La République voit rouge !

Publié par jfl-seronet le 01.12.2009
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1er décembre 2009
Un sac à dos, des mousquetons, des cordes de rappel, des blousons chauds, un ruban rouge de onze mètres de long, de l'énergie à revendre et une statue, celle de la République, à gravir. C'était ce matin à Paris, à l'initiative de AIDES, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Pour la première fois de son histoire, la statue de la République s'est ornée d'un ruban rouge : une image, mais surtout un symbole et un message. Reportage.
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Elle est belle sous le soleil la statue de la République, spécialement avec le long ruban rouge qui l'orne. En moins d'une demi-heure, deux grimpeurs experts ont gravi les quelque 25 mètres de ce monument pour y déployer un ruban rouge autour d'une des statues les plus emblématiques de Paris. Il est 10 heures et demi. Dans d'autres villes comme Strasbourg, Marseille, Montpellier, Rennes, Reims, Perpignan… des militants de AIDES ont fait de même ornant des statues célèbre d'un ruban rouge. A Paris, une foule de photographes et des caméras de télévision immortalisent cet événement. Au bas de l'édifice de nombreux militants, tous de rouge vêtus, sont venus soutenir les grimpeurs et participer à un flash mob. Des cris de joie, des encouragements, un slogan : " Un traitement pour tous, tout de suite, maintenant !", une circulation bloquée autour de l'édifice, une foule qui se fige pour dénoncer… tout cela frappe. Tout comme frappe l'énorme ruban qui orne cette masse de bronze de 9 mètres 50 de haut. C'est une très belle image, sans doute la plus forte en France, de ce 1er décembre 2009. C'est un événement parce que jamais cette statue n'a connu cela depuis qu'elle a été érigée au XIXème siècle.

Mais derrière la beauté de l'image, la photo pour l'histoire, il y a d'abord un message, un symbole et une critique. Le message, c'est que nous ne devons pas "rester de marbre face au sida ! " "On ne peut pas considérer que le sida est une affaire réglée. Il est plus que jamais temps de se mobiliser parce qu'on sait aujourd'hui que nous avons les moyens de contrer l'épidémie voire de l'éradiquer à l'horizon de quelques décennies, ce qui n'était pas imaginable, il y a quelques années. Ce n'est surtout pas le moment de baisser les bras", explique Olivier Denoue, directeur général délégué de AIDES. La chanteuse Ophélie Winter, venue comme militante de l'association, ne dit pas autre chose : "Il faut réveiller les gens et qu'on arrête collectivement de s'endormir. Cela fait 25 ans que la lutte a commencé et quelques années que cette lutte marque le pas. Et si on est obligé aujourd'hui de venir manifester et d'accrocher des rubans rouges à tous les monuments pour que les gens ne restent plus de marbre face au sida, on le fait et on continuera de le faire. Si on remonte dix ans en arrière, la prévention était plus forte. On parlait davantage du sida. Aujourd'hui, il n'y a qu'une émission, une fois par an, le Sidaction… c'est loin d'être suffisant. Il est vraiment temps qu'on se réveille."

Le symbole, c'est la République. Une façon de dire que la réponse face à l'épidémie de VIH ne pourra réussir que collectivement… à commencer dans notre propre pays. C'est enfin une critique parce que la République, c'est l'Etat qui l'incarne et ce dernier est, en matière de lutte contre le sida et, quoi qu'il en dise, défaillant. "Nous avons peur d'un désengagement des principaux pays du Nord, explique Olivier Denoue. Ces derniers ont pris des engagements importants pour soutenir la lutte contre le sida au niveau international notamment via le Fonds mondial, mais avec la crise économique, on voit que les Etats sont de plus en plus frileux à soutenir la lutte contre le sida et commencent à rogner sur les engagements. C'est le cas de la France où on sent bien que les engagements ne sont pas garantis alors qu'il y a eu des promesses fermes et cela alors même que la France a, jusqu'à présent, été un moteur et même leader sur cette question. Nous comptons beaucoup sur l'exemplarité de la France pour créer une dynamique favorable au financement international du Fonds mondial et des traitements pour les pays du Sud." A cela, il y a de très bonnes raisons. En 2009, 56 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde n'ont pas d'accès aux traitements. "C'est un vrai scandale, énonce Olivier Denoue. Et ce d'autant plus que les moyens financiers et thérapeutiques de soigner tout le monde existent. Or ce n'est pas ce qui se passe, ce qui fait qu'il y a encore énormément de décès liés au sida dans le monde entier." Comme l'explique AIDES, on a la solution "pour arrêter l'épidémie, il faut traiter 100 % des malades."

