Plaidoyer associatif ?

Publié par nathan le 21.07.2010
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C'est un concept tarte à la crème du mouvement associatif à caractère social. Pas une association qui n'affiche sur sa pâge web son plaidoyer. Par exemple, sur le site des Petits frères  des pauvres :

"Témoigner alerter

 

Une mission de plaidoyer tournée vers l'opinion publique.
Témoins des situations vécues par les personnes que nous accueillons et de l'aventure humaine que nous vivons au fil de l'accompagnement et de l'engagement associatif, nous devons nous souvenir, raconter, comprendre et alerter. Relayer la parole des personnes, sensibiliser l'opinion… Toutes ces actions contribuent à prendre part à la transformation sociale en faveur des personnes fragilisées et d'une société plus fraternelle.
"

D'après ce qu'en disent les Petits frères des pauvres, le plaidoyer, c'est donc cette aptitude à écouter ce que disent les personnes soutenues, à entendre/comprendre leur message et, - là il faut reconnaître que cela devient très vague - le relayer... Vers qui, vers quoi ? Ce n'est pas très précis, hormis cette référence à l'opinion.

Plaidoyer, nom commun, est aussi employé par les associatifs comme verbe : je plaidoie, tu plaidoies, il/elle plaidoie, nous plaidoyons, vous plaidoyez, ils plaidoient... tous en choeur, je suppose. Pour plaidoyer, des aptitudes sont pré-requises. Au moins ne pas être sourd, sans doute. Et disposer du minimum d'empathie qui permet de comprendre en se mettant à la place de... Mais se mettre à la place de, au niveau de, cela requiert de descendre de sa hauteur car sinon les problèmes vus de très haut risquent de paraître ridiculement petits comme doivent paraître aussi si minuscules ceux qui les vivent. Mais cela demande un effort que de descendre. Trop sans doute...

Comme, par exemple, pour ces ministres qui gagnent plus de 9500 euros/mois et qui trouvent naturel de se faire payer leurs plusieurs miliers d'euros de cigares ou leur jet  privé par les contribuables. Par contre, les mêmes trouvent scandaleux qu'un bénéficiaire du RSA ait omis de déclarer dix euros de revenus supplémentaires et le vouent alors aux gémonies. Je me demande parfois s'il n'y a pas des déraillements de ce type dans les associations. Ce sont ces attitudes et ces discours qui font progressivement le lit du populisme et certainement de bien pire. Pas la critique qu'on fait de ces comportements et de ces discours comme sans doute certains le diront de ce billet.

Pour revenir au plaidoyer, celui-ci doit, selon la citation ci-dessus, aboutir à la transformation sociale, autre concept tarte à la crème. Soit. Mais avant de transformer, pourquoi ne pas conserver ce qui fonctionne et qui a été acquis de haute lutte ? Eh bien non. On préfère bien souvent laisser détruire ce qui marche sans même, auparavant, se préoccuper d'entendre - quand bien même on essaierait au moins de les écouter - les principaux concernés, ce que suppose pourtant l'acte de plaidoyer. Et on va ensuite couper les cheveux en quatre pour inventer le fil à couper le beurre qui existe déjà et repartir de là où on était avant de laisser détruire ce qui pourtant fonctionnait. Un vrai tonneau des Danaïdes ou une répétition du mythe de Sisyphe, au choix.

Affligeant et désespérant !

Commentaires

Portrait de nathan

mais les faits ne mentent pas, eux.

Portrait de julian2

De quoi parles-tu Nathan? A quoi fais-tu exactement référence? Quels sont ces faits auxquels tu fais allusion?

JU 

Portrait de Sophie-seronet

"D'après ce qu'en disent les Petits frères des pauvres, le plaidoyer, c'est donc cette aptitude à écouter ce que disent les personnes soutenues, à entendre/comprendre leur message et, - là il faut reconnaître que cela devient très vague - le relayer... Vers qui, vers quoi ? Ce n'est pas très précis, hormis cette référence à l'opinion."

