Autrefois, je pouvais me branler pendant une heure ou plus, mater des pornos, faire des plans… Je ne trouvais pas forcément ça formidable mais je prenais et j'éprouvais un plaisir. Mon corps n'était pas un objet de médecine, un réceptacle à médicament, un container de pilules. Il donnait du plaisir et en recevait. Désormais, depuis des mois, peut-être même des années, je me force, j'accomplis un rituel, une mécanique.
J'ai d'abord cru que quinze années de couple avaient eu raison des fantasmes. J'ai mis ça sur le dos de l'habitude, de la répétition, du temps qui passe, sans doute pour me raccrocher à une normalité rassurante. Mais ce n'est pas ça. Mon copain a un corps parfait et il est à l'écoute. J'aurais pu faire des plans mais même entouré de beaux mecs en train de s'occuper de moi, rien ne se passe, rien ne m'excite. J'ai mis la faute sur l'âge, sur le tabac, sur l'impuissance classique… ce n'est pas ça. Je me suis dit que c'était les effets du traitement (dépression, névrose, troubles psychologiques, fatigue…) mais ce n'est pas ça.
Ce que je ressens : c'est un viol. Personne ne m'a forcé à coucher avec mon "donneur de VIH" et il ne savait peut-être même pas qu'il était lui-même contaminé. C'est un viol en douceur. Un viol silencieux. Un viol qui ne dit pas son nom. Le virus a pénétré en moi sans mon consentement. Mon corps a été investi sans mon consentement. Mon corps ne m'appartient plus totalement parce qu'un corps étranger est en lui. Je m'en sens dépossédé et je lutte à chaque fois que je cherche une érection pour prendre le dessus sur lui et me réapproprier mon corps qui est moi-même. Je me sens dépossédé de moi-même. J'ai honte de mon corps et la peur n'a cessé de grandir. Quand bien même je sais que c'est un cercle (je ne dirais donc pas vicieux pour le coup), que la peur bloque l'excitation et que l'absence d'excitation entraine de la peur etc., j'ai beau le savoir, cette connaissance ne suffit pas à rompre le processus. Le virus est né de la sexualité, et mon corps associe désormais inconsciemment le plaisir et la maladie. Tout acte sexuel me semble être une mise en danger, une erreur, quand bien même je suis indétectable, non transmissible… Les arguments, la logique, la Raison ne suffisent plus, ne suffisent pas. La honte, la culpabilité, la présence étrangère sont enracinées dans mon inconscient. Or, le plaisir a besoin d'insouciance, a besoin de lâcher-prise, a besoin d'oubli, a besoin d'estime de soi.
Je me résigne. Je relègue la sexualité au second plan, en arrière-plan de ma vie mais c'est repousser le problème, c'est mettre en danger mon amour, c'est ne pas vivre. Je plais beaucoup, et je m'en fous. Mon copain ne désire que moi, et je reste enfermé. Par peurs. On a violé et volé ma liberté et mon insouciance.
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Commentaires
hello ,l,écrivain
tu apparait , je peut disparaître ....
niet
je ne fais que passer ;)
Coucou
Tu as bien fait de passer et ça fait du bien de te lire
Merci
Merci Rimbaud pour ce beau texte et pour ton bref passage. Je viens maintenant rarement sur ce site où il m'arrive de me faire agresser. Porte- toi le mieux possible.
;)
T'agresser Pierre ?? Alors là, c'est énorme, tu apportes tellement à tous, je peux te couvrir de compliments tellement j'ai aimé tes messages lors de ma première année de vih. J'ai presque envie d'en rire tellement tu es une belle personne.
Salut à "celle qui a écrit", encore une belle personne ;)
Le problème du site c'est qu'il nous centralise sur le vih qui n'est qu'une donnée parmi mille données qui composent l'être humain...
bis
c'est marrant parce que les trois personnes qui ont réagi sont celles qui ont marqué mon passage ici... je ne sais pas comment vous remercier mais je vous remercie.
Mille fois merci
Tes compliments m'ont fait énormément de bien Rimbaud, mille fois merci.
Toi aussi tu nous à fait réagir
nous venons d,horizon bien different ... seul le virus pouvez nous rapprocher beau et triste à la foi !
doit ton faire une bises à Séronet ?
La première qualité du style, c'est la clarté ....