A quoi bon...

Publié par Rimbaud le 09.12.2017
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          Je tombe parfois sur des photos des années passées et je scrute mon visage pour savoir si j’étais déjà contaminé. Je ne parviens pourtant pas à discerner ce qui relève de la maladie de ce qui n’est qu’une preuve du temps qui passe. Moi qui ne me suis jamais tourné vers le passé, je deviens nostalgique. C’est un sentiment nouveau, mélancolique. J’ai désormais cent ans. Depuis trois semaines, j’ai cent ans. Tout m’est devenu difficile. Me lever le matin, aller bosser, faire les courses, corriger des copies, me mêler aux conversations, dormir, conduire, mémoriser. Le corps ne parvient pas à éliminer la drogue rapidement et je n’ai renoncé ni à la cigarette, ni à me coucher tard. Pire, je ne parviens plus à ressentir. Seule l’écriture impose une plongée sensitive, une réappropriation de l’être, une remontée à la surface de la réalité. L’indifférence couvre mon âme d’un ciel d’hiver enveloppant. Mon regard ne brille plus et mes yeux ne sont plus grands ouverts sur les naissances. La fatigue a accroché des fils au bout desquels sont suspendus des masses pesantes qui tirent vers le bas les mains, le sang, les cheveux, les paupières et le ventre. Je suis absent. Je ne publie plus de texte, convaincu de leur inutilité. Je les laisse flotter dans l’ordinateur. De l’énergie pour rien. Je peux intellectuellement produire un raisonnement qui ne soit pas stérile, le genre de trucs entendus et mille fois répétés du genre : la vie est belle, profite de chaque instant, tu es vivant, tu n’es pas handicapé, tu as du temps devant toi, tu es encore jeune, tu as une situation enviable… et je regarde ces paroles comme un lycéen devant le plateau repas de la cantine : il mange sans envie car rien n’a vraiment de goût. Dès lors, je suis à la recherche d’une sensation agréable. Je jette mon regard autour de moi comme un pêcheur lance sa ligne puis scrute. Mais le flotteur reste désespérément immobile à la surface d’une mer étale, huileuse. Il finit, de guerre lasse, par ranger son bardas et repart bredouille. Je suis inintéressant et je ne dégage plus aucune énergie qui soit festive et joyeuse. Je suis non pas en attente mais en suspens. Le risque est grand de perdre l’amour, lui qui vit intensément et se met subitement à multiplier les activités, par compensation probablement ; le risque de ne produire plus que chants tristes et cours médiocres ; le risque d’un tarissement, d’un assèchement, d’une redondance le long de laquelle, corps expulsé et exsangue, on n’entendrait plus de battement, plus de mélodie que celle d’une fanfare au loin qui jouerait pour d’autres que moi. A quoi bon semble répéter inlassablement les voix intérieures. Elles déclinent sur tous les tons et récitent sans discontinuer leur litanie moribonde. Rien en moi n’accepte le prêche. Je suis né pour jouir. Je suis né pour aimer. Je suis né pour embrasser la terre et les arbres. Je suis né pour parcourir, pour enjamber, pour supplanter, pour découvrir et regarder grandir l’enfant-étranger et le retenir pour ne pas qu’il tombe. Je suis né pour profiter du talent de ces autres investis de grâce et de subtilités. Je suis né pour refuser, pour me dresser, pour combattre les postures par des actes loyaux et irrévérencieux. Je suis né pour courir le risque de l’incompréhension. Je suis né pour accompagner, pour entendre, pour poser mes pas dans la neige et me réjouir de son craquement doux et feutré. Tout est là : j’ai, aujourd’hui, acheté un bouquet de fleurs. Pas pour les offrir. Parce qu’il n’y en a jamais dans la maison. Nous les contemplons de la baie vitrée, superbes dans le jardin. Aujourd’hui, j’ai acheté des fleurs mais il n’y avait aucun vase dans les armoires. Tout est là. Il manque un réceptacle à mes intentions. Sors, sors de toi-même. Je m’intime l’ordre de sortir de moi-même. Je me gifle et m’indigne de mon immobilisme. Je refuse le divorce final. Je refuse d’abandonner ce que j’ai eu tant de mal à débusquer et qui relève d’une métaphysique simple, d’une poétique qui soit vigoureuse et vivifiante. J’exige le retour de l’imagination, de la projection. J’implore le retour du voyant. Je veux à nouveau chausser les semelles de vent et n’être nulle part étant partout à la fois. Je tape du pied, je peste, je conjure et célèbre… mais ce ne sont que paroles, qu’intentions, que formulations lénifiantes et, dans le froid mordant de décembre,  la fatigue cogne obstinément à la porte.