 

C'est vrai qu'à chaque fois que je descends dans le rue, il n'y a pas foule. En tant que maman je vis beaucoup de jours "grévés" par l'éducation nationale, mais pas autant de manifs... Je le regrette, je suis assez férue de manifs. Et toi ?

 

Ce qui ne m'empêche pas de participer au plaidoyer. D'un point de vue collectif c'est intéressant, ça permet de relayer la parole de gens comme toi qui s'expriment sur Internet.

 

Bonne nuit. Sophie

 

Portrait de nathan

"En tant que maman je vis beaucoup de jours "grévés" par l'éducation nationale, mais pas autant de manifs..."

Portrait de nathan

je le fais moi-même en petit comité de séropos ou d'autres personnes concernées par ça ou autre chose, sans subvention et avec beaucoup d'efficacité.

Etonnant d'ailleurs, ce matin, ma kiné m'appelle pour un souci qu'elle n'arrive pas à dépatouiller avec le conseil de l'Ordre. En deux coups de fil, c'était réglé.

C'est peut-être ça la solution face au désengagement : la mutualisation au sein de petites communautés, de micro réseaux sociaux, de compétences de séropos et d'autres personnes atteintes d'autres pathologies... De toute façon, on sait qu'au-delà d'un certain nombre (50, 100, 150 ?), un réseau social (et donc une association)devient improductif et coûteux. Malheureusement, cette solution n'est pas possible pour les personnes très isolées :

http://www.seronet.info/billet_blog/extreme-solitude-en-hausse-quelles-c...

Maintenant, les associations comme le gouvernement peuvent ne pas entendre le bruit qui sourd de la plèbe... Jusqu'à quand ?

Quant aux grèves, en ce qui me concerne, un jour de grève me coûte un trentième, soit au minimum 110 euros nets. Pour l'instant, on ne m'a jamais décompté cette somme parce que, quand je manifeste, je le fais sur mes jours de congés.

Portrait de nathan

(Je rappelle que c'est mon blog et non un forum !)

Portrait de Gigilamoroso

tu dis:

(Je rappelle que c'est mon blog et non un forum !) 

en même temps je ne vois pas ce qui empêche les personnes de participer à tes réflexions nathan...ou alors il faudrait qu'on ferme en écriture ton blog...et vois-tu c'est pour tout le monde pareil, et d'ailleurs toi aussi tu participes bien souvent aux blogs des autres séronautes... 

et je voudrais en profiter pour revenir à la dernière phrase de ton post:

"Quant aux grèves, en ce qui me concerne, un jour de grève me coûte un trentième, soit au minimum 110 euros nets. Pour l'instant, on ne m'a jamais décompté cette somme parce que, quand je manifeste, je le fais sur mes jours de congés. "

mes amis et mon bonhomme (et moi en soutien of course) quand ils manifestent pour une journée ,(voir plus parce que des fois bin ça dure plus longtemps)..c'est sur leur temps de travail et non payés évidemment...parce qu'un salarié qui prend une RTT ou un jour de congé n'est pas comptabilisé comme gréviste mais comme salarié en "vacances"...et ça change un peu la donne ....tu crois pas?

et pour certains bin ça leur a coûté un sacré paquet de pognon ..et c'est là aussi que la solidarité s'est mise en place pour les aider à "survivre"

gigilamoroso-seronet 

Portrait de nathan

Quand j'ai écrit "Je rappelle que c'est mon blog et non un forum !", je n'ai nullement écrit tous les présupposés auxquels tu te réfères. Je ne peux donc voir dans ton propos qu'un procès d'intention.

Par ailleurs, tu ne t'exprimes pas sur le fond du billet. Mais sur une digression qu'a lancé ta collègue. Sans doute par un effet de solidarité.

