VIH en Grèce : Kentrozois entre contraintes et projets

Publié par jfl-seronet le 11.05.2015
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Mode de vieSituation sanitaire

Kentrozois, The Centre for life, est une association de lutte contre le sida et les hépatites virales. Etablie à Athènes depuis 1993, l’association a connu les soubresauts qui ont marqué la Grèce ces dernières années ; elle a même failli disparaître du fait de la crise économique qui a saigné le pays. Début avril, Aurélien Beaucamp, administrateur à Aides, a rencontré, lors d’un séjour dans la capitale grecque, l’équipe de Kentrozois. Retour sur une rencontre.

Le 6 avril dernier, j’ai pu échanger pendant deux heures avec deux responsables de l’association Kentrozois (Centre for Life) à Athènes : le directeur général Nikos Stergiou — que j’avais déjà rencontré à l’occasion d’une conférence européenne sur la lutte contre le VIH en Europe, en novembre dernier à Rome (2) — et Kostis Chatzimorakis, le responsable de la collecte de fonds.

Créée en 1993, Kentrozois est une association de lutte contre le VIH et les hépatites virales, principalement l’hépatite C. Elle propose un grand nombre d’actions et de services qui vont de la prévention à l’information, de l’accompagnement à la défense de l’accès aux droits des personnes vivant avec le VIH et/ou le VHC. Quoi que bien établie (elle a tout de même plus de vingt ans d’existence), l’association a failli fermer ses portes il y a trois ans, faute de financements. Aujourd’hui, leur budget s’établit à 168 000 euros pour des actions conduites depuis Athènes, mais qui ont vocation à s’adresser à toutes les personnes vivant avec le VIH et le VHC en Grèce. L’équipe compte six salariés et comprend des travailleurs sociaux, des psychologues et médecins. Kentrozois peut surtout compter sur une force de quelque 71 militants et volontaires. Une lecture attentive du site de l’association (une partie est accessible en anglais) permet de comprendre l’importance accordée au volontariat au sein de cette structure.

VIH, effets de crise !

Dans le contexte actuel où la crise économique et sociale fait toujours sentir ses effets, et se trouve marqué par la disparition des financements affectés à la prévention, le nombre de personne contaminées par le VIH est en forte augmentation. L’association travaille auprès des groupes les plus exposés au VIH et aux hépatites virales, des groupes proches de ceux que nous connaissons en France : personnes usagères de drogues, hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), personnes migrantes, femmes, etc. Officiellement, l’association Kentrozois suit environ 5 000 personnes vivant avec le VIH sur Athènes : 65 % sont des HSH, 17 % des femmes. Bien évidemment, le nombre de personnes vivant avec le VIH qui ignorent leur statut sérologique est important et non connu voire mal estimé. Le gouvernement parle de 5 000 personnes qui seraient dans ce cas, mais d’après l’association ce chiffre serait plus important. C’est plausible lorsqu’on prend en compte la population de la capitale grecque : pas loin de quatre millions de personnes en 2011. Parmi ses actions, Kentrozois a développé une action de dépistage avec l’association Checkpoint d’Athènes, mais dont le déploiement reste modeste : 1 000 dépistages chaque année seulement. Reste que l’association constate néanmoins une augmentation des contaminations chez les HSH et les femmes. L’association communique énormément sur son image sur Athènes avec le relais de personnes HSH plutôt connues, mais souvent établies hors de Grèce. Il y a ainsi moins de risque de discriminations à leur encontre au quotidien. La visibilité est à ce prix là. Outre des contacts avec les medias, Kentrozois travaille avec les pouvoirs publics — ministère de la santé, notamment — et deux associations : une association LGBT et le Checkpoint d’Athènes.

Où en sont-ils ?

Kentrozois a été contrainte d’arrêter, pour le moment, l’accompagnement au quotidien et la prévention pour les personnes usagères de drogues. Cette décision est la conséquence de phénomènes de violence de plus en plus présents et parfois pas maitrisables. Ainsi des travailleurs sociaux et des médecins ont été rackettés par des personnes usagères. Cette détérioration du climat est liée à l’arrivée massive de drogues à des prix dérisoires, des drogues coupées avec n’importe quoi, telle le "sky". Ce produit, un dérivé d’amphétamine, est aussi appelé "7ème ciel". Il est connu pour ses effets : le produit rend agressif voire violent, parano et suscite des hallucinations… Lors de mon séjour, j’ai assisté à une soirée où circulaient à peu près tous les produits. Les personnes présentes mélangeaient les substances sans manifestement en connaître les effets associés ou les interactions. Le slam était même pratiqué au niveau du dancefloor avec un partage des seringues pas du tout compatible avec les bases de la réduction des risques.

