Consulter pour retrouver mémoire et concentration...

Publié par Anne Courvoisier-Fontaine le 22.11.2015
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Thérapeutiquememoireconcentrationtroubles neurocognitifs

Anne vit avec le VIH depuis 30 ans. En 2001, à 38 ans, elle remarque qu’elle a des problèmes de concentration et de mémoire. Commence alors un long parcours avec consultations, examens, participation à des recherches. Elle raconte ce parcours et fait le point sur sa vie aujourd’hui.

Séropositive depuis 1985, j’entame la prise d’une trithérapie in extremis, au moment de la sortie des médicaments en Suisse, début 1996. Les bénéfices du traitement se font rapidement sentir, et ma virémie [charge virale, ndlr] chute de façon incroyable. Les effets indésirables sont aussi au rendez-vous et les problèmes intestinaux, sensations de fourmillement et de brûlure des mains me rendent la vie pénible, mais je suis surtout très heureuse de pouvoir à nouveau me projeter dans l’avenir et penser à celui de ma famille !

Quelques années plus tard, à l’âge de 38 ans, en 2001, je commence à remarquer des problèmes de concentration et de mémoire. J’en parle avec mon médecin généraliste. Il m’envoie consulter un neurologue. Je me rends donc dans le cabinet d’un médecin genevois qui me fait passer quelques tests, discute avec moi et me dit qu’il ne constate rien d’anormal. Je poursuis donc ma vie à peu près normalement, mais j’angoisse de plus en plus à chaque fois que j’oublie quelque chose ou que je suis distraite.

Il m’arrive de plus en plus souvent d’aller dans une pièce et de ne plus me souvenir de ce que je suis venue y faire, de devoir relire plusieurs fois le même paragraphe d'un texte pour pouvoir l’assimiler ou de me perdre en voiture faute de me concentrer au volant.

Je finis par consulter une psychologue et un deuxième neurologue à l’hôpital universitaire de Genève en 2007. Les tests plus poussés que j’effectue dans le cadre d’une étude qui cherche à comprendre pourquoi tant de personnes séropositives se plaignent de problèmes que l’on nomme "problèmes cognitifs mineurs", démontrent des légers dysfonctionnements : déficits de la flexibilité mentale et de l’attention soutenue. On ne me dit toujours pas clairement de quoi le problème provient, mais les médecins soupçonnent le virus d’être en cause, car il pourrait être présent dans le cerveau et pourrait provoquer des problèmes. 0n me propose alors de modifier mon traitement pour prendre des molécules plus petites qui pénétreraient mieux dans le cerveau. La psychothérapie que je poursuis m’aide énormément car j’ai complètement perdu confiance en moi et je dois apprendre à ne pas paniquer lorsqu’il m’arrive d’oublier quelque chose.

En même temps, je tente de mettre en place des stratégies pour me rappeler des choses, (listes, tableau noir, etc.). Je suis également un cours d’autohypnose (1) qui m’aide aussi beaucoup à relativiser et me calmer. Le changement de médicaments n’a foncièrement rien amélioré. En décembre 2010, je retourne à la consultation en neurologie à laquelle j’étais allée en 2007. Le sympathique médecin qui me reçoit est le même et les tests que je dois effectuer sont identiques à ceux passés précédemment. Apparemment, les problèmes que je ressens sont toujours relativement mineurs, mais le médecin remarque un problème de concentration évident. La difficulté du diagnostic précis réside dans le fait que l’on ne peut pas procéder par élimination en supprimant les causes des problèmes cognitifs qui peuvent être multiples : le virus pourrait être en cause, la trithérapie également car elle pourrait être toxique pour le cerveau et dans mon cas, les choses se corsent car je prends régulièrement des somnifères, pas non plus indiqués pour améliorer la mémoire.

Quelques années passent, et ne voyant toujours pas d’amélioration, je décide de prendre rendez-vous pour faire une IRM. Celle-ci ne détecte rien d’anormal, mais, en réalité, je comprends qu’il faudrait vraiment de gros problèmes pour qu’on puisse voir quelque chose à cet examen. Je prends alors rendez-vous, selon le conseil de mon médecin généraliste, pour faire une ponction lombaire [un prélèvement du liquide céphalo-rachidien dans le dos, au moyen d’une aiguille entre deux vertèbres, ndlr]. Ce prélèvement permet de voir s’il y a, ou non, présence de virus VIH dans ce liquide et donc, en toute vraisemblance, dans le cerveau. L’examen révèle qu’il y a bien une petite présence de virus et que ma trithérapie, pourtant prise avec une grande régularité, n’a pas suffit à éliminer le virus par delà la barrière des méninges. Mon médecin rajoute alors à mon cocktail une quatrième molécule. Je prends maintenant en plus de la Viramune (nevirapine) et du Truvada (tenofovir/emtricitabine) l’Isentress (raltégravir). Quelques mois plus tard, je subis à nouveau une ponction lombaire, qui révèle que la virorachie [La charge virale dans le liquide céphalo-rachidien, ndlr] est devenue indétectable. C’est une très bonne nouvelle et je suis très heureuse que ces efforts portent leurs fruits. Pourtant, je ne constate malheureusement pas une réelle amélioration de mes fonctions cognitives.

