Quelles solutions sont prévues pour les sans-abri

Publié par jl06 le 19.03.2020
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Les SDF sont encore davantage précarisés et sont très exposés au virus

Un SDF dort sur un trottoir avec ses chiens, à Paris, le 15 janvier 2019. — Clément Follain / 20 Minutes
  • Les personnes sans-abri sont particulièrement vulnérables face à l’épidémie de coronavirus qui sévit en France.
  • Des accueils de jour ont été fermés à plusieurs endroits, et certaines maraudes ont été suspendues, ainsi que des services de distribution alimentaire. Les centres d’hébergement tentent de protéger les personnes accueillies du mieux qu’ils peuvent.
  • Des centres de « desserrement », à destination des SDF contaminés par le coronavirus mais dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation, ouvriront bientôt.

Ils vivent dans la rue, dans des squats, des bidonvilles, des centres d’hébergement d’urgence. Et leurs conditions de vie, déjà très difficiles habituellement, le sont encore plus depuis quelques jours, en raison de l’épidémie de coronavirus  et des mesures de confinement qui ont été décidées.

20 Minutes fait le point sur leur situation actuelle et les solutions qui sont en train d’être mises en place pour eux.

De nouvelles places vont-elles être créées en centres d’hébergement ?

Actuellement, 157.000 précaires sont hébergés dans des centres d’hébergement, dont 14.000 au titre du « plan hiver ». « Et ces 14.000 places, qui devaient progressivement fermer à compter du 31 mars, resteront ouvertes jusqu’au 31 mai », indique à 20 minutes le ministère du Logement. Mais leur nombre reste insuffisant. « Et l’on sait que les sans-abri sont un public particulièrement vulnérable par rapport au virus. Car il s’agit souvent de personnes vieillissantes qui ont un système immunitaire vacillant. Par ailleurs, la plupart de ceux qui vont développer les symptômes n’auront pas le réflexe d’appeler le 15 », rappelle Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 800 associations caritatives.

C’est pour cela que le ministère du Logement tente de trouver des solutions en urgence. « Notre objectif est de mettre à l’abri le plus de personnes possibles. Mais il n’y aura pas de mise à l’abri de force des personnes à la rue », a déclaré ce jeudi Julien Denormandie, le ministre du Logement, lors d’une conférence de presse téléphonique. « Nous travaillons avec les collectivités et les services de l’Etat pour repérer des hôtels et des établissements publics qui sont mobilisables pour accueillir des personnes sans-abri », indique l’entourage de Julien Denormandie. Exemple à Paris, où un nouveau gymnase a été ouvert ce mardi à cet effet. Et la maire de Paris a proposé à l’État 14 autres gymnases supplémentaires. « Nous avons aussi réquisitionné le centre Kellermann dans le 13e arrondissement de Paris qui a 170 chambres isolées. Et le groupe Accor nous a proposé 200 chambres en Ile-de-France et 600 ailleurs en France », a déclaré ce jeudi Julien Denormandie. A Toulouse, la mairie indique à 20 Minutes que chaque sans-abri « se verra mesurer sa température dès ce mercredi soir. Si celle-ci est anormale, la personne sera mise à l’écart dans un dispensaire prévu à cet effet, pour limiter le risque de contagion ». Au total, le ministère du Logement a débloqué 50 millions d’euros pour créer ces nouvelles places. « La solidarité ne doit pas être la victime du Covid 19 », a insisté le ministre.

Comment sont protégés les SDF dans les centres d’hébergement ?

Selon Julien Denormandie, « une vingtaine de cas de contamination au coronavirus ont été détectés dans des centres d’hébergement, essentiellement en Ile-de-France », a-t-il déclaré ce jeudi. Pour l’instant, il n’y a pas foyer épidémique dans les centres d’hébergement, observe Florent Gueguen. « Heureusement, depuis une dizaine d’années, les dortoirs y sont minoritaires et les chambres individuelles majoritaires, ce qui rend possible le confinement », explique Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre.

Les travailleurs sociaux passent beaucoup de temps à rappeler les messages de prévention aux personnes accueillies, même si le bannissement de certains gestes, comme ne pas se serrer la main, passe mal parfois. « Il est très compliqué de faire respecter les gestes barrières par les personnes qui ne parlent pas français ou qui ont des problèmes de santé mentale », constate Florent Gueguen.

