Aidez-moi à réfléchir

Publié par babou57 le 12.11.2019
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J’ai été dépistée séropositive en 1985, Je suis une femme, j’ai 63 ans et aujourd’hui ma charge virale est indétectable. J’ai passé toutes les étapes de la maladie avec pronostic vital engagé à plusieurs reprises notamment lors de pneumopathies invalidantes dont je subis encore aujourd’hui les effets. Amants, amours, amis et même mon jeune frère sont morts du sida. En 1996, lorsque j’ai commencé les premiers protocoles de trithérapie j’avais 12 T4 et une charge virale de 600000 copies. Ce parcours n’est ni plus ni moins celui des PVVIH depuis le début des années 80. Il y a quelques mois, j’ai décidé de commencer une psychothérapie. Lors de ma dernière séance je disais à ma psy que j’avais été face à un refus virulent d’un amant qui ne voulais pas avoir de relations sexuelle avec une personne séropositive. Là ma psy me dit « vous êtes guérie, vous n’êtes pas obligée de le dire. Interloquée j’ai répondu : je prends un traitement quotidien, si la guérison existait pour le VIH je le saurais. En sous texte je perçois : vous êtes en vie, arrêtez de vous plaindre. Depuis je ne cesse de penser à cette remarque qui me semble être la négation de ma séropositivité, la négation de ma souffrance et de la discrimination encore bien réelle. Elle a raison de dire que je ne suis pas obligée de le dire puisque indétectable = intransmissible. En revanche cette séropositivité de longue date fait partie de moi, la nier serait nier une partie de mon histoire. Dire que je suis guérie parce que intransmissible cela me semble insupportable (je vis la contrainte des traitements quotidiens, bilans réguliers, effets secondaires, etc.). Je me pose la question d’arrêter les séances ou de trouver un nouveau psy. Ou alors de comment aborder la prochaine séance. Aidez-moi à réfléchir. Merci

Commentaires

Portrait de Thierry

Je te donne juste une piste a reflexion,en me basant que sur ma propre reactivité.Si ton rapport avec ta psy est positif pour ta therapie il serait dommage d'en changer sans lui avoir fait un topo sur le vih et sur le fait que tu n'es pas en seroconvertion.

Il a ete mentionné dans des articles recents , du manque de connaissance  ou d'informations ,de certains praticiens car tous ne lisent pas forcement les publications  sur leurs sites pro, faute de temps.

Tu peux lui dire simplement qu'a l'heure actuelle si tu etais guerie ,tu n'aurais pas forcement besoin de son aide , que ton traitement te rend certes indetectable et non contaminante, mais pas" guerie," qu'eventuellement tu peux lui donner des informations sur  le vih  et que les 34 années de seropositivité que tu viens de traverser ne se sont pas transformer comme le "vih".... qui lui c'est vu retrogradé en pathologie chronique(( et qui dit "chronique" peut entendre "affections de longues durée" , a evolution lentes ,responsables de 63 pour 100 des deces et 1ere cause de mortalité dans le monde.

Je trouve ta phrase de conclusion de ton texte... "En revanche  cette seropositivité de longue date fait partie de moi ....etc ....etc pourrait etre utilisée pour ouvrir ta prochaine seance  ,voir meme je pense que ,.......tu devrais imprimer ton blog et lui faire lire .

La clarté de ton propos et le desarroi  occasionné lors de votre precedente seance , serait qui sait, l'opportunité  de travailler sur cet axe de reflexion ......Amicalement Thry

 

 

Portrait de Superpoussin

"...à l'heure actuelle si tu etais guerie ,tu n'aurais pas forcement besoin de son aide..."

 

Je trouve celà très juste, quoi ajouter?

Certes on pourra heureusement trouver de "vieux" séropositifs pour lesquels le VIH n'a pas pris trop de place dans leur vie, mais malheureusement un nombre non négligeable d'"anciens" ont pu voir beaucoup d'éléments essentiels de leur vie affectés (très) négativement par ce virus, et ce sur une longue période.

Comment ne pas comprendre que des dizaines d'années avec un virus qui faisait de nous des pestiférés n'aient pas pu constituer chez certain(e)s un traumatisme?

Je suis également un ancien du VIH, je suis cinquantenaire mais ma maturité sexuelle est celle d'un adolescent après trop d'années durant lesquelles j'ai mis ma vie, dont ma vie sexuelle et sentimentale, entre parenthèses. Il m'arrive parfois d'avoir l'impression de plaire mais je n'ai aucun repère, aucune expérience: ai-je mes chances avec telle femme qui me sourit, qui me demande mon numéro de téléphone, qui me propose diverses sorties,... ou suis-je en train de prendre mes désirs pour des réalités? Il m'est arrivé de croire vivre de ces instants où l'autre attend le baiser qu'on aimerait donner, mais comment faire? Où est le mode d'emploi?

Et là ce n'est que la partie "sexe et sentiments", le VIH peut aussi affecter les relations sociales, notre statut social (pas toujours évident de frayer avec de fringuants retraités qui nous éclaboussent de leurs nombreuses réalisations, leur descendance nombreuse,...),...

Moi aussi je suis indétectable et donc pas obligé de le dire mais comment le cacher quand on aborde les questions bâteau sur la vie professionnelle quand on n'en a pas eu? Pour quelqu'un n'aimant pas mentir ce n'est pas évident.

Guérir sur le plan physiologique c'est une chose (là effectivement nous sommes presque tous quasiment guéris), mais pour ce qui est de la guérison sur le plan psychologique et social ce n'est pas gagné pour tout le monde.

Tiens et la "guérison financière"? Beaucoup auront quitté la vie active jeunes et ne toucheront qu'un minimum retraite après avoir survécu avec une AAH ou une petite pension d'invalidité.

Pour beaucoup d'anciens du VIH cette histoire de virus n'aura pas été que physiologique.

Portrait de frabro

Bientôt 30 ans de vih connu pour moi aussi, et pour le coup les textes ci-dessus font écho en moi mais de façon différente : chacun a son parcours de vie, et son parcours de vih...

Je suis opposé à l'emploi du terme "guérison" pour nous, qui sommes simplement stabilisés à un moment donné avec un vih contrôlé et un système immunitaire reconstitué. Et personne ne sait vraiment combien de temps ça peut durer, même si j'espère que ce sera jusqu'à ce que je meurt d'autre chose que du sida.

Je suis aussi d'accord avec l'idée que le vih a eu sur ma vie des répercussions psychologiques, émotionnelles, professionnelles, matérielles. Celui que je suis aujourd'hui est complètement différent de celui que j'étais il y a 25 ans. Ce n'est pas une plainte car, pour ma part, j'estime m'en être bien sorti en pouvant, après le tremblement de terre des années 90,  reconstruire ma vie sur tous les plans. Mais j'ai tellement connu de personnes détruite, réduite à l'état de "vivants morts" que je comprend très bien ce qu'ils ou elles peuvent ressentir. 

Aujourd'hui, à 65 ans, proche de la retraite dans quelques semaines, je peux tirer un bilan contrasté de ces décennies de vie avec le vih. Je vois toujours le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, et suis toujours optimiste sur l'avenir. Aujourd'hui, c'est le vieillissement de mon corps et l'amenuisement de mes facultés physiques qui m'inquiètent le plus, bien plus que le risque lié au virus ou les conséquences modérées des traitements actuels.

Solidairement,

 

François

Portrait de babou57

Vous m'avez fait du bien, j'aborde ma séance plus détendue. C'est bon de se sentir "moins seule".

Merci

Babou