Je me rends à une consultation spécialisée, la plateforme Neuro- VIH, qui regroupe des spécialistes : neurologues, psychologues, psychiatres et infectiologues. Toute une batterie d’examens est pratiquée. Je dois répondre à un questionnaire destiné à déceler une dépression éventuelle ; on me fait une prise de sang complète avec la détection de la borréliose [une maladie causée par les tiques et les poux qui provoque des problèmes au cerveau, ndlr] et de la syphilis [une IST qui, en phase tertiaire, peut provoquer des atteintes neurologiques, ndlr]. Je parle longuement avec un psychiatre et je fais un examen complet neuropsychologique comportant des exercices de mémorisation, de compréhension de textes et d’exercices de logique.

Les conclusions de ces tests montrent une amélioration des fonctions cognitives. A vrai dire, aujourd’hui, un an et demi plus tard, je suis toujours dans la même situation et si j’oublie beaucoup moins de choses, c’est grâce à mon Smartphone qui me sauve la mise plusieurs fois par jour en me rappelant, à coups de sonneries véhémentes, les rendez-vous que j’ai, les tâches que je dois faire et les coups de fil que je dois passer. Il me dit même quand je dois faire les courses et quand je dois aller à la pharmacie chercher des médicaments. C’est tout de même difficile de gérer cette situation, tant du point de vue de mes activités professionnelles que dans ma vie personnelle car les gens doivent me répéter plusieurs fois les choses ou je comprends parfois de travers ou je me focalise sur une décision prise antérieurement à une autre, en croyant que c’est la bonne. Ce n’est pas évident, mais j’espère juste que cela ne va pas s’empirer et que je vais pouvoir continuer à gérer ce que je fais habituellement. J’arrive juste à ne plus stresser quand je fais une erreur, car je sais que c’est contre-productif et que je me fais du mal en me dévalorisant. Je suis aussi très honnête avec mes collègues et mon entourage et ils savent que j’ai ces difficultés, alors ils font avec et m’encouragent plutôt. Pour ma part, l’acceptation doit forcément être la première étape vers la recherche de solutions pratiques pour mieux gérer les troubles neurocognitifs et leurs conséquences sur le moral. On peut vivre bien en ayant des troubles neurocognitifs, C’est mon expérience. Cela a été possible pour moi en me faisant aider et en trouvant les moyens de ne pas me laisser aller à la dépression que cela pouvait induire.

Déroulement d’une consultation à la plateforme Neuro-VIH au Centre universitaire vaudois, à Lausanne, Suisse
J’ai effectué les divers examens proposés dans le cadre de cette plateforme pluridisciplinaire en juin 2013. Quand on arrive à l’hôpital, on est accueilli dans une salle avec un casier pour ranger ses affaires et un lit pour se reposer, entre deux examens, si nécessaire. Une infirmière vient faire une prise de sang très complète pour voir : la virémie (charge virale), le nombre de CD4, le nombre de plaquettes, le dosage de différentes vitamines comme les vitamines B12, le sodium, le potassium, le fer. Elle vérifie également le taux de cholestérol et de triglycérides et recherche la présence de maladies comme la borréliose ou la syphilis qui peuvent altérer les fonctions cognitives. Les différentes hépatites sont aussi recherchées. On procède aussi à un IRM du cerveau et à une ponction lombaire, si nécessaire, pour déterminer s’il y a présence de virus dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) et du coup dans le cerveau, ou non.
Dans mon cas, l’examen a été complètement indolore et a déterminé qu’il y avait une légère présence de virus dans le LCR. Ensuite, on est pris en charge, toute la journée, par différents médecins, pour un bilan psychiatrique et psychologique sous forme de discussion et d’un questionnaire. On est aussi évalué par une neuropsychologue, pour voir et quantifier, par des exercices à effectuer, s’il y a une altération neurocognitive. L’infectiologue, responsable de l’unité VIH, le Dr Cavassini, reçoit les personnes en fin de journée pour l’annonce des différents résultats et la proposition des stratégies à mettre en place. Dans mon cas, une modification de mon traitement a été décidée pour essayer de juguler le virus dans le cerveau. Ce qui a été efficace, puisqu’une seconde ponction lombaire a montré, quelques mois plus tard, qu’il n’y avait plus de présence de virus dans le LCR.

Commentaires

Portrait de anjely

Sais quelqu'un d'entre vous si une telle plaforme Neuro-VIH comme celle du Centre universitaire à Lausanne, existe aussi quelque part dans une centre médicale universitaire en Allemagne?

Merci pour des informations, Marianne (Tübingen/Allemagne)

Portrait de texas303

Bonjour, 

même question mais pour la France: existe t-il une plateforme Neuro-Vih?

Portrait de Eden64

Demandez- moi ce que j'ai vécu il y a dix ans ?!................ trou noir.

Rappelez-moi un souvenir partagé avec vous, il y a un certain temps ?!............ trou noir.

Vous racontez l"hisoire du film que je viens de voir ?!!!!!!! .......... hé hé je n'en regarde plus, ca rje n'arrive pas à me concentrer.

Dernière chose en date, je prends ma voiture, il y a 3 jours, pour aller............... j'ai mis 45 secondes, en panique pour me souvenir où je devais aller......

J'ai 45a, séropositive depuis 1992.

Que faire ?