Long Acting is the future

Publié par Fabien Sordet le 21.02.2018
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Le long acting a toujours fait rêver (et l'on ne parle pas d'endurance sexuelle...). Ce que l'on appelle "long acting", c’est la possibilité de prendre des médicaments qui restent très longtemps dans le sang, si bien qu'une administration (prise) toutes les semaines, ou tous les mois, voire tous les ans, pourrait suffire ! Médicaments à longue persistance dans le sang, injections intramusculaires, implants, plusieurs techniques sont à l'étude dans le VIH et ce rêve pourrait bien devenir réalité d'ici quelques petites années.

Les médicaments par voie orale, à longue persistance dans le sang

Dans le jargon médical, on parle de longue demi-vie. La demi-vie, c’est le temps qu'il faut à l'organisme pour éliminer la moitié du médicament ingéré. Ainsi, si la demi-vie du médicament est de six heures, cela veut dire qu'après ce temps, on a déjà éliminé la moitié du médicament... Mais si la demi-vie est de 48 heures, cela veut dire que deux jours après la prise, on a encore la moitié du médicament qui circule dans le sang.
Plusieurs médicaments contre le VIH à très longue demi-vie sont actuellement à l'étude. L'idée serait de ne les prendre qu'une fois par semaine.

Exemple : le MK8591 (laboratoire MSD). Il s'agit d'un nouvel inhibiteur de la transcriptase inverse (INTI) avec une demi-vie longue et un mécanisme d’action original, permettant une action extrêmement puissante et prolongée (plus d'une semaine chez l’homme). Quels avantages : prise par voie orale ; plus besoin de penser à prendre son médicament tous les jours ; moins de contraintes (alimentation, heure de prise, etc.). Quels inconvénients : en cas d'effets indésirables ou d'interactions médicamenteuses, il faut attendre une semaine pour pouvoir régler le problème et ne pas oublier de prendre le traitement toutes les semaines !

Les médicaments à nanoparticules intramusculaires

Il s'agit d'une formulation spéciale et complexe du médicament, souvent sous forme de minuscules cristaux, qui, une fois injectés dans le muscle, vont se dissoudre, très, très lentement, permettant une administration une fois par mois, voire tous les deux mois.

Exemples : cabotégravir (anti-intégrase, laboratoire VIIV) et rilpivirine (non-nucléoside, laboratoire Janssen). Ces deux molécules ont pu être transformées de façon à être administrées par voie intramusculaire. Une étude en bithérapie est actuellement en cours par le laboratoire ViiV Healthcare. Elle constituerait la première option à action longue (long acting) sur le marché du VIH. Quel avantage : au moins un mois de couverture ! Les deux injections (cabotégravir et rilpivirine) ont lieu toutes les quatre semaines. Une fois, l'injection faite, on peut l'oublier jusqu'au mois suivant, tout en étant sûr d'être parfaitement contrôlé virologiquement. Quels inconvénients : éventuelle douleur au point d'injection, car l’injection se fait profondément dans le muscle fessier. La forme "injectable" ne plait pas à tout le monde. La douleur au point d’injection dépend de la dextérité de la personne qui pratique l’injection : surtout, il faut prendre son temps et favoriser l’injection lente ; deux injections car les deux médicaments ne peuvent pas être mélangés dans la même seringue ; nécessite une infirmière pour l'injection mensuelle ; en cas d'interactions médicamenteuses, d’effets indésirables, il n'y a pas d'autres solutions que d'attendre un mois que le médicament s'élimine...

Les implants

Il s'agit d'une petite boîte implantée sous la peau. Cette boîte, remplie de médicaments, permet une diffusion lente, sur six mois voire un an. Certains implants doivent être changés ou rechargés à l'issue des six ou douze mois, d'autres sont biodégradables et se désagrègent tout seul dans l’organisme. Plusieurs associations sont à l'étude. La plupart d'entre-elles comporte le MK8591. Quels avantages : plusieurs mois de couverture, sans prise orale, ni injection. Le rêve pour certain-e-s ! Aucun problème en cas d'effets secondaires ou d'interactions médicamenteuses : il suffit de retirer l'implant ; longue expérience de cette technique par les contraceptifs implantables qui sont déjà sur le marché. Quels inconvénients : pose assez rapide (moins de deux minutes), mais retrait un peu plus long et plutôt désagréable ; l’implant peut se sentir sous la peau lors du toucher, donc peut être vécu comme stigmatisant. A l'inverse, cela peut être un signe rassurant dans le cadre d'une Prep ou d'un Tasp. Ne pas oublier de revenir à l'issue des six ou douze mois ! Comme pour toutes les possibilités de long acting, les implants n'ont de sens que si toutes les molécules anti-VIH du traitement sont en long acting. Si l'une l'est, mais pas les autres, il n'y a plus vraiment d'avantages sur le confort de prise.