Statistiquement, les salariés du privé, ne font pratiquement jamais grève mais se fient aux fonctionnaires et agents de service public pour le faire, par procuration. C'est démontré par de multiples enquêtes sérieuses.

Enfin, ce serait plus intéressant que vous vous exprimiez toutes les deux sur le fond du billet à la première personne du pluriel, en termes collectifs, et en tant que militantes associatives plutôt qu'en faisant part de vos vécus personnels, réputés privés.

Je ne saurais voir dans vos propos une volonté de noyer le poisson. Ou me trompé-je ?

Portrait de barebackette

A bien des égards, je suis d'accord avec toi Nathan.

Tu pourrais peut-être parler plus directement lorsque tu évoques des ministres qui gagnent plus de 9500 euros par mois. 

Quant à l'action :

"Je le fais moi-même en petit comité de séropos ou d'autres personnes concernées par ça ou autre chose, sans subvention et avec beaucoup d'efficacité."

Cela s'appelle de l'empowerment et c'est génial. C'est rendre les coups. C'est aussi ne pas laisser les autres parler à sa place dans la lignée des principes de Denver.

Cependant, je reste convaincu que l'on est plus fort en se coalisant. Reste à savoir quelle forme d'organisation on choisit. Sur ce point toutes les organisations ne se valent pas.

C'est ce qui explique que certains privilégient tel ou tel groupe ou telle ou telle forme d'engagement... avec une détermination chevillée au corps.

Portrait de nathan

barebackette wrote:

Cependant, je reste convaincu que l'on est plus fort en se coalisant. Reste à savoir quelle forme d'organisation on choisit. Sur ce point toutes les organisations ne se valent pas.

 C'est ce qui explique que certains privilégient tel ou tel groupe ou telle ou telle forme d'engagement... avec une détermination chevillée au corps.

On n'est pas obligé de faire du neuf avec du vieux. Peut-être faut-il envisager désormais de créer des "organisations" de séropos pour les séropos puisque de plus en plus, il y a un hiatus criant entre la part prépondérante croissante que prend la prévention dans l'action des assos et celle qu'elles consacrent au soutien des séropos qui se réduit comme peau de chagrin alors même que de nouvelles problématiques sugissent, liées au vieillissement par exemple mais pas que.

D'ailleurs récemment, une militante d'une de ces associations traditionnelles renvoyait  une personne séropositive (qui allait se voir priver d'aide à domicile du fait du désengagement de l'asso) vers une autre association :

"Les Petits Bonheurs est une association qui s'est créée dans l'idée de redonner des envies à la vie. Soutenir, accompagner et stimuler des personnes séropositives isolées socialement avec une attention particulière envers les plus âgées en allant à leur rencontre directement à leur domicile ou à l'hôpital. Les Petits Bonheurs est localisée sur Paris et son action s'étend sur toute l'Ile-de-France, mais peut-être existe-t-il des équivalents en province... Si vous êtes concernés et que vous souhaitez être mis en contact avec Les Petits Bonheurs, le plus simple est d'en parler avec votre médecin. Pour ceux qui souhaiteraient s'impliquer au sein de l'association, et le panel de propositions est vaste, voici un contact mail : les-petits-bonheurs "@" orange.fr"

Pour moi, ce n'est pas que la transmission d'une info utile, c'est le symptôme d'un désengagement conscient des assos traditionnelles du soutien aux séropos et de leur volonté de sous-traiter ce domaine-là de la lutte contre le sida. C'est désormais inscrit au coeur de leur "politique". C'est donc à nous séropos de nous emparer de cette problématique.

Il y a eu un mouvement comparable pour la problématique cancer avec la création des associations comme En vie quand des cancéreux ont décidé de créer leurs propres associations parce qu'elles ne se reconnaissaient pas/plus dans les associations de lutte contre le cancer.