Concernant les populations migrantes, l’association a développé depuis deux ans des partenariats avec les centres hospitaliers d’Athènes via le programme Aristotelis soutenu par le gouvernement ; un programme qui reste financé par les pouvoirs publics malgré les difficultés économiques. Pour les femmes, Kentrozois a créé, il y a deux ans, deux groupes d’échange qui fonctionnent de façon assez similaires aux groupes de paroles de Aides ; l’un est à Athènes et l’autre à Thessalonique, la deuxième ville du pays. Plus globalement, l’association n’a pas une connaissance précise de ce qui se passe dans le pays en matière de VIH et d’hépatites virales, faute de contacts régionaux et surtout par manque de données nationales solides.

Des projets dans un contexte encore difficile

Dans le contexte que connaît encore la Grèce — avec une diminution des fonds publics —l’enjeu reste la continuité des programmes déjà développés. Tous les programmes nationaux de prévention ont été arrêtés sous le précédent gouvernement. La situation sociale est loin d’être idyllique. Comme l’expliquait, il y a deux ans, Médecins du Monde : 30 % de la population grecque n’avaient plus de couverture sociale en 2013. En mars dernier, le pays a même été confronté à une grave pénurie de médicaments.

A Athènes, la situation locale ne fait qu’empirer, cette fois sur un autre terrain : la montée des agressions homophobes. Le phénomène se développe de façon générale dans tout le pays, mais atteint même des quartiers dont on aurait pu croire qu’ils seraient épargnés comme Gazi, le quartier gay d’Athènes, quartier où l’association est installée. A l’instar de ce qui se passe dans de nombreux pays, l’homosexualité reste un tabou en Grèce, au mieux un non-sujet. Il reste toujours difficile de parler de son homosexualité et a fortiori encore plus de sa séropositivité. L’association compte d’ailleurs lancer une campagne de communication : "If I was HIV Positive" sur le modèle de la campagne créée par Aides : "Si j’étais séropositif". L’enjeu est d’importance, d’autant plus dans un pays où la culture fait que tout le monde connaît tout sur tout le monde, ou parler des relations sexuelles est tabou et évoquer son homosexualité ou sa séropositivité, même supposée, aussi... Avec cette campagne, Kentrozois va bousculer les choses, provoquer des réactions dans l’opinion publique. C’est la première fois qu’une telle campagne à cette échelle sera diffusée dans le pays.

Sur le plan des revendications, le plaidoyer comme disent les activistes, l’association entend peser sur l’agenda politique du nouveau gouvernement — celui d’Alexis Tsipras — notamment sur la prévention en direction des jeunes via les programmes scolaires. Mes interlocuteurs ont parlé d’un manque d’informations et de failles dans l’éducation concernant l’éducation sexuelle et bien sûr des risques de transmission du VIH, des hépatites virales et des IST.

D’une façon générale, les choses se passent mieux avec le nouveau gouvernement, des progrès sont attendus sur le plan social et l’on devrait en finir avec les folies provoquées par une loi adoptée en 2012 qui avait servi de base à l’arrestation de femmes suspectées d’être des travailleuses du sexe, d’avoir le VIH et de le transmettre sciemment à leurs prétendus clients. Les identités (photos comme noms) de ces personnes avaient même été révélées en une de certains journaux grecs, suscitant une très vive polémique.

