Encore et encore !

Publié par Caroline Andoum et Joseph Koffi le 06.05.2018
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Les gouvernements n’en finissent plus de légiférer sur (contre ?) l’immigration ; presque tous les seize mois, une nouvelle loi est faite sur le sujet. Et, comme l’explique l’universitaire Serge Slama, ce sont toujours des textes essentiellement répressifs, dissuasifs et le plus souvent inutiles ou contreproductifs. Le 21 février 2018, le gouvernement d’Edouard Philippe a présenté son projet de loi "Asile et Immigration". Un projet que le gouvernement — le ministre de l’Intérieur en tête — a tenté de vendre comme un modèle d’équilibre entre humanisme et fermeté, ouverture à l’autre et rigueur.

Nous ne partageons pas cette vision. Pour nous, ce projet de loi est dangereux pour la santé des personnes étrangères. Le texte, qui est actuellement débattu, modifie les règles d’obtention et de procédures pour accéder au statut de réfugié-e et au séjour, notamment pour raisons de santé. La future loi va faciliter l’expulsion des personnes demandeuses d’asile. Elle ne vient pas du tout corriger les abus déjà constatés à la suite de la réforme du droit au séjour pour soins de 2016. Cette dernière est entrée en vigueur en janvier 2017. Elle a instauré le passage de l’évaluation médicale des agences régionales de santé à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Nous avions dénoncé ce transfert, le jugeant préjudiciable à la santé des malades étrangers.

Le nouveau texte ne combattra pas les abus et nous craignons même qu’il amplifie les refus de délivrance de récépissés au moment du dépôt de la demande, ce qui a pour conséquence, pour les personnes, une perte des droits sociaux voire de leur emploi. Nous craignons qu’il amplifie également les émissions d’obligation de quitter le territoire français par les préfectures suite à des avis négatifs des médecins de l’OFII pour des personnes vivant avec le VIH, des hépatites virales — ils sont déjà de plus en plus nombreux. De surcroît, le nouveau texte va complexifier le parcours des personnes demandeuses du droit au séjour pour soins, comme l’analyse très bien un document de l’ODSE. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, le futur texte comprend des mesures fragilisant les personnes migrantes dans leur ensemble et les malades étrangers en particulier : durées de rétention qui s’allongent alors que, parallèlement, on réduit le délai pour déposer une demande d’asile, ou un recours, etc. Qu’on prenne le texte par tous les bouts… on voit bien que la future loi est un bloc de fermeté où l’on cherche, en vain, une once d’humanité.

Comme toutes les lois précédentes, c’est la maîtrise des flux migratoires, l’approche répressive, l’obsession sécuritaire, la solidarité malmenée qui président à ce nouveau texte. Notre colère ne tient pas seulement à cette sinistre répétition, elle vient aussi du téléscopage de cette vision répressive avec les enjeux de santé. Les données scientifiques nous indiquent très clairement que la précarité administrative, sociale et financière nuit gravement à la santé des personnes, qu’elle contribue aux épidémies, tout spécialement dans le cas du VIH et des hépatites virales. Alors rappelons quelques chiffres. En 2015, 38 % des découvertes de séropositivité concernaient des personnes hétérosexuelles nées à l’étranger, dont 75 % nées en Afrique subsaharienne. Parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes diagnostiqués en 2015, 19 % sont nés à l’étranger. Au total, les personnes nées à l’étranger représentent près de 50 % des nouveaux diagnostics de séropositivité au VIH : elles constituent une population clé de l’épidémie de VIH. Selon les estimations de 2011, les personnes immigrées constituent l’un des groupes les plus représentés parmi les personnes touchées par l’hépatite C : le risque d’avoir été en contact avec le virus du VHC est trois à quatre fois plus grand que pour le reste de la population. Ces chiffres sont connus et pas seulement des autorités de santé. Des articles leurs sont consacrés, des colloques, des publications scientifiques, etc. Mais on ne semble pas en tenir compte au ministère de l’Intérieur… on préfère laisser croire que le droit au séjour pour soins créerait un appel d’air — ce qui est faux — ; qu’il constituerait une charge financière "déraisonnable" — ce qui n’est pas le cas. On oublie que le droit au séjour pour soins est bel et bien un outil de lutte contre le VIH et les hépatites virales. Dans le fond, ces lois successives ne règlent rien parce qu’elles considèrent l’immigration uniquement comme un problème. Pire encore, elles l’aggravent en entretenant les préjugés : les personnes immigrées prétendument responsables des épidémies, les personnes immigrées qui viendraient se faire soigner gratuitement en France, les personnes immigrées qui menaceraient l’équilibre financier de notre système de santé, etc. Le Raac-sida prendra sa part à la dénonciation de cette loi et se mobilisera pour qu’on s’engage enfin vers une politique d’immigration respectueuse des personnes et de la santé publique. Encore et encore !

 

Commentaires

Portrait de sonia

C'est que le début d'accord daccord comme la chanson de Francus Cabrel.

Qu'est ce qu'on s'en fiche du racisme anti arabes et noirs !

Que cette info, ( ou article?) passe sur un site généraliste genre médiapart, canard enchaîné, le parisien etc on peut le tolérer.

Mais là, je n'en peux plus, stop la politique sur seronet, faites place à la Culture, aux Arts Cinéma Peinture Musique.

 Je pars du constat que déjà malade, je n'ai pas besoin de stress supplémentaires avec la pollution mediatique.

Écœurant de diviser les seropos à cause de son origine.

Moussa pourrait sortir de prison si l'association aides se donnait la peine.

Portrait de Léo_

Je suis daccord avec toi, on s'en fou mais bon tu verras ils vont supprimer ton commentaire ils m'en ont supprimé 2 sur cette article de bouseux...

*** Un propos a été modéré ***