Portrait de Sophie-seronet

"D'ailleurs récemment, une militante d'une de ces associations traditionnelles renvoyait  une personne séropositive (qui allait se voir priver d'aide à domicile du fait du désengagement de l'asso) vers une autre association :"

 

Je te remercie de ne pas manipuler ma parole et de te contenter de parler en ton nom.

 

Bien à toi. Sophie

 

Portrait de barebackette

Ben Nathan, c'est un peu la raison pour laquelle dans l'histoire de l'épidémie de nouvelles associations se sont créées pour défendre nos droits et ceux des personnes concernées et ne pas laisser les autres parler à notre place. Act Up-Paris en 1989 et Actif Santé plus récemment.


Reste à savoir s'il faut pour autant prendre en charge nous même ces services au risque de nous retrouver dans la même situation que les associations qui oeuvrent aujourd'hui sur le terrain social en étant juge et partie.


J'ai toujours été très marqué par le peu de place accordée réellement aux "usagers" (comme ils disent) dans les processus de décision dans ces structures qui se réclament de la lutte contre le sida. Finalement, on se retrouve un peu confrontés aux mêmes relations de pouvoir que celles que nous avons rencontrées avec le milieu médical dès le début de l'épidémie. A priori ils sont là pour nous soigner mais exercent un pouvoir sur nous et nous placent dans leur dépendance.


En plus de gueuler sur l'état de fait que nous subissons aujourd'hui. Peut-être pourrions nous aujourd'hui inventer des structures autogérées qui répondent à nos besoins et où ce serait nous qui décidions. 


 

Portrait de nathan

J'avais préparé cet après -midi un complément à mon précédent billet mais dont par mesure de quota j'ai dû différer la publication.

barebackette wrote:

J'ai toujours été très marqué par le peu de place accordée réellement aux "usagers" (comme ils disent) dans les processus de décision dans ces structures qui se réclament de la lutte contre le sida. Finalement, on se retrouve un peu confrontés aux mêmes relations de pouvoir que celles que nous avons rencontrées avec le milieu médical dès le début de l'épidémie. A priori ils sont là pour nous soigner mais exercent un pouvoir sur nous et nous placent dans leur dépendance.

Exact ! D'autant plus quand on lit plus haut ces deux énoncés " Ce qui ne m'empêche pas de participer au plaidoyer. D'un point de vue collectif c'est intéressant, ça permet de relayer la parole de gens comme toi qui s'expriment sur Internet." et "Je te remercie de ne pas manipuler ma parole et de te contenter de parler en ton nom". Voilà ce genre de relations de pouvoir dont tu  parles. Ca va dans un sens mais pas dans l'autre... Or je (nous) suis assez grand et bien plus expert que n'importe qui pour parler de moi séropo et c'est bien plus efficace quand je relaie moi-même ma parole comme je l'ai indiqué plus haut. Et l'intérêt d'Internet c'est d'abord de pouvoir débattre entre séropos comme nous le faisons. Quant aux manipulations dans ce blog, je ne vois que celles dans certains commentaires digressifs qui ne sont pas de mon fait.

barebackette wrote:

En plus de gueuler sur l'état de fait que nous subissons aujourd'hui. Peut-être pourrions nous aujourd'hui inventer des structures autogérées qui répondent à nos besoins et où ce serait nous qui décidions.

C'est ici aussi barebackette que tu me coupes l'herbe sous le pied et que nous pouvons enfin revenir au débat enrichissant et constructif qui s'est engagé et dont on m'écrit en mp qu'il intéresse.