Un système social et sanitaire sous tension

Kentrozois entend concentrer ses actions auprès des jeunes donc et aussi des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. L’association envisage d’ouvrir d’autres centres notamment dans le Péloponnèse dans des villes importantes comme Patras. L’association souhaite aussi développer la coopération avec d’autres pays européens que ce soit sur le plan institutionnel ou côté société civile. Une piste évidente au vu de l’immensité du chantier qui attend Kentrozois. "Les conditions de vie précaires augmentent les problèmes de santé", expliquait, en janvier 2015, un médecin de l’organisation non gouvernementale Praksis (2). Comme Médecins du Monde, il mentionnait le retour de la tuberculose et de la malaria, l’explosion du taux de mortalité infantile, la hausse des infections par le VIH et les hépatites virales, le fait que se soigner devenait un luxe inaccessible pour des millions de Grecs. La situation est telle qu’on m’a parlé de cette situation incroyable. L’Union Européenne propose, dans ce pays, une aide aux personnes vivant avec le VIH d’un montant d’un peu plus de 700 euros, versée tous les deux mois. Conséquence avec la crise, beaucoup de personnes, notamment des HSH, se contamineraient volontairement pour toucher cette aide. Difficile de savoir si le phénomène est réel ou quelle serait son importance, quoi qu’il en soit cette info (ou cette rumeur) est un signe de l’extrême tension sociale et sanitaire qui touche encore la Grèce.

(1) : Conférence européenne : "Combattre le VIH/sida 10 ans après la Déclaration de Dublin : Ne laisser personne de côté ; En finir avec le sida en Europe".
(2) : "La santé grecque proche de l’agonie", "Journal du Dimanche", 3 janvier 2015.

Commentaires

Portrait de bernardescudier

Pourquoi vous ne ne parlez pas de Papadimitriou; directeur du Keelpno et vice president de l'institut pasteur qui est à l'origine de la catastrophe sanitaire en Grece ?


C'est étonnant parce que le Centre pour la vie ,Centerzois - en grec - donne souvent cette information. Au lieu d'insister sur les rumeurs de contamination par le Vih pour l'obtention d'une aide européenne, donnons l'ensemble de l'information. Et lisons le communique de l'Afp et de l'institut Pasteur qui accuse Papadimitriou. Cette information de l'Afp a été relayée par Seronet et Aides. http://www.seronet.info/breve/linstitut-pasteur-souhaite-le-depart-dun-dirigeant-de-son-antenne-grecque-68706

Lien internet sur la Criminalisation du VIH en Grèce. Source AFP.               

http://www.afp.com/fr/node/2795494

Le maintien par Athènes à la vice-présidence de l'antenne grecque de l'Institut Pasteur d'un responsable impliqué dans des dépistages du VIH abusifs est "un point majeur de préoccupation" pour l'institut Pasteur, écrit sa direction dans une lettre dont l'AFP a eu connaissance.

"La volonté des autorités grecques de maintenir M. (Theodoros) Papadimitriou dans ses fonctions au sein du Conseil d'administration de l'IPH (Institut Pasteur Hellénique) constitue un point majeur de préoccupation dans la relation avec cet institut de droit local", écrit la présidente du Conseil d'administration de l'Institut Pasteur Rose-Marie Vanlerberghe dans cette lettre du 6 août adressée à Laure Pora, présidente d'Act Up-Paris.

M. Papadimitriou, vice-président de l'IPH, une nomination qui "relève de la seule autorité du ministre grec de la Santé conjointement avec le secrétariat général de la recherche" grec, insiste Mme Vanlerberghe, est en effet également le directeur du KEELPNO, le Centre hellénique pour le contrôle des maladies et la prévention, dont les méthodes ont fait scandale en 2012.

En effet, sous l'égide du KEELPNO, une campagne sécuritaire avait été lancée juste avant les élections législatives, et 31 prostituées séropositives avaient été arrêtées et poursuivies pour "tentative de lésions corporelles graves", une vingtaine étant incarcérées.

La police avait rendu publiques leur identité et leurs photos, ce qui avait provoqué un tollé, tandis que des milliers de clients se ruaient sur les numéros verts mis à leur disposition pour les services de santé pour se faire dépister.

Plus généralement, les ONG dénoncent le traitement parfois discriminatoire imposé en Grèce aux personnes infectées par le VIH, et l'absence d'un plan d'action gouvernemental contre le sida.

Dans sa lettre, Mme Vanlerberghe "condamne fermement" ces dépistages. Elle déplore que les démarches de l'Institut Pasteur pour dénoncer cette affaire, soient "hélas, restées lettre mortes".