Commentaires

Portrait de Cmoi

Du médecin que je ne suis pas : légère déprime ou véritable dépression (c'est une question de degré). Tristesse, ralentissement de la pensée, perte du plaisir dans les activités habituellement considérées comme attractives, sentiment de culpabilité, en sont les principaux symptômes. Ton traitement en est il la cause ? that is the question. 

Portrait de Rimbaud

C'est aussi mon propre diagnostique depuis quelques semaines mais ce n'est pas en posant des diagnostiques et en restant enfermé dans une approche médicale que ça ira mieux. D'où le texte, d'où la publication : ce sont déjà deux micro-remèdes (l'expression et le partage). (((Pour ce qui est de la drogue et d'un psy, je verrai ça dans un mois au CHU))).

Portrait de jl06

je suis pas toubib non , mais Triumeq pour moi en à etait le responsable ,...des périodes ou tu sombres d,autres euphoriques....

même au milieux des copains je bourdonne ...bon les jours plus cours sont aussi facteur à déprime ,

le sport (pas en chambre , quoi que  ...) m,aide aussi pas mal ....20km sa te vide l ,esprit ...

comme je suis un écorcher j,aime aussi me baladé dans la tête , juste pour me faire peur , attention Danger ! faut savoir revenir 

merci Triumeq 

 

bonne journée

Portrait de Cmoi

Le diagnostic est un élément important. Il permet d'identifier la cause du problème, et son intensité. La difficulté avec les ARV, est de savoir s'ils sont à l'origine ou non de cette maladie très courante. S'il s'agit d'une dépression légère, la solution ne passe pas obligatoirement par le psy ou les antidépresseurs. Partager, échanger, comme tu le fais est certainement une des clés. Mais par exemple, reprendre une activité physique (même si tu fumes toujours autant ça ne change rien), peut aider bien davantage qu'on ne l'imagine. À défaut d'augmenter ta capacité respiratoire, cela aura pour effet d'aérer tes neurones. Elle procure également une fatigue saine, qui fait retrouver un meilleur sommeil, qui lui-même a un retentissement sur l'état psychologique. Parfois des choses très simples : l'alimentation, un peu de sport, savoir se relaxer, peuvent venir à bout de situations en apparence très compliquées. 

Portrait de Pierre75020

Je n'ai ni avis ni conseil à te donner, seulement à te dire que je suis de tout coeur avec toi.Moi aussi , six mois après l'annonce de l'infection j'ai connu une phase dépressive qui a été un moment pénible même s'il a eu le mérite de me sortir de l'illusion que j'avais accepté facilement ma contamination.

Tu as suffisamment de ressources pour gérer ton vague à l'âme et retrouver tout ton allant. J'espère te retrouver rapidement incisif, combatif et  joyeux.

Portrait de Exit

Je pense que tu te regardes trop. Ton romanesque te perdra et c'est un signe certain de névrose narcissisme. 

Bon courage ! 

