Nouveau virus, nouvelle épidémie à Cuba : vraiment ?

Publié par jfl-seronet le 20.02.2015
13 113 lectures
Notez l'article : 
5
 
0
Thérapeutiquevirus VIH

Une nouvelle souche du VIH provoquant une épidémie inédite à Cuba, un virus hyper agressif qu’aucun traitement ne contrôlerait… Le lancement tonitruant des résultats d’une étude cubano-belge fait frémir. Une partie de la presse relaie entre approximations et erreurs. Heureusement, d’autres sources permettent de revenir à la réalité… des faits et de la science.

"Courrier international" publie, sur son site Internet, le 14 février, un article dans sa rubrique Santé : "Une souche de VIH plus agressive découverte à Cuba". Citant les travaux de chercheurs belges (Université catholique de Louvain) et cubains (Institut de médecine tropicale Pedro Kouri de La Havane), le site de l’hebdo explique qu’une "variante du virus du sida, très virulente, sévirait à Cuba" et qu’elle "expliquerait en partie l'évolution rapide de l'épidémie sur l'île". L’article s’appuie sur ces travaux publiés dans la revue scientifique "EBioMedicine". Cette souche "cubaine" recombinerait le "matériel biologique de trois virus [en fait de trois sous-types de VIH : A, D et G, ndlr]". Le virus recombiné a été baptisé CRF19 (CRF : circulating recombinant form). Il aurait deux conséquences principales : d’une part la charge virale serait plus importante que celles consécutives à d’autres types du virus et d’autre part, en l’absence de traitements, elle accélérerait le "développement du sida chez les personnes infectées". "Courrier international" écrit : "Les patients atteints par cette souche développent la maladie trois ans seulement après avoir été infectés, alors que cette période est généralement de 6 à 10 ans pour les autres souches du virus". Comme on pouvait s’y attendre, l’annonce a suscité, un grand classique du genre, un effet d’emballement dans la plupart des médias et son corollaire : de fausses informations. D’autres sources, à l’inverse, ont donné des informations vérifiées et qui donnent une portée très différente à l’information.

Pas une nouvelle épidémie ni un nouveau virus

Ainsi la coordinatrice scientifique de Sida Info Service, le docteur Radia Djebbar, a publié un article (18 février) qui explique que les chercheurs belges et cubains ont recherché la présence du CRF19 chez 52 personnes ayant déclaré la maladie rapidement, 22 personnes dont la séropositivité date de plus de trois ans, 21 personnes vivant avec le VIH n’ayant pas développé de symptômes, soit 95 personnes au total. "Le virus recombiné CRF19 a été retrouvé dans le 1er groupe qui a déclaré rapidement le stade sida, mais pas chez les membres des deux derniers groupes", explique Radia Djebbar.

Virologiste à l’hôpital Necker, le professeur Christine Rouzioux a expliqué le 18 février dans l’émission scientifique de France Inter "La tête au carré" de Mathieu Vidart, que sur l’ensemble des 95 personnes, 9 d’entre elles sont infectées par le CRF 19, que ces personnes sont sous traitement et que le traitement marche. Dans certains articles, on a pu lire qu’aucun traitement ne marchait sur cette souche, ce qui est faux.

La virologiste a aussi indiqué qu’elle avait regardé dans la cohorte française ANRS-Primo (cette cohorte permet de suivre sur le long terme des patients nouvellement infectés) et qu’il existe, dans les données françaises, un unique cas de personne ayant la souche CRF 19 depuis 2007. "C’est extrêmement rare", indique-t-elle. "Cette souche n’est pas nouvelle, elle existe depuis 1980 à Cuba", explique Christine Rouzioux. Pour elle, il ne "s’agit pas d’une nouvelle épidémie ni d'un nouveau virus". Elle ajoute que l’épidémie de VIH est à un niveau faible à Cuba, que la situation y est particulière comme le démontrent des articles scientifiques anciens qui ne sont d’ailleurs pas rappelés dans la récente étude cubano-belge.

Pour Christine Rouzioux, si le titre de l’article de présentation des résultats pose problème tout comme son relais dans les médias et si elle estime que l’étude comporte des failles méthodologiques, l’étude reste intéressante pour la question posée et les hypothèses soulevées. Par exemple, cette épidémie concentrée à Cuba s’explique-t-elle par une agressivité particulière de la souche CRF 19 ? A ce stade, cela n’est pas démontré. Comme l’explique le docteur Djebbar de Sida Info Service : "Il n’est pas totalement certain que ce virus se développe plus vite dans l’organisme grâce à ses spécificités génétiques". L’épidémie pourrait s’expliquer par les comportements des personnes. Comportement sexuel, génétique du virus : le débat n’est pas tranché.

Enfin, Christine Rouzioux a expliqué sur France Inter qu’elle avait parlé avec une des scientifiques belges et que sa collègue lui a dit être surprise voire dépassée par le "bruit" qu’a suscité cette publication et ses effets collatéraux… hyper agressifs !

Commentaires

Portrait de frederic16

La science maitrise deja bien le virus vih(maintient en vie).Pas de polemique la- dessus nos chercheurs avancent et un jour ils trouveront un vaccin.donc les Cubains ne devraient pas flipper,ils vous trouveront un traitement adequate en attente d un vaccin pour pour nous tous.Il faut-etre simplement patient.La science n est pas innée,donc avoir le respect des chercheurs.Moi je suis athée et pourtant je crois en la science(toute science confondu).Amitié,Pascal

Portrait de migrant

Oui, les souches recombinees evoluent plus vite.

Moi ma souche est proche, j'ai la CRF_02_AG . Depisté tot, mais on ne voulait pas me donner le traitement. Je suis passé en stade sida, a 110 CD4 seulement 8 mois apres ma contamination.

Cette souche dite CRF_19 est comme la mienne CRF02AG, mais avec la souche D en plus. J'imagine plus virulente encore.

Mais bon, en fin de compte, on s'en fout un peu de la virulence. Ca veut juste dire qu'elle est plus dangereuse sans traitement. Mais toutes les souches sont dangereuses sans traitement.

La mienne est replico sensible, elle est sensible aux inhibiteurs de transcriptase, donc il suffit de prendre le traitement et ca va.

Par contre, on devrait former les medecins hospitaliers, dont un certain nombre ne connait pas grand chose au VIH, et leur expliquer que oui, les souches CRF evoluent vite, qui OUI il faut donner le traitement sans attendre que les clients tombent malade.

En France, la souche B est la plus repandue. Avec la souche B, en effet, il faut entre 5 et 10 ans pour passer au stade SIDA sans traitement.

Il faudrait que les medecins hospitaliers soient capables de lire correctement un genotypage de virus,qu'ils comprennent que tout le monde n'a pas la souche B, que les souche recombinantes evoluent plus vite et qu'en cas de souche CRF, il faut donner le traitement rapidement.


Esperons que cet article donnera un coup de pied au cul salutaire aux medecins qui refusent encore de donner le traitement aux recemment infectés.