Prep en ville : ENFIN !

Publié par Fred Lebreton le 01.06.2021
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SexualitéPrEP

On n’y croyait plus ! Attendue depuis plus d’un an, reportée à cause de la crise sanitaire, retoquée par le Conseil d’État pour des raisons administratives, la primo-prescription de la Prep par tout médecin de ville devenait un mauvais feuilleton à rebondissements. Et puis, vendredi 28 mai, c’est sur Twitter qu’Olivier Véran, ministre de la Santé, a annoncé la bonne nouvelle. Cette mesure tant attendue est enfin effective depuis le 1er juin. Résumé du dernier épisode.

Réjouissances

« Aujourd’hui plus de 30 000 personnes sont sous Prep, mais ce n’est pas suffisant pour casser les chaînes de nouvelles contaminations et faire baisser puis disparaître l’épidémie. Par ailleurs, la crise sanitaire Covid-19 a mis en évidence la chute de l’activité de dépistage du VIH (-10 %) et des IST bactériennes (-6 %) en 2020, et la diminution du recours à la Prep », indique le communiqué de presse du ministère de la Santé. « La Covid-19 ne doit pas faire oublier les autres épidémies, à commencer par celle de VIH. Le déploiement de la Prep en ville est une demande de longue date des associations que nous honorons aujourd’hui. C’est une décision de santé publique importante qui facilitera l’accès des patients à ce traitement, et aura j’en suis sûr un impact important sur les contaminations », assure de son côté Olivier Véran.

Les réactions du monde médical et associatif de la lutte contre le VIH ne se sont pas fait attendre suite à cette annonce tant espérée. « Nous nous réjouissons de cette bonne nouvelle, pour laquelle nous avons œuvré avec acharnement. Nous espérons rapidement une campagne d'information d'échelle nationale sur la Prep, outil indispensable pour endiguer l'épidémie de VIH qui doit être connu de tous-tes ! », déclare AIDES sur son compte Twitter.

Interrogé par Seronet, le Dr Pascal Pugliese, président de la SFLS (Société française de lutte contre le sida) se réjouit également : « Nous sommes bien évidemment très heureux de cette nouvelle. Cette primo-prescription par tout médecin est une première en Europe, à notre connaissance. Elle était attendue depuis la publication des réponses rapides de la HAS. Pour la SFLS, c’est l’aboutissement de deux années de réflexion, de détermination et de travail : de notre positionnement démocratique favorable à cette primo-prescription, à notre investissement dans le groupe de travail de la SNSS [Stratégie nationale de santé sexuelle, ndlr] sur cette nouvelle action de la feuille de route, au développement de la plateforme FormaPrep pour l’accompagnement et le respect des bonnes pratiques et enfin au travail sur l’évolution des recommandations sur la Prep, permettant à la HAS d’émettre ses réponses rapides ».

De son côté, le Dr Thibaut Jedrzejewski, médecin généraliste au centre de santé sexuelle LGBT+ Le 190 (Paris), en profite pour rappeler que, plus qu’un traitement préventif, la Prep permet une prise en charge globale de la santé sexuelle des personnes exposées au VIH et aux IST : « Ne pas oublier que ces consultations sont l’occasion pour les hommes gays et bis de mettre à jour les vaccins (VHA, VHB, HPV) ; de prévenir les cancers plus risqués (canal anal et peau) ; de parler santé et bien-être sexuels sans juger ou forcer l’usage du préservatif ; de parler santé mentale (...) ; d’informer sur le chemsex, de prévenir son usage et/ou ses complications ; de rester attentif aux plus âgés et aux plus jeunes, à leur isolement, leur vie affective et sexuelle et à leur rapport à l’âge , d’orienter vers des soignants plus spécialisés si besoin et/ou vers des associations communautaires si besoin et d’apprendre avec eux ! », affirme le médecin sur son compte Twitter.

Faire connaître la Prep

Maintenant que la Prep est accessible en ville, un des enjeux majeurs est de la faire connaître, à la fois à la population générale ainsi qu’aux professionnels-les de santé. Pour cela, la SFLS a conçu, notamment en partenariat avec AIDES, une plateforme de e-learning destinée à aider tous les médecins volontaires à se former et s’informer sur la Prep. « Il reste bien sûr à informer les professionnels-les de santé, à les former et les accompagner à l’utilisation de cette stratégie de prévention, en espérant que la Prep prenne sa place dans la prévention diversifiée des personnes les plus exposées au VIH »,  déclare le Dr Pascal Pugliese.
De son côté, la Direction générale de la Santé a prévu une communication ciblée pour faire connaître la Prep aux médecins prescripteurs-rices, mais aussi aux pharmaciens-nes, sages-femmes et au milieu hospitalier. Une communication grand public devrait être orchestrée au niveau national par Santé publique France et au niveau local, à Paris, par l’association Vers Paris sans sida. Enfin, la DGS travaille également sur un relais de communication via les acteurs-rices associatifs-ves comme AIDES, l’Enipse, Act Up-Paris, le TRT5-CHV et Actions Traitements.

