Mais pourquoi les médias maltraitent donc tant le VIH/sida ?

Publié par Mathieu Brancourt le 06.01.2016
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C’est un mal qui, malgré les bonnes résolutions de chacun, risque de perdurer en cette nouvelle année. Comme d’autres questions dites "complexes" et donc sur lesquelles, autorisés au simplisme, les médias maltraitent régulièrement les enjeux du VIH/sida dans leurs lignes ou via leurs micros. En ce début d’année 2016, on est plein de mansuétude. Mais quand même, c’est comme pour le climat, le changement, ça urge.

Quand tu travailles sur l’actualité du VIH, tu relis tes propres productions, guettant les boulettes. Mais, évidemment, tu lis aussi celles des autres. Et, souvent, tu n’es pas déçu : "Nouveau vaccin contre le sida" (en fait, non !), "Truvada, nouveau traitement préventif contre le sida (en fait non, et puis c’est le VIH, pas le sida, parce que non, ce n’est pas la même chose). Bref, florilège d’erreurs, d’approximations, voire de contresens sur un sujet qui ne supporte pas vraiment le flou. Alors oui, je "baigne dedans", comme certains disent. Mais bon, des bonnes excuses, il n’y a pas que moi qui en aie.

"Franchement, c’est compliqué"

Mouais. Le VIH est une maladie, avec des trucs médicaux, des traitements qui soignent, mais qui ne guérissent pas. C’est vrai, on ne peut pas être binaire. Le sujet ne fait pas souvent la Une, mais charrie beaucoup de représentations négatives, d’idées reçues, quant à l’épidémie mortelle qu’elle fut et qu’elle demeure aujourd’hui, 35 ans après. Mais quand même, l’information claire, à la page et sûre sur le VIH, les IST et la prévention, même sur Internet, elle existe ! Des journalistes, regroupés en une association (AJL), ont même réalisé un kit explicatif pour aider les journalistes à mieux traiter les sujets LGBT, mais aussi le VIH. Je ne peux pas répondre pour tous, mais je pense que les journalistes des principaux journaux ou sites d’information français pourraient (devraient ?) faire cet effort… d’investigation et de précision. Leur boulot, en fait.

"Ouuuuui, mais on n’a pas le temps"

Mouais. On peut difficilement nier que l’émergence des réseaux sociaux a accéléré la course aux exclus ou aux scoops. Plus vite, plus court. Mais justement, le VIH/sida ne peut être traité à la légère. On ne peut pas laisser un titre racoleur qui annonce sans ambages une avancée alors que celle-ci n’existe même pas. Non, mettre VIH plutôt que sida, en parlant du virus, ce n’est pas une fioriture, ni une précision superflue. C’est un élément factuel, la base d’un traitement médiatique cohérent et de qualité auprès de la population. Et ça ne prend qu’une lettre de plus… Et il suffit d’une dépêche d’agence de presse (AFP, Reuters, etc.) avec une erreur grossière, et c’est toute la chaine qui la reprend, sans veiller au sens.

"Oui, mais c’est pas très grave"

Malheureusement si. Et pas seulement pour l’exactitude intrinsèque des articles de presse. Oui, dans un sujet médical, il faut vulgariser, rendre compréhensible. Mais cela ne peut pas être prétexte à l’imprécision. Ce n’est pas juste "mauvais", c’est faux ! Les personnes vivant avec le VIH, qui suivent assidument ces questions, sont aussi déroutées, voire déçues, par la couverture médiatique. Et quand elles s’expriment, elles tiennent à apporter des nuances, des éclairages importants, trop rarement repris pour remettre en perspective. Ce traitement brut, froid, revêt même une certaine violence, comme si le sujet ne méritait pas plus d’engagement. Le sensationnel, les raccourcis, sont les maux de l’info sur le VIH/sida. Non, cela n’est pas dangereux en soi, mais ça peut le devenir, tant on voit que l’éducation à la prévention de la contamination ou l’information sur les réalités sociales de la maladie deviennent inégales chez les jeunes. Et la bataille contre les "révisionnistes du sida" reste loin d’être gagnée. Les pandémies comme le VIH/sida, comme l’écologie, ne sont pas juste des sujets, des marronniers éditoriaux, ce sont des enjeux saillants, majeurs, du monde d’aujourd’hui. Cela ne doit plus être discuté, ni débattu. En parler plus, plus souvent, pour en parler mieux.