Voici donc ce que j'avais préparé :

 __________________________

Je crois que les nouvelles "organisations " de séropos pour séropos gagneraient en s'orientant vers une structure au croisement d'En vie et d'un modèle comme celui de la Maison du diabétique, gérée d'abord par des diabétiques ou d'autres modèles comparables, tout entier centrés sur les personnes affectées par la pathologie et gérées par elles. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de me rendre dans celle de la métropole lilloise, à Marcq-en-Baroeul. Le travail qui y est mené est remarquable  :


 
http://www.maison-diabete.com/index.html

L'éducation à la santé qui est embryonnaire dans les services d'infectiologie acquerrait une autre dimension dans une telle organisation d'autant plus que la chronicisation de l'infection à vih rapproche de plus en plus sa prise en charge de celle du diabète et que le nombre de personnes séropositives ne cesse d'augmenter. D'ailleurs, je constate qu'au niveau de mon service d'infectiologie les deux services, infectiologie et prise en charge des complications du diabète s'interpénètrent de plus en plus et que les médecins des uns sont aussi souvent les médecins des autres. La problématique du vieillissement, par exemple, est inscrite au coeur même de la prise en charge du diabétique.

D'autre part encore, dans mon service, une formation orientée sur la précarité a été mise en place. Elle est destinée à des professionnels en charge des personnes séropositives. Cette formation de deux ans débouchera sur un master professionnel "Précarité et vih". Les choses bougent donc dans le sens que j'indique.

C'est à nous séropos de nous inscrire aussi dans ce champ nouveau de notre prise en charge par nous-mêmes comme le font les cancéreux - ce que le décès de Bernard Giraudeau a rappelé récemment - et les diabétiques.

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Ps : c'est tout de même assez curieux que nous soyons les seuls à débattre ici du coeur du sujet du billet initial et non pas des grèves de fonctionnaires ou du problème de la garde des enfants ou de je ne sais quoi encore...

Portrait de barebackette

Je t'assure cher Nathan, je ne suis pourtant pas fonctionnaire :)

Oui c'est très intéressant ce projet.

Cela fait maintenant quelques années que j'ai personnellement envie de rentrer dans le lard de certaines organisations notamment qui se placent sur le terrain social. Il faut dire qu'en la matière c'est plutôt lié à la culture des travailleurs sociaux que je trouve détestable. Tu sais ceux qui savent mieux que toi ce qui est bien pour toi et qui en arrivent à te culpabiliser pour masquer le fait qu'ils sont des gestionnaires de la pénurie.

Ce dont tu parles sur l'éducation thérapeutique peut certainement prendre appui sur les nouvelles dispositions législatives de la loi Hôpital Patient Santé Territoire. Il ne faut pas mésestimer cependant les difficultés qui pourraient se présenter pour faire émerger des modèles nouveaux fondés sur l'autosupport.

Les grosses associations engagées dans l'aide aux malades comme Aides ou Arcat, sont sur les rails pour prendre place dans des projets d'éducation thérapeutique. En effet, il s'agira d'interventions qui vont générer des financements et accroître leur influence auprès des services de soin (pour faire valoir leur plaidoyer évidemment).

Ce nouveau contexte présente certains écueils pour mettre sur pied de tels projets. L'institutionnalisation de l'éducation thérapeutique va rendre plus contraignante l'initiative en la matière. Certification, dossier, procédure d'appels d'offre. Et comme dans ce pays on ne prête qu'aux riches, la réputation, le fait de disposer d'un réseau national, d'un personnel formé et diplômé quand bien même il ne serait pas malades, ou simplement la disponibilité de ressources financières à investir pour structurer un tel projet, détermineront largement l'occupation des places.

Faire émerger de nouveaux modes d'organisation du type de ceux que tu proposes, implique donc à la fois un gros travail d'élaboration préalable mais également une critique en règle des critères retenus pour ce qui se mettra en place. Il faut exiger une reconnaissance institutionnelle du savoir des malades sur leur maladie, interroger la place des malades dans les structures candidates et dans l'élaboration des projets mis en place, enfin exiger que des modèles alternatifs fondés sur l'autosupport soient soutenus et expérimentés.

Portrait de barebackette

Au passage, même si ce n'est pas directement en lien, je crois que c'est un élément de contexte qui plaide en faveur d'un tel projet.


