"C’est fini le temps des Collombs !"

Publié par jfl-seronet le 26.02.2018
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Initiativemigrants

Plusieurs organisations non gouvernementales de défense des personnes étrangères, associations de santé (AIDES, Act Up-Paris) et LGBT, syndicats (CGT, Sud) et formations politiques (PCF, Europe Ecologie Les Verts, Attac) avaient appelé à une manifestation mercredi 21 février, place Saint-Michel à Paris, contre le "projet de loi pour une immigration maitrisée et un droit d’asile effectif". Le matin même, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb l’avait présenté en conseil des ministres, puis l’après-midi, aux parlementaires de la majorité. Le gouvernement prétend que son texte serait "équilibré". Un avis qui n’est partagé ni par le Défenseur des droits, ni par certains parlementaires (y compris de la majorité), ni par une partie de la société civile.

Crédits photo : Camille Dobez

Il y a quelques centaines de manifestant-e-s massés devant la fontaine Saint-Michel, agglutinés sur la place triangulaire que ceint un cordon de véhicules de police. Ce sont des militant-e-s d’associations de défense des droits des personnes étrangères, d’associations LGBT ou de santé, des syndicalistes, des militantes politiques, de rares élu-e-s dont la sénatrice de Paris (EELV) Esther Benbassa. On y voit et on y entend les slogans classiques d’Act Up Paris : "Malades expulsés, malades assassinés", des slogans qui ont l’avantage de mettre en avant les enjeux de santé, eux aussi malmenés dans le projet de loi gouvernemental. C’est aussi sur ce prisme que AIDES avait appelé à manifester avec des slogans comme : "Malades étrangers-es : des consultations, pas la rétention". Sur un panneau, une manifestante avait déclinée la devise française comme elle la voyait à l’aune des projets gouvernementaux : "Liberté bafouée Egalité ignorée Fraternité oubliée". Les interpellations étaient nombreuses : "Je mets à l’abri un mineur isolé, mais que fait l’état ?" Des tracts syndicaux en appelaient à une régularisation des travailleurs sans papiers dont certains sont en grave dans leurs entreprises depuis le 12 février denier. Certains messages frôlaient l’absurde : "Gérard, t’es moche !"

La manifestation, partie vers 19 heures de Saint-Michel, s’est déroulée jusqu’à l’Assemblée Nationale où le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avait fait le service après-vente de son texte et surtout avant débat auprès des parlementaires de l’actuelle majorité. Le matin même il avait présenté en Conseil des ministres son texte qui a officiellement pour titre : "projet de loi pour une immigration maitrisée et un droit d’asile effectif. Un peu partout dans la presse, à l’Assemblée nationale, Gérard Collomb explique que le texte serait "totalement équilibré" et qu’il "s'aligne sur le droit européen". D’ailleurs, la convergence des procédures françaises avec celles existant chez nos voisins serait une des raisons de cette future loi. Et le ministre d’affirmer : "On apporte des protections aux plus vulnérables et on s’aligne sur le droit européen, en faisant converger les délais de recours sur le droit d’asile et les durées maximales de rétention administrative".

Sur le site du ministère de l’Intérieur, on peut lire que le projet poursuit trois objectifs. Le premier serait de "renforcer la protection des personnes en état de vulnérabilité" en sécurisant "le droit au séjour pour les bénéficiaires de la protection internationale ainsi qu’à leurs proches, pour les victimes de violences conjugales mais aussi pouvoir mieux lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité". Il viserait ensuite à faire "converger nos procédures avec le droit et les pratiques européennes" comme on a vu. Enfin, il viserait à "adapter [le] droit aux réalités opérationnelles". Du côté des associations de défense des droits des personnes étrangères, on ne voit pas les choses de la même façon et l’on n’a pas du tout la même lecture des mesures envisagées dans la future loi. La Cimade a d’ailleurs procédé à une analyse précise de ce qu’elle considère comme un "texte dangereux qui consacre un très net recul pour les droits des personnes étrangères en France". La Cimade a décrypté l’intégralité du texte, et le "constat est accablant : hormis de rares mesures de protection favorables, les garanties et droits fondamentaux, notamment le droit d’asile, sont bafoués, des dérogations majeures au droit commun sont consenties, et une accentuation de la maltraitance institutionnelle est rendue possible", déplore l’association dans un communiqué. "Ce texte, rédigé par le ministère de l’Intérieur sans consultation réelle des acteurs associatifs de terrain, représente une chute vertigineuse des droits des personnes réfugiées et migrantes en France. Etant donné la philosophie générale du projet de loi et son manque d’équilibre flagrant, il ne s’agit pas d’ajustements techniques ou de modifications cosmétiques, mais d’un retrait de ce projet de loi que nous réclamons", a expliqué Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade. Pour l’association, parmi les propositions qui vont dégrader la situation d’un grand nombre de personnes réfugiées et migrantes, on trouve la réduction du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile de 30 à 15 jours, l’allongement de la durée de la rétention administrative jusqu’à 135 jours, le bannissement des personnes étrangères et la systématisation des interdictions de retour sur le territoire français, la pénalisation de l’entrée sur le territoire français en dehors des points de passage autorisés (passible d'une peine d’un an de prison et d’amendes).  La Cimade appelle les citoyennes et les citoyens à la mobilisation contre ce projet de loi en interpellant leurs députées et députés.