Existe-t-il d'autres pistes ?

Oui, plusieurs, mais leur développement est essentiellement axé en prévention de l’infection à VIH, avec la Prep.

● Les anneaux vaginaux
Il s'agit d'un anneau imprégné de médicaments anti-VIH, que l'on dispose au fond du vagin. Discrets et indolores, ces anneaux permettent la libération prolongée de médicaments anti-VIH, et donc préviennent potentiellement d'une contamination par le VIH.
Exemple : la dapivirine (TMC 120, laboratoire Tibotec), un non-nucléoside, est ainsi développée pour éviter la transmission du VIH en Afrique. Les anneaux de dapivirine apportent une prévention (partielle) contre le VIH pour quatre semaines. Il faut donc les changer tous les mois. Ces anneaux ne sont pas commercialisés aujourd’hui.
Si les résultats restent aujourd'hui décevants (voir encadré essai Aspire, la recherche continue. De plus, une association avec un agent contraceptif permettrait de faire d’"une pierre deux coups" et semble mieux acceptée par les femmes car plus attractive.

● Les films auto-adhésifs
Il s'agit de films imprégnés de molécules anti-VIH qui seraient disposés sur la muqueuse vaginale. Fortement adhésifs, ils permettraient la libération prolongée de médicaments anti-VIH et pourraient donc empêcher la contamination lors de rapports vaginaux. Hélas, même si le concept est séduisant, la recherche se heurte encore à l'adhésion de ses films, qui se décrochent parfois lors des rapports sexuels.

Au final, peut-être la dernière grande révolution dans la prise en charge du VIH… Depuis plus de 30 ans, la recherche a franchi des étapes fondamentales dans la prise en charge du VIH. D’une maladie irrévocablement fatale, on est passé à une maladie que l’on parvient à contrôler durablement. La prise en charge elle-même s’est faite de plus en plus légère… Moins d’effets indésirables, moins de comprimés, moins de molécules. Reste que la prise d’un traitement quotidien est le rappel, chaque jour de sa vie, que le virus est en soi. C’est aussi un challenge en termes d’observance. Et au final, une entrave à la qualité de vie. Ainsi, un traitement que l’on pourrait prendre, puis "oublier", constitue sans doute une des dernières grandes "révolutions" que nous attendons.

L’essai Latte
L’essai Latte visait à évaluer l’efficacité et la tolérance de deux traitements antiviraux à action longue (long acting) administrés par voie intramusculaire.
- cabotégravir 400 mg (un anti-intégrase) + rilpivirine 600 mg (un non-nucléoside) toutes les quatre semaines ;
- cabotégravir 600 mg + rilpivirine 900 mg, toutes les huit semaines.
L’efficacité était bonne dans les deux groupes avec plus de 85 % de personnes avec une charge virale indétectable après deux ans de traitement. De même, la tolérance a été globalement bonne, dans chacun des deux groupes, même si certaines personnes ont rapporté des douleurs ou nodules liés à l’injection.
Point intéressant : la grande majorité des personnes s'est dit très satisfaite de ce nouveau mode d’administration.
A noter tout de même : cette administration intramusculaire doit toujours être précédée d’un phase d’administration par voie orale (comprimés quotidiens) de façon à s’assurer de la bonne tolérance au traitement. Car une fois injecté, le traitement reste dans le sang plusieurs semaines…

Aspire & Co
Il existe plusieurs études visant à évaluer l’efficacité d’un anneau vaginal imprégné de dapivirine (un non-nucléoside) pour éviter la contamination par le VIH en cas de rapport vaginal non protégé. A travers l’étude Aspire, et d’autres similaires, ce sont plusieurs milliers de femmes qui ont testé cet anneau en Afrique, avec des résultats… mitigés et controversés. En effet, si la protection est évaluée à 75 % en cas de port régulier de l’anneau, il s’avère que de nombreuses femmes ne le portaient pas régulièrement : elles l’ôtaient, puis le remettaient. Peu commode à remettre si on l’enlève, mal adapté à l’anatomie de chaque utilisatrice, désagréable, les raisons de non-port étaient variables. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que cet anneau ne protège pas d’une contamination par rapport anal. Au final, les recherches continuent, en se focalisant sur les moyens d’améliorer l’adhésion à ce nouveau mode de prévention, qui donnerait enfin la possibilité aux femmes de pouvoir se protéger, y compris lors de rapports non consentis…