Il faut savoir que l'on va assister dans les très prochaines années à une réduction drastique de la démographie médicale en France. Je crois que c'est près d'1/3 des médecins qui devrait disparaître à l'APHP du fait des départs à la retraite et du numérus clausus qui a été imposé ces dernières années. Le VIH n'est pas exempt de cette évolution car beaucoup de médecins engagés dans cette pathologie ont commencé dans les années 80 et il y a peu de nouveaux entrants alors même que le nombre de malades augmente chaque année. L'enjeu est important, car parallèlement on assistera à la même diminution du nombre de médecin en ville.


De fait, une grande part de notre prise en charge ne pourra plus être assurée par des médecins. Par la force des choses, cela risque d'impliquer une évolution la nature des intervenants dans le soin.


Si on aborde cela de manière prospective, loin de moi l'idée de trouver cela bien pour autant, il est possible que l'on se retrouve à terme un peu dans une situation à l'Africaine où face au manque de médecins capables de prendre en charge le VIH, toute un partie du suivi a été transféré aux infirmiers.


On peut tout à fait imaginer des modèles de prise en charge fondés sur l'autosupport comme alternative. 

Portrait de nathan

barebackette wrote:

Il faut dire qu'en la matière c'est plutôt lié à la culture des travailleurs sociaux que je trouve détestable. Tu sais ceux qui savent mieux que toi ce qui est bien pour toi et qui en arrivent à te culpabiliser pour masquer le fait qu'ils sont des gestionnaires de la pénurie.

En effet, certains ont une telle opinion d'eux-mêmes qu'ils te toisent toujours de leur hauteur quelles que soient tes compétences ou ton expertise par ailleurs alors que si on gratte bien leur surface,  il n'y a pas grand chose : toujours trois trains de retard sur tout... Quant à la gestion de la pénurie, je complèterais par le fait qu'ils sont tellement assujettis à leurs bailleurs de fonds qu'ils n'ont en fait aucune autonomie par rapport à eux et leurs coups de gueule de façade ponctuels ne parviennent pas à masquer que leur "politique" est en fait celle de leurs bailleurs. Et si celle-ci est orientée à la pénurie, alors c'est sur ses clients qu'une association répercute d'abord les économies à réaliser et pas sur sa masse salariale. On peut vraiment parler de conflit d'intérêt. D'ailleurs, on va bien rire en septembre et octobre quand dans le cadre de la Lolf, l'Etat va annoncer la réduction des subventions. Là d'un coup nous existerons à nouveau. Nous serons super importants. Si l'Etat réduit les subventions - essentiellement consacrées aux salaires - nous allons tous mouuuuuurirrrrr (lol). Mais il faudra bien aussi qu'ils changent de braquet comme tout le monde

barebackette wrote:

Il ne faut pas mésestimer cependant les difficultés qui pourraient se présenter pour faire émerger des modèles nouveaux fondés sur l'autosupport.

Les grosses associations engagées dans l'aide aux malades (...) sont sur les rails pour prendre place dans des projets d'éducation thérapeutique. En effet, il s'agira d'interventions qui vont générer des financements et accroître leur influence auprès des services de soin (pour faire valoir leur plaidoyer évidemment --> je suppose que c'est ironique ? lol).

Tout à fait d'accord avec les difficultés que tu évoques. Et pour sûr, pas évident de faire entendre sa voix quand il y a de la monnaie sonnante et trébuchante en jeu à nouveau. Mais je crois en la capacité que nous avons par nos critiques, par nos propositions, par nos coups de gueule, par nos réseaux sociaux et professionnels... à gripper quelque peu un mécanisme qui paraît bien huilé. J'en ai déjà fait l'expérience. Et puis nous avons à proposer nos nouvelles organisations prototypiques à l'échelon local même si historiquement, on constate que les grosses structures cherchent à récupérer très vite - en les dénaturant bien sûr - les initiatives innovantes dont elles sont incapables du fait de leur lourdeur et de leur sclérose

barebackette wrote:

Ce nouveau contexte présente certains écueils pour mettre sur pied de tels projets (...) Et comme dans ce pays on ne prête qu'aux riches (...)