 

En 2005, les dirigeants du G8 s'étaient engagés, lors du sommet de Gleaneagles, à atteindre l'accès universel d'ici 2010. A un mois de 2010, on est très loin du compte. Ainsi sur 9,5 millions de personnes vivants avec le VIH en attente de traitement, seulement quatre millions sont traitées, c'est moins de la moitié. Aujourd'hui, chacun sait que lorsque l'ensemble des personnes malades sera traité "la transmission s'arrêtera, car le traitement diminue massivement la transmissibilité." C'est en étant solidaire aujourd'hui, qu'on évitera des milliers de morts demain. Cette solidarité est pourtant aujourd'hui sérieusement entamée.


Président de Positive-Generation, une association communautaire de lutte contre le sida, Fogué Foguito est particulièrement bien placé pour le savoir. Militant, spécialiste du plaidoyer pour l'accès au traitement, membre de la délégation de la société civile du Fonds mondial, Fogué connaît bien les conséquences de la politique actuellement conduite par les pays du Nord. "Je dois d'abord préciser que les financements que nous avons obtenus jusqu'à présent ne sont pas suffisants. Alors que 180 000 personnes avaient besoin d'un traitement, nos financements ne nous ont permis que d'aider 74 000 personnes. Il y a donc des besoins qui ne sont pas satisfaits et la situation s'aggrave désormais, explique Fogué Foguito. Et je parle du Cameroun qui n'est pas le pays dans la pire des situations, car notre pays est cité en exemple concernant la décentralisation de la prise en charge et de l'accès aux traitements. Imaginez ce que cela peut donner dans des pays qui n'ont pas pu mettre en place un accès aux traitements si structuré et si décentralisé. La baisse des financements touchent tous les secteurs et concernent directement l'application de nos programmes. Au Cameroun, nous avons été contraints d'arrêter, il a trois ou quatre mois, le plan national d'appui aux enfants orphelins du sida. Nous avons dû aussi arrêter le programme des agents de relais communautaires. Il s'agissait de personnes qui accompagnaient les malades et qui effectuaient des visites à domicile. Ces deux programmes ont été stoppés parce qu'il a fallu consacré le peu d'argent disponible à l'achat de médicaments."

Récemment, les associations françaises ont compris que le Fonds mondial allait sans doute pouvoir maintenir ses financements pour que les personnes sous traitements puissent toujours en bénéficier. En revanche, d'autres personnes, dont l'état de santé justifierait pourtant une mise sous traitement, ne pourront pas l'obtenir. Une nouvelle qui stupéfie lorsqu'on sait que 2,7 millions de personnes ont été contaminées au cours des douze derniers mois. Fogué est, lui, très pessimiste : "Nous pensons que si la situation n'évolue pas favorablement et si aucune solution n'est trouvée, ce sera la catastrophe. Dans le contexte actuel, je ne donne pas un an avant que l'on revienne à la situation d'il y a huit ans avant la création du Fonds mondial."


Cette crainte, nombreux sont les pays qui la partagent. Cette situation, nombreux sont les militants qui la dénoncent. Devant de telles menaces… qui peut rester de marbre ?

 photos : AIDES dont Richard Stranz, Stéphane Blot, Emmanuel Trénado

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Commentaires

Portrait de vincent58

Bravo à touTEs pour cette mobilisation nationale !
Portrait de sonia

et aucun mot sur les labos...! Si les firmes pharmaceutiques décidaient de baisser les prix des traitements, non seulement la Sécurité sociale ferait des économies, mais tous les pays pauvres pourraient se soigner correctement.(brevets, omc) Il ne faudrait pas relâcher les pressions sur ces multinationales Sanofi Merk Roche etc sous prétexe de désengagement des Etats pour le fond mondial...Il est vrai qu'en cette pandémie de grippe A, l'Etat français a miraculeusement trouvé des centaines de millions d'euros pour le Tamiflu, mais rien pour le sida, alors que le traitement pourrait empêcher la transmission du vih de la mère à l'enfant.... si on est incapable de sauver nos générations, c'est l'aveu d'un terrible échec universel, le début de la fin de notre civilisation d'humains.
Portrait de awsaws

cette belle mobilisation partout en France m'a fait du bien, merci! :-)
Portrait de bearcod

Un ruban rouge sans doute. Mais d'autres l'ont fait avant, avec un autre message.