Commentaires

Portrait de jean-rene

Je suis bien d'accord avec ce constat.
Mais je pense que les associations de séropositifs devraient se  lancer dans une campagne de slogans qui "fassent court".
Par exemple:

"Le VIH ne se transmet que par le sang et par le sperme",

"Quand on traite le VIH, on n'a pas le SIDA",

"Un séropositif bien traité ne transmet pas leVIH".

"Un séropositif bien traité vit aussi longtemps qu'un séronégatif".

Portrait de jl06

tout à fait raccord avec toi jean rené 

Portrait de Sealiah

Je fais de mon mieux autour de moi pour corriger ces approximations voir ces erreurs , en parlant de ma propre S+.Ce n'est pas un sujet que j'aborde obligatoirement lors de rencontres entre ami(e)s .De façon"bon enfant" voir graveleuse la sexualité est un sujet de discussion qui ne manque pas de surgir lors de repas amicaux.Etant homo, je suis tôt ou tard charrier mais j'ai du répondant et  saisis toujours l'occasion pour élargir le sujet: prévention,dépistage,relations HF,FF,HH et toutes les nuances possibles de la sexualité.Je suis parfois trés surpris par les conceptions étriquées voir hors d'âge que certain(e)s de mes ami(e)s ont de la sexualité:pudibondité, intolérances en tout genre,machisme...etc.

Quand le lendemain j'entends à la télé ou lis dans les journaux ; ils ont un auditoire qui dépasse de loin mon cecle amical ; ces mêmes erreurs,je suis sur le "Q".

Oui il y a vraiment un travail important à faire autour de la sexualité.Le VIH n'étant qu'un sujet de plus; maltraité,je ne vous le fais pas dire.

"compliqué", "manque de temps","pas gave"?Je ne suis pas convaincu par ces arguments.

Comme vous , Monsieur Mathieu Brancourt , je m'étonne de la légèreté avec laquelle on traite encore le sujet VIH/SIDA que je considère encore comme un problème dans une bonne partie du monde.Puis-je le considérer comme un problème ici aussi , vu le peu d'impact des campagnes de prévention et de dépistage?

Merci pour votre article qui devrait nous faire prendre conscience de l'ampleur du travail qu'il nous reste a accomplir.Derrière le VIH il y a aussi des personnes séropositives.Je ne sais pas si la dimension humaine est vraiment prise en compte lorsque un grand média confond VIH et SIDA?Mauvaises informations, comme vous le soulignez, reprisent par l'ensemble des autres médias.Devons-nous éduquer, voir engager des poursuites pour faire en sorte que de véritables informations soient véhiculées aux plus grand nombre?

S+, j'ai déjà pas mal de soucis a gérer du fait de la pathologie, y ajouter un combat contre une discrimination injustifiée me semble beaucoup pour un seul homme." A coeur vaillant, rien d'impossible",c'est usant tout de même.

Je suis tout à fait d'accord avec Toi jean-rené.De nouveaux slogans.Un séronaute à publier dans un blog des slogans actuels dans un lien.Se poser encore la question de savoir si l'on peut boire dans la gourde d'un sportif S+,fréquenter l'institut de kinésithérapie d'un gérant S+ où l'on s'interroge de savoir si les serviettes transmettent ou non le VIH?Je n'ai pas ouvert tout le lien tellement j'étais dépité.Si les slogans nouveaux ne devaient véhiculer que ce questionnement dépassés de savoir si un porteur du VIH représente une menace plutôt que de mettre tout un chacun face à sa responsabilité de ne pas le contracter je dits NON.Les tiens me paraissent +.Seront-ils ceux de demain?

Bien à vous.Lohic