Faire émerger de nouveaux modes d'organisation du type de ceux que tu proposes, implique donc à la fois un gros travail d'élaboration préalable mais également une critique en règle des critères retenus pour ce qui se mettra en place. Il faut exiger une reconnaissance institutionnelle du savoir des malades sur leur maladie, interroger la place des malades dans les structures candidates et dans l'élaboration des projets mis en place, enfin exiger que des modèles alternatifs fondés sur l'autosupport soient soutenus et expérimentés.

Evidemment, je partage ton analyse d'autant plus que cadre fonctionnaire (lol), je connais bien les mécanismes que tu décris puisque j'y suis confronté d'un point de vue professionnel, connaissance qui m'est d'ailleurs très utile pour assurer une grande qualité à ma prise en charge (lol) . Et j'en reviens à ce que j'ai écrit juste avant, plus haut.

barebackette wrote:

De fait, une grande part de notre prise en charge ne pourra plus être assurée par des médecins. Par la force des choses, cela risque d'impliquer une évolution la nature des intervenants dans le soin.(...)
On peut tout à fait imaginer des modèles de prise en charge fondés sur l'autosupport comme alternative.

Comment imagines-tu déjà ces "modèles de prise en charge". Que penses-tu des centres de santé dont on parle beaucoup actuellement ?

Portrait de barebackette

Pour ce qui concerne les centres de santé, on n'est guère pour le moment sortis du modèle médical classique. Si certains avancent l'idée de centres de santé communautaires, les freins en France sont particulièrement importants face au dogme universaliste qui empêche souvent de considérer ne serait-ce que la nécessité d'une offre spécifique et ciblée.


C'est une grosse galère que d'obtenir des financements pour de tels centres ou de trouver la forme institutionnelle adaptée. Les péripéties concernant la création du 190 sont assez éclairantes sur ce point. Mais par le passé, on a aussi l'exemple d'un centre de santé comme le Moulin-Joly. Le problème réside particulièrement dans la dichotomie soin/prévention qui n'est toujours pas résolue.


Émarger sur des financements sécus implique souvent la houlette d'un médecin. Seuls les médecins sont habilités à prescrire (on est dans une logique d'acte curatif). Il n'y a pas vraiment de définition pour les actes préventifs.


De telles structures sont souvent lourdes et coûteuses à gérer. Dès lors, la place des "usagers" ou leur participation à l'élaboration même du projet et de l'activité de soin et de prévention n'est jamais considérée ou au coeur même du projet.


Aides a un projet de centres de santé sexuelle conçus sur un modèle assez proche des CARUD qui aurait l'avantage pour l'organisation de lui permettre de financer son intervention dans ce domaine sur le PLFSS plutôt que sur les crédits DGS. Par ailleurs, Bachelot évoque en ce moment la transformation des CDAG/CIDIST en centres de santé sexuelle.

 

Ces projets sont plutôt liés à la santé sexuelle, à la prévention et à la prise en charge des IST. Dans cette logique le 190 a considéré que les séropos faisant partie de la cible et propose donc aussi une prise en charge VIH. Je n'ai pas vraiment de connaissance de projets qui soient plus directement liés à la stricte prise en charge des séropos et qui incluent également la défense de nos droits et l'autosupport.

 

Portrait de nathan

barebackette wrote:

Si certains avancent l'idée de centres de santé communautaires, les freins en France sont particulièrement importants face au dogme universaliste qui empêche souvent de considérer ne serait-ce que la nécessité d'une offre spécifique et ciblée.

 

C'est vrai aussi que l'époque trouble actuelle où les risques de dérives communautaristes se multiplient exige aussi une certaine prudence compréhensible qui peut se traduire par un raidissement temporaire des principes républicains.

 

barebackette wrote:

la dichotomie soin/prévention (...)n'est toujours pas résolue.