L’enjeu est de taille. Au 30 juin 2020, seules 32 000 personnes avaient initié un traitement Prep en France, en quasi-totalité des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (97 %) et répartis de façon inégalitaire sur une seule région, l’Île-de-France (41 %), et en particulier la ville de Paris (25 % de tous-tes les usagers-ères de Prep en France). Dans son récent avis suivi de recommandations, le Conseil national du sida et des hépatites virales, considère que la Prep doit être mise « au même niveau que le préservatif, sans hiérarchie dans la palette de prévention du VIH ». C’est loin d’être le cas aujourd’hui. Il faut espérer que cette annonce du ministère de la Santé sera suivie d’une campagne de communication nationale à la hauteur des enjeux et pas uniquement portée par le milieu associatif comme c’est le cas depuis 2016. À suivre…

Commentaires

Portrait de Superpoussin

Voilà des années que je lis dans la presse VIH des articles louant la Prep comme une chose formidable qui devrait être accessible à tous, ou du moins à tous les gays ne souhaitant plus s'embêter avec la capote.

Aujourd'hui que ce qui nous était présenté comme un rêve est devenu réalité je suis dubitatif. Une avancée pour qui? Pour moi et mes semblables en est-ce une?

Il est évident que c'est une avancée pour les labos qui vendront davantage de ces molécules, là je doute que ce soit contestable.

Les gays séronégatifs souhaitant pouvoir coucher avec n'importe qui sans préservatif devraient en principe se réjouir d'une mesure censée répondre à cette attente.

Mais les séropositifs qu'ont-ils à y gagner?

En tant qu'hétéro je n'ai qu'une toute petite chance de rencontrer par le fruit du hasard une femme ayant des connaissances pas trop mauvaises en matière de VIH, et la chance d'en rencontrer une qui non seulement saurait ce qu'est une Prep mais en prendrait une est quasiment nulle. Ainsi cette avancée n'en est nullement une pour les séropositifs hétéros.

En est-ce une pour les séropositifs gays?

Sans trop y réfléchir on pourrait penser que ce qui est bon pour les gays en général devrait être bon en particulier pour les gays séropositifs, mais je ne suis pas certain que ce soit vraiment le cas ici.

Sans la Prep la façon la plus sécurisante de ne pas chopper le VIH quand on ne voulait pas mettre de préservatif était d'avoir des rapports uniquement avec un (des?) partenaire(s?) de confiance, et dans ce schéma là les plus dignes de confiances étaient ceux se sachant séropostifs et prenant des ARV.

Avec la Prep cet avantage comparatif disparait.

Mais ce n'est peut-être pas tout.

En effet je me demande quel pourra être l'impact à terme sur l'image des séropositifs de la Prep. N'y a-t-il pas un risque de voir la sérophobie renforcée par le fait que des gens prendraient une prophylaxie couteuse pour ne pas être contaminés? Cela ne pourrait-il pas renforcer l'image d'épouvantail de notre virus et par là même de nous mêmes qui en sommes porteurs?

Me replaçant du côté des hétéros séropositifs une personne sachant que des gays prennent une prophylaxie contre le VIH n'aura-t-elle pas de ce fait encore plus peur de ce virus contre lequelle elle ne prend rien et du coup aussi de celui/celle qui le porte?

Des labos vont se faire du blé dans cette histoire, certains libertins gays vont pouvoir s'éclater plus tranquillement, mais nous dans l'histoire ne serions-nous pas les dindons de la farce?

 

C'est un peu hors sujet mais je vis aussi mal le fait qu'on va débloquer beaucoup d'argent pour cette Prep quand en ce moment je m'entend dire que les impôts n'ont pas vocation à payer un suivi psychologique à quelqu'un qui a du renoncer à presque tout du fait de son ancienneté dans le VIH. Un peu comme si on publiait sur un site fréquenté par des gens ne mangeant pas à leur faim un article se félicitant du fait que quelques privilégiés mangeant eux à leur faim vont pouvoir se faire offrir du caviar.