Mais le personnel dans les centres pourrait manquer à l’appel dans les prochaines semaines. « Nous avons demandé aux associations gestionnaires de centres de bâtir des plans de continuité de leurs activités, pour anticiper un fort absentéisme dans les équipes. Car des salariés sont contaminés et d’autres doivent garder leurs enfants », explique le ministère du Logement.

En quoi consistent les « centres de desserrement » que le gouvernement va mettre en place ?

Le gouvernement et les autorités de santé planchent sur la création de « centres de desserrement », pour isoler les personnes sans domicile infectées, mais dont l’état ne nécessiterait pas une hospitalisation. « On prévoit un centre par région, voire un par département dans les territoires les plus étendus ».

« Les deux premiers ouvriront cette semaine à Paris, et 80 sites ont été identifiés dans toute la France par les préfets », précise l’entourage de Julien Denormandie. L’accès à ces centres se fera sur avis médical. Ils seront dotés de médecins, personnels médicaux et auront recours à la réserve sanitaire. Des compétences pas faciles à mobiliser en ce moment : « Il ne suffit pas de trouver des lieux. Il faut trouver des accompagnants », a reconnu le ministre du Logement. Des masques et autres moyens de protection seront fournis aux personnes travaillant dans ces « centres de desserrement », a assuré le ministre.

Les maraudes et les accueils de jour continuent-ils ?

« Il y a eu un mouvement de fermeture massif de ces services depuis ce week-end. Car le personnel et les bénévoles ne sont pas suffisamment protégés contre le virus ou doivent garder leurs enfants », constate Florent Gueguen. Ce qui a des conséquences graves pour les sans-abri, souligne Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre : « Certains n’ont plus accès à la distribution alimentaire et ne peuvent plus se laver dans les accueils de jour. Et faire la manche est plus difficile ces jours-ci. Ce qui entraîne des problèmes d’hygiène et de malnutrition ».

Plusieurs associations ont d’ailleurs lancé ce mercredi des appels au renfort de bénévoles, comme les Restos du cœur (annonces des besoins sur restosducoeur.org) ou Le Secours populaire. Le Samusocial de Paris a aussi lancé un appel à dons de chèques-déjeuner et de tickets-restaurant* aux entreprises et aux particuliers ce mercredi.

Quid des bidonvilles et des squats ?

« Les squats et les bidonvilles ne seront pas démantelés pendant cette période », a assuré ce jeudi, Julien Denormandie. « Près de 80 % des personnes vivant en bidonville n’ont pas accès à l’eau et c’est impossible pour elles d’appliquer les mesures d’hygiène et de prévention préconisées. Et les groupes de personnes qui y vivent sont nombreux », explique Florent Gueguen.

« Certaines mairies sont en train d’installer des points d’eau », observe Manuel Domergue. Reste que les personnes qui vivent dans les bidonvilles vivent dans une promiscuité dangereuse.

 

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Portrait de jl06

"Avant on nous appelait les invisibles, maintenant on est des fantômes", le fort témoignage d'un SDF à Nice en plein coronavirus

Stéphane, 46 ans, SDF depuis cinq ans. (Photo Jean-François Ottonello)

Il est confiné... dehors. Nous avons croisé Stéphane, 46 ans, SDF depuis cinq ans, au début de la Promenade des Anglais, sur le quai des Etats-Unis. Pile au moment de la fermeture de la Prom’ piétonne et cycliste, ce vendredi matin. Témoignage.

A part quelques marcheurs, promeneurs isolés qui ignoraient encore la nouvelle mesure d’interdiction de la Prom’, ne restaient ce matin que des SDF, des migrants.

Quand nous l’avons rencontré, Stéphane venait de se faire contrôler par une patrouille qui l’a priée poliment de quitter les lieux.

Sans domicile fixe en pleine crise du Covid-19, ça ressemble à quoi ? Son témoignage est sobre, digne. Terriblement touchant.

"On n’a aucune information. Nous sommes laissés pour compte. Quand on demande des renseignements on nous dit qu’on ne sait pas."

Stéphane vit comme une agression le fait que la police lui demande sans cesse de quitter les endroits dans lesquels il se pose. "On ne sait pas où aller. On dort devant l’église Saint-Pierre-d’Arène, tous les soirs. Il y a zéro hébergement d’urgence. A Nice, tous les hébergements sont pleins, ça a toujours été. Il n’y a jamais de place, même en temps normal."