Faire de cette maladie un combat

Publié par Patrick le 28.11.2019
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Je découvre que je vis avec le VIH en 1985. À cette époque, je connais beaucoup de surmenage dans mon travail : je suis chef cuisinier. J’apprends alors que je suis « atteint du sida » ; c’est ce qu’on m’a dit.

On me donne un arrêt de travail de trois mois, mais je ne supporte pas de rester inactif aussi longtemps. Je reprends donc le travail, mais à mi-temps. J’ai comme traitement l’AZT (1) que je prends deux fois par jour, associé à Norvir (ritonavir), puis ce sera ensuite d’autres médicaments dans le cadre d’une trithérapie. Ce changement de traitement, je l’ai discuté avec mon médecin infectiologue qui me suit à l’Hôpital Bichat [AP-HP, Paris]. À cette époque, je travaille encore. Mais suite à un surmenage, je dois changer de lieu de travail puis me mettre en arrêt de travail.

À un certain moment, ça va mieux, j’avais un peu le sentiment d’être invulnérable. Je quitte Paris où je travaille alors pour partir vivre à Montpellier. Avec un ami, j’ai le projet d’ouvrir un restaurant mais je reste en contact avec le professeur qui me suit à Paris pour le VIH. Mauvaise surprise pour moi, l’ami avec lequel je lance le restaurant, n’assure pas et ça me donne de plus en plus de boulot : je dois tout faire. En fait, j’apprends qu’il est malade ; il a une jaunisse (2), ses défenses immunitaires sont basses et ces facultés semblent plus déficientes que les miennes. Je travaille toujours autant. J’ai surtout le sentiment d’être surmené dans le boulot. À cette période, je suis très fatigué, j’enchaîne les insomnies ; du coup, je récupère mal et la fatigue s’accumule. À tel point, que je prends rendez-vous avec un médecin qui me recommande d'en parler avec mon infectiologue parisien. Je suis suivi dans le même service que j’ai connu dès le début. Le médecin me prescrit un traitement avec Kaletra (lopinavir + ritonavir).

À Montpellier, j’ai eu l’impression que le médecin était un peu dépassé par mon cas par manque d’informations et qu’il préférait que je vois rapidement mon infectiologue, d’autant que je commençais à avoir des problèmes neurologiques qui se manifestait par des soucis de concentration, des oublis… Ça commençait d’ailleurs à être sévère. Je remonte donc pour un rendez-vous médical sur Paris en 2010. Mon médecin m’oriente vers un neurologue également spécialiste du VIH.

Je consulte dans un hôpital au Kremlin-Bicêtre. Je me rappelle maintenant qu’à la consultation le médecin m’a posé des questions. À un moment, il me demande : « Qu’est-ce que je vous ai dit, il y a deux minutes ? Je ne m’en rappelais plus. Il me dit qu’il faut faire des examens. Je fais une biopsie et passe un scanner qui détecte un problème neurologique. On me diagnostique une toxoplasmose et un zona au thorax. Je reste une quinzaine de jours hospitalisé puis on me demande si je veux rester à l’hôpital ou rentrer chez moi. Je rentre. 
Je recommence à travailler, mais je me rends bien compte que mes facultés sont diminuées. Je ne sais pas à quoi l’attribuer, mais je me sentais plus boosté par le traitement, à l’époque où je prenais l’AZT.

Les mois passent et je fais un AVC à la maison. Heureusement, ce jour-là, je ne suis pas seul. Il y a des amis chez moi. J’ai senti que j’avais du mal à garder l’équilibre, puis je suis tombé. Je me suis retrouvé de nouveau dans le même service au Kremlin-Bicêtre. Cette fois, la situation est plus compliquée car je vais devoir réapprendre à parler, réapprendre les mots et aussi à réécrire. Je peux compter sur des amis, une orthophoniste et le soutien des Petits Bonheurs. C’est le médecin du Kremlin-Bicêtre qui m’a conseillé de les contacter. Il m’oriente aussi vers le SAVS (service d’accompagnement à la vie sociale) de AIDES auquel je participe toujours. Depuis l’AVC, je ne travaille plus. Si je regarde mon parcours, il y a eu de la peur, du doute, de l’angoisse. Mais j’ai arrêté depuis longtemps d’avoir peur. Aujourd’hui, je me bats toujours contre le VIH et les séquelles de ma toxoplasmose et pour m’aider je peux compter sur les arts. J’ai beaucoup de plaisir à peindre.

(1) La zidovudine (ou AZT) est un médicament antirétroviral, le premier utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH. C'est un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (NRTI).
(2) : Un ictère (jaunisse) peut traduire une maladie du foie comme une hépatite virale, un problème de vésicule biliaire. Il peut aussi être causé par des médicaments.

 

Commentaires

Portrait de Mehdi0913

Quand je lis ton témoignage, je sens que tu as lutté pour t'en sortir, tu t'es battu et tu n'as pas baissé les bras malgré le traitement à l'AZT qui était une horreur car beaucoup y sont restés malheureusement et tous ces problèmes qui se sont accumulés avec le temps, jusqu'à la mort que tu as frôlée mais qui t'as obligé a réapprendre à parler et à écrire, quel parcours et quel courage.

J'espère que la peinture t'aide énormément pour exprimer tout ça... Respect.

Portrait de Butterfly

Sacré parcours - moi là pas envie de raconter le mien - je l'ai su aussi en 84/85 ma séropositivité pas le sida encore sinon je pourrais pas écrire je serais morte-

Je connais les ptits bonheurs et sors encore quand y a une sortie avec malgré le covid en ptit communauté quoi - 

Ah tu connus Elias ? un bon grand bonhomme en fauteuils roulant , des ptits bonheurs donc aussi.... un ami pour moi , j'allais le voir etc et connu a la mdv et on allait au resto de kitty ( ex clodette de cloclo) ben il est décédé la semaine dernière , crise cardiaque a que 65 ans .. car avec le vih on attrape tout + vite qu'une personne en bonne santé - bref voilà - 

Juste a rajouter que j'ai eu AZT et suis là tjrs - donc pour les gens les + fragilisé niveau organisme ce traitement les a tués - voilà tout simplement ... 

 

Bonne route