Quid de la gestion des effets secondaires ou des interactions médicamenteuses
C’est une question essentielle, car avec un médicament circulant plusieurs mois dans l’organisme, mieux vaut ne pas se tromper ! On ne peut plus revenir en arrière une fois l’injection faite. Ainsi, pour les médicaments injectables, il y aura toujours une phase initiale par voie orale, quotidienne. Cela permettra d’estimer la tolérance aux principes actifs. En revanche, si, alors qu’on a reçu l’injection, on a un besoin urgent de recevoir un autre traitement présentant de potentielles interactions médicamenteuses, il faudra être extrêmement vigilant. Les implants posent moins de problème à ce niveau car ils peuvent facilement être retirés à tout moment.

A qui s’adressent ces nouveaux traitements ?
Potentiellement, à tout le monde, car outre le confort que cela confèrerait, ces nouvelles approches seraient une réponse majeure aux problèmes d’observance rencontrées par certaines personnes, un moyen de lutter contre le sentiment de lassitude que peut occasionner une prise quotidienne. Cette nouvelle approche pourrait aussi simplifier considérablement la vie de certaines personnes au quotidien spécifique : les grands voyageurs, ceux qui séjournent plusieurs mois dans un pays où l’accès au traitement est difficile, qui craignent des contrôles à la douane, des oublis, qui entendent préserver la confidentialité par rapport à leur famille, etc.
En fonction des molécules utilisées, on envisagera d’utiliser cette approche pour des personnes dont le virus est pleinement sensible ou celles ayant un virus présentant des résistances à certains médicaments. Ils pourront être utilisés en première ligne, ou en relais (maintenance). Des études sont également en réflexion pour la Prep, permettant une protection longue durée, sans risque de ratés sur l’observance...
Le principal point de vigilance sera, notamment pour les formes injectables, de s’assurer de la bonne tolérance au principe actif, avant de prendre un traitement perdurant des mois dans l’organisme.

Y a-t-il un risque avec certaines de ces approches ?
Long acting ne signifie pas nécessairement "adjuvants particuliers". Les formes orales circulant une semaine dans l’organisme sont très similaires aux comprimés classiques. Quant aux formes injectables, comme les nanoparticules de rilpivirine, ce sont des cristaux de rilpivirine pure. La technique de fabrication de ces cristaux est extrêmement complexe, mais ils sont dénués d’adjuvants. Même chose pour les formes implantables.

 

Commentaires

Portrait de Exit

Voilà nous essayons  par ce genre d'articles à préparer gentiment les futures personnes séropositives aux injections intra musculaires et je vois venir le truc : D'ici quelques années, les personnes séropositives n'auront plus le choix, ce sera l'injection ou rien, quitte à ce que la personne séropositive ne supporte pas ces injections ou quitte à ce que ce ceci endommage la santé... Du moment qu'il y a de l'argent à y gagner ! Dans l'avenir je me vois m'auto-médicaliser.

 

Portrait de Giancarlo

Je lis sur d'autres fils certains intervenants qui se plaignent qu'il n'y a pas d'évolution, pas de progrès depuis de longues années dans l'offre des traitements contre le VIH. Les coupables : le monde médical, les labos pharmaceutiques, qui ne veulent pas nous guérir et qui veulent notre mal.

 

Ici sont évoquées des pistes d'évolution, mais on trouve encore à se plaindre : on va nous imposer des traitements qui ne nous conviennent pas. Avec les mêmes coupables.

 

Il faudrait peut-être sortir de cette paranoïa/théorie du complot ?

Portrait de Tom Sawyer

Dans l'article ils disent que ce principe serait basé sur la demie vie des ARV. Autrement dit, c'est comme ça que je le comprends, avoir la dose la plus infime et la plus juste possible de médicament dans l'organisme pour traiter le VIH. Selon moi cela va à l'inverse de la surmédication donc dans le sens de l'allégement. Toutes les pistes d'amélioration et de progrès dans le traitement du VIH que l'on n'arrive toujours pas à éradiquer ne sont pas à rejeter.