 

 

Portrait de cbcb

"Je suis absent. Je ne publie plus de texte, convaincu de leur inutilité. Je les laisse flotter dans l’ordinateur. De l’énergie pour rien". 
J’avais remarqué que tu ne publiais plus grand-chose ces derniers temps. 
Tes textes ne sont pas inutiles (bon, peut-être un peu longs parfois …). Tu as certainement remarqué que beaucoup de personnes les commentent, y ajoutent une petite note ou anecdote personnelle.
Et surtout continue de les publier… Tu as certainement compris que c’est le seul moyen de penser et de passer à autre chose …
Et ton côté romanesque nous fait du bien, fait sourire parfois, mais ne laisse pas indifférent !

"Aujourd’hui, j’ai acheté des fleurs mais il n’y avait aucun vase dans les armoires. Tout est là. Il manque un réceptacle à mes intentions".
Moi non plus je n’ai plus de vase chez moi, ou ceux que j’ai gardés sont soit trop grands, soit trop petits, soit trop moches … Alors, j’utilise une vielle théière trouvée dans une brocante. On trouve toujours un réceptacle, le bon réceptacle …

La déprime ? ce ne sera pas ta dernière … il y a des périodes comme ça… Est-elle liée au traitement, je ne sais pas… ça m'arrive aussi parfois !

 

 

Portrait de Rimbaud

Merci Pierre, ta délicatesse fait du bien, c'est un baume. Il faut savoir aussi dire les choses lorsqu'on perd ses repères, ne pas jouer le jeu de celui qui va bien quand ça va mal. Bon, je ne suis pas suicidaire non plus mais ce mélange entre malaises physiques et moraux n'est pas facile. Je m'installe dans la maladie, c'est une étape je pense mais je ne dois pas m'y "installer" justement. L'écrire est déjà une façon de la projeter hors de.

 

Merci cbcb : j'ai utilisé un pichet du coup ;) Tant que les fleurs tiennent debout, c'est l'essentiel... ;) Tu as raison, la vie n'est pas linéaire... 

 

 

Portrait de Dakota33

Bah c'est la déprime de l'automne et puis c'est tout, un grand classique, ça ira mieux au printemps.

Portrait de franbesac

ta a appri que tu ete seropo depuis peu, suite a sa il y a toujour une periode ou on ne réagit pa vraiment, comme si on n'arrive pa a traité l'information comme il le faudrai, elle et la on l'entend mais on l'assimile pa ou moyennement, comme si sa concerné une autre personne, ou que l'on nous parle avec une autre langue, puis l'information et traité doucement, on l'assimile et la le contre cou arrive.

 

mal être, déprime, on ressasse les evenement, sentiment de rejet, mal aimé, collaire.....

 

a sa s'ajoute fatigue, nervosité, stress, incompréhension, le/les traitements, on se sens drogué, impuissant, different....

 

mais sa passera :)

 

mais faut être honnête avec soi même, beaucoup dise qu'il on accepté, non je ne pense pa

 

moi je vie avec, je nest pa le choix, mais comment accepter, ce serai me voilé la face

 

je vie avec chaque jours, je me bats chaque jours, j'essaie de vivre le mieux possible, sourrire, avoir une vie sociale, vivre tous simplement et du mieux que je peux.

 

conclusion, arrêté de dire que vous avez accepté car si c'était le ka, vous ne seré pa inscrit sur se genre de site a conseillé, encouragé, consolé, partagé vos sentiment, expérience et autre anecdote...

 

mai a vivre votre vie, tranquille sans avoir le besoin dans parler, a prendre vos traitement comme si c'était des vitamine et vous n'en parleriez jamai....

 

le mieux pour passé c'est mauvai cap est de s'entourer des gens qui t'aime, j’ai bien dit c'est!!!!! car il y en aura d'autre...... donc courage....

 

Portrait de Rimbaud

ta lucidité, ta franchise. Tu te tiens dans la vérité du virus et ça fait du bien. C'était pas du déni avant mais de l'inconnu, un face à face avec l'inconnu... qui devient désormais plus connu... et je me reconnais bien dans ce que tu décris.

Bon, ça passe et ça revient parfois donc... c'est déjà ça ;)