On verra ce que cette mobilisation produira. De son côté, Gérard Collomb explique qu’il ne craint pas les frondeurs sur ce texte qui suscite pourtant des discussions dans sa formation politique, mais le ministre ne s’attend pas à un problème dans l’adoption du texte. D’ailleurs pour soigner son image de "gentil", il a répondu à la question orale au gouvernement (séance du 20 février) posée par le député LREM Guillaume Taché concernant le Rapport sur l’intégration… c’est le volet "humain" de la stratégie du gouvernement, censé pallié, un peu, la dureté du texte de loi sur l’asile et l’immigration : le gant de velours avant le coup de matraque. La question au gouvernement a été posée par l’auteur lui-même du rapport. Un exemple de communication politique poussé à l’excès. Il n’en demeure pas moins que les oppositions au texte restent fortes. Il en va ainsi de celle de Jacques Toubon. Le Défenseur des droits a accordé une interview au "Monde" (22 février). Il y indique clairement qu’à ses yeux , la loi asile et immigration va réduire les droits des personnes demandeuses d’asile. "Le demandeur d’asile est mal traité" par le projet de loi sur l’immigration, explique-t-il. Plus surprenant, le Conseil d’Etat, lui-même, se montre très critique sur le texte du gouvernement. Dans un avis publié le 21 février, le Conseil d’Etat estime ainsi que le gouvernement ne pose pas un "diagnostic d’ensemble". "Diagnostic d’autant plus nécessaire que, depuis 1980, 16 lois majeures sont venues modifier les conditions d’entrée et de séjour ou d’asile ; depuis  la création du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) en 2005, le législateur est intervenu en moyenne tous les deux ans pour modifier les règles. Le projet de loi soumis à l'examen du Conseil d’État ne peut même pas s’appuyer sur une année entière d'exécution de certaines des mesures issues de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 qu’avait précédée la loi n° 2015‑925 du 29 juillet 2015, comme le reconnaît l'étude d'impact. S'emparer d'un sujet aussi complexe à d'aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif et risque d’entraîner à son tour d’autres modifications législatives pour corriger l’impact de mesures qui, faute de temps, n’a pu être sérieusement évalué", analyse le Conseil d’Etat. Bref, c’est l’affirmation courtoise que ce texte n’a sans doute pas l’utilité que le gouvernement lui prête.

De son côté, le gouvernement a six semaines pour se caler avec sa majorité. Depuis janvier, rappelait récemment l’AFP, le ministre de l’Intérieur a travaillé au corps les député-e-s, les recevant en petits groupes et intervenant lors du séminaire LREM de rentrée, puis devant le groupe fin janvier à propos de son texte. Avant le début de l'examen en commission début avril, puis en séance mi-avril, la députée (LREM) Elise Fajgeles, désignée rapporteure sur le texte, compte se livrer "à un mois intense d'auditions (magistrats, avocats, policiers, associations, etc.) ouvertes à tous les députés de tous les groupes". "A partir du moment où on prend le temps de s'approprier les enjeux, les procédures, les chiffres, on sort des postures et la tension va baisser", prédit-elle. Du côté du PS, on juge que le texte est "manifestement déséquilibré, potentiellement dangereux". C’est ce qu’a estimé (21 février) le coordinateur du PS Rachid Temal auprès de l'AFP. "Ce projet de loi aurait pu poursuivre et amplifier la politique républicaine engagée sous le précédent quinquennat, à travers un juste équilibre entre la dignité de l'accueil des personnes et l'efficacité des procédures dans le respect de l'Etat de droit. Or, le texte est manifestement déséquilibré, potentiellement dangereux et ne répond pas aux nouveaux défis migratoires", écrit-il. A droite, en janvier dernier, citant le projet de loi, les Républicains se disaient "très inquiets du laxisme du gouvernement face au défi migratoire". Ils ont d’ailleurs fait par de cinq "contre-propositions radicales pour apporter une réponse pragmatique aux défis de l’asile et de l’immigration. Il est bien "fini le temps des Collombs !"

 

Commentaires

Portrait de sonia

C'est dommage pour le Ministre de l'intérieur Gérard Collomb.

La personne concernée sur la santé est la ministre Agnes Buzyn; pourquoi s'acharner sur Gerard??(mon jules).

En plus, je vous trouve très beau, moi!

En outre, il ne faut pas oublier la très grande amitié qui lie le patron des polices et l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë.

Ce dernier a même décliné la proposition du président Macron pour le poste de ministre des affaires étrangères.

Très engagés dans les combats pour les droits des gays lesbiens trans, LGBT,

les élus parisiens autour du couple Collomb-Delanoë devraient réserver un accueil privilegié à ces minorités demanderesses dasile en Frances...

Après le tri des genres, le texte prévoit un durcissement des contrôle s(fausse paternité, terrorisme); mais on n'évoque pas les tests ADN, fort heureusement !

Collomb ne fait que répondre aux derniers et prochains (?) attentats terroristes, à la demande nationale, en prolongeant l'État d'Urgence.

Ceci, suite à l'infiltration d'un agent de daech dans la filière réfugiés/demandeurs d'asiles, provoquant l'attentat de Nice.(?)*

Du coup, je trouve la mesure équilibrée sauf celle, injuste pour les dublinistes, consistant à renvoyer la personne à son premier pays de passage et le sanctionner en cas de passage non répertorié...

Comme si la fuite vers la liberté fondamentale exigeait une autorisation papier!

Dur dur la politique...