Le nouveau président de l'Institut Pasteur, le Pr Christian Bréchot, a à son tour écrit en juillet au Ministre de la Santé grec Makis Voridis, et au secrétaire d'Etat à la recherche Christos Vasilakos, "avec pour objectif de dénoncer la convention de 2008 entre l'Institut Pasteur et les ministères de tutelle grecs concernant (l'IPH) et de ré-ouvrir, à cette occasion, le dialogue sur l'avenir de cet Institut", note Mme Vanlerberghe.

"La question de la participation de M. Papadimitriou au conseil d'administration de l'IPH sera clairement posée", assure-t-elle.

Dans ces deux courriers rédigés dans les mêmes termes, datés respectivement des 15 et 18 juillet et également vus par l'AFP, le Pr Bréchot évoque en effet la possibilité d'aborder "l'ouverture de nouveaux partenariats et le fonctionnement du Conseil d'administration, auquel nous aimerions être étroitement associés".

hec/od/ai

Portrait de IMIM

Un tableau noir et pourtant réel de la situation des Grecs, face au désastre économique induit par un système qui a protégés, fiscalement les richissimes armateurs et autres Une Grèce lachement abandonnée par ses "partenaires" européens

Des situations catastrophiques qui confirment jusqu'ou la nature humaine peut aller pour survivre face à des injustices sociales, quand elle est poursuivie, discriminée, sanctionnée, qu'elle manque de soin et d'un minimum vital

C'est vers ou s'achemine doucement la France qui compte faire "des économies" sur le dos des malades, des migrants, des émigrés, des pauvres, des vieux, et de toute une partie de la population, exclue, en occultant totalement leur réaction

Merci pour cette mise au point qui renvoit chacun à ses responsabilités

Portrait de bernardescudier


 Vous pouvez suivre ce lien pour prendre connaissance de l'ampleur des problemes sanitaires en Grece depuis 5 ans et comprendre pourquoi la police peut controler le vih avec des tests forces dans la rue :


http://www.seronet.info/billet_blog/reponse-de-linstitut-pasteur-crimina...



Le responsable sanitaire qui est responsable de la catastrophe sanitaire  evoquee dans l'article est Papadimitriou, le directeur général des affaires infectieuses en Grece pour l'état grec, et le vice président de l'institut pasteur grec. L'institut pasteur francais veut sa démission. C'est aussi un cadre du parti conservateur, Ta nea. Il est très lié aux labo Français.




http://www.seronet.info/billet_blog/grece-et-vih-la-sante-nest-plus-un-d...



La presidente en France de l'Institut Pasteur et Marc Jouan le directeur général des affaires internationales de l'Institut Pasteur en France ont demande sa demission. Francoise Barré Sinoussi, laureate du prix nobel, a aussi organisé la lutte contre papadimitriou.


Les enjeux financiers des labo concernent papadimitriou. Je tiens à faire remarquer que les décrets qui permettent les controles du vih dans la rue en grece ne sont pas levés. Et papadimitriou a participé à leur mise en place avec les médecins de l'état grec. Et papadimitriou est toujours là ! Plus de 2188 personnes ont ete arretes dans la rue a ce jour apres avoir ete controles positives au Vih. Ou sont elles ?



Mes respects, Bernard Escudier.

Portrait de jl06

Comme le dit si bien IMIM , quelle tableau noir de la Grece ,mais quand et il des autres pays de l,est dans l,union ? 

on se croiré retourner au temps des rafles nazi ....a par  seronet , persone relate les fait ....

Portrait de IMIM

Toujours aucune nouvelle des 2188 personnes s+ arrétées arbitrairement ???

Prison, hopitaux, morgue ????

Je suis consternée de voir que personne, y compris les médias, ne révèlent cette info

Ils ne nous parlent que des restrictions, de la crise, de la faillite Ils balayent les droits de l'homme baffoués outrageusement

La Grèce , c'est l'Europe !!

Mais la France fait le dos rond, espérant tirer son épingle du jeu

Elle gagne du temps Pendant qu'on saigne la Grèce, on ne s'occupa pas d'elle !!

Elle prends de son coté des mesures "sécuritaires", réforme tt les avancées sociales arrachées il y a 80piges et ns dit qu'il faut se mettre à "l'air du temps" .....Mais, qui fait la météo ????? mdr