne soirée. Sophie

Portrait de alsaco

de faire  des essais  officiels  - cautionnés  par les  décideurs  . alors que la pratique  a déja fait ses preuves   .

C 'est vraiment  abbérant  d ' attendre   les résultats , les élucubrations  et le feu vert  des autorités  gourvernementales  . 

Mais hélas  c 'est ainsi que  les normes  seront   appliquées    -  encore bcoup  de temps   avant les résultats   . Ces mrs - dames  TRES BIEN RENUMERES    ne sont pas pressés     - Rendre officiel  Un   constat reste burlesque   ...............

bonne journée

Portrait de bob02

 Il faut attendre debut 2016 pour les résultats  ,et bien j'aurais passé quelque nuit avec toutes ces douleurs insupportable et ces très grande fatigue avant qu'on me propose cet essaie ,j'ai bien fait de réduire ma trie de moitié  ca fait un an déja et tout va bien pour moi (fini les douleurs et la fatigue)

 

Portrait de Charles-Edouard

J en pouvais plus...

et je ne savais pas qu il y avait une soluce pour moi

a son credit, c est mon medecin qui en a parlé le premier...

Pour me dire que c'était... hors de question !

je me suis renseigné, j'ai decouvert le fil de discussion sur Seronet

Merci Seronet

Merci

Je me suis documenté

J´ai commencé.... Je me sens tellement mieux

j´ai les boules, je ne le cache pas... Ce sera vraiment mieux quand les patients pourront etre orientés vers cette soluce ou une autre , en toute sécurité

Le faire en ´sauvage ´ , n'en déplaise a Leibo était ma seule solution

Je comprends que , sans doute, ce ne sera pas pour tout le monde.

Mais, pour moi ca marche... Et je remercie de tout coeur ceux qui ont eu le courage de témoigner

Portrait de alanna77

Depuis quatre ans avec Leibo

deux  jours de traitement par semaine

A Garches

tout va bien

Merci cher docteur Leibowich

Portrait de jl06

Giancarlo wrote:

Pour info (et conformément aux prévisions présentes dans cet article), le recrutement est terminé (a priori sur toute la France).

 une illusion de plus ...on et completement a la ramasse de ce qui se passe sur Paris !

Portrait de Charles-Edouard

Y compris aux antilles...

Le pb c'est qu'il n'y avait que 100 places, reparties sur 12 centres, ca fait peu par centre...

Mais bon...2 ans pour avoir les resultats, puis décider de faire un essai en vraie gradeur, on en prend pour 5 ans, dixit C. Peronne...

on va quand meme pas attendre !

Moi, mon médecin, il est contre... Donc ni médecin ni Leibo...

un jour / semaine en Quadri, et tjrs indetectable.

oui... Merci Dr Leibowitch...Grand Merci !

Portrait de Calou28

depuis 4 mois un de moins par semaine, la dernière prise de sang est bonne donc je passe a 2 de moins !

 

Portrait de JeanPierre46

2 ans après, qu'en est-il de cette étude ? Va-t-on devoir attendre une autre étude confirmant la première, et qui sera suivie par une troisième qui confirmera la seconde ? À trop vouloir jouer la sécurité on traîne, on traîne. Si on doit attendre encore 3, 4 ou 5 ans, d'autres méthodes auront été trouvées et qui sait un vaccin (je suppute, n'affirme pas !) et pendant ce temps, beaucoup de malades auront perdu leur temps et leur santé (déjà bien affectée par ce maudit virus).

Pour ma part sous Efavirenz et Truvada depuis 4 mois, et malgré la réticence de mon virologue, j'ai bien envie de tester ce protocole, mais par où commencer ? Sans doute de 7 a 6... puis de 6 à 5... Voire de 5 à 4, mais après combien de temps.

Ne sachant rien de la méthode, je n'ai pas envie de faire de l'auto medication.

Portrait de Charles-Edouard

ANRS-4d est terminé et les résultats publiés. Tu trouveras les résultats sur le net.

Victoire de classe atomique, l'ANRS ne peut que capituler et proposer a 640 patients un essai de suite : Quatuor

Comme tu es recent dans le ttt, il se peut que tu ne soit pas eligible. Le Dr De Truchis a une consultation a Garches. Vas le voir et vous pourre determiner la marche a suivre

Le Dr De Truchis a suivi, personnellement ou en tant qu'investigateur de l'essai 190 patients au succes total 

Il y a t il un meilleur endroit oû aller consulter ?