 

J'ai le sentiment qu'il y a une trop grande confusion entre la prévention en direction des personnes déjà contaminées et celles qui ne le sont pas ou l'ignorent. Ce sont deux choses différentes pour moi. Dans le premier cas, la "prévention" est un élément constitutif du continuer à vivre avec en bonne santé relative : c'est une dimension des soins et de la prise en charge. Elle s'inscrit dans la santé ou prévention positive (concept qui n'a eu d'ailleurs que peu de succès à Vienne, faute de plaidoyer). Les messages et les actions ne  peuvent pas être les mêmes dans le premier et le second cas.

 

barebackette wrote:

Ces projets sont plutôt liés à la santé sexuelle, à la prévention et à la prise en charge des IST. Dans cette logique le 190 a considéré que les séropos faisant partie de la cible et propose donc aussi une prise en charge VIH. Je n'ai pas vraiment de connaissance de projets qui soient plus directement liés à la stricte prise en charge des séropos et qui incluent également la défense de nos droits et l'autosupport.

 

 

J'en déduis donc que le 190 est un modèle auquel tu penses à condition qu'il soit davantage orienté sur la santé positive et que les séropos soient davantage associés à son élaboration et à sa gestion ensuite et qu'y soit aussi adjointe la dimension des droits sociaux au sens large ? 

 

Portrait de barebackette

En fait pas vraiment, je voulais plutôt souligner que les modèles actuels de centre de santé étaient plutôt organisés autour du soin et du médecin. Mais bon pourquoi pas, on pourrait être "les patrons" de nos centres de santé et employer nos médecins :)

C'était plutôt pour rebondir sur ton idée de centre de santé en suggérant qu'il fallait encore totalement inventer un modèle. 

Portrait de nathan

Un journaliste du Journal du Sida prépare un article prochainement sur notre rapport aux associations :

http://www.seronet.info/billet_forum/les-associations-de-lutte-contre-le...

Il n'aura ni  à aller en Mauritanie ni en Afghanistan pour mener son investigatiion. Je lui ai notamment communiqué le lien de ce blog, et d'autres encore, récents.

Portrait de tofo

Penses-tu que personne n'a vu ce sujet ?

Si tu souhaites guider le peuple, il y a d'autres vocations possibles. 

Les outils de modération permettent d'éviter le flood inutile qui encombre les sujets, nous pouvons les utiliser avec moins de parcimonie. 

Portrait de nathan

c'est un blog ici et pas un forum ? Qu'est-ce que le flood et quel rapport avec ce billet de blog ?

Et encore un procès d'intention récurrent :

"Si tu souhaites guider le peuple, il y a d'autres vocations possibles. "

Et une menace en prime.

Est-ce ta seule manière de communiquer ?

Portrait de julian2

Bonjour à toutes et tous, 

Nathan sait bien évidemment que ce sujet a déjà été lu. Etait-il possible d'imaginer le contraire? Bien sûr que non! "Penses-tu que personne n'a vu ce sujet?" n'est donc rien d'autre qu'une question rhétorique, une manœuvre "oratoire", pareillement à tout ce qui suit cette question, dans le dernier commentaire de Tofo.

Pourquoi attaquer Nathan de la sorte, de nouveau? Pourquoi faire des insinuations douteuses quant à ses motivations? Pourquoi le menacer ouvertement de modérer ses propos qui, en l'occurence et a fortiori sur son blog, sont parfaitement conformes aux principes énoncés dans la Charte de SERONET?

Nathan, je pense en effet que tu poses des questions et défends des positions dérangeantes (par exemple au sujet de l'aide à domicile); or ce ne peut être qu'une bonne chose pour chacun(e) d'entre nous, mais aussi pour les structures concernées. N'est-ce pas une source potentielle d'enrichissement, tant individuellement que sur le plan collectif? Et au passage, AIDeS ne se dit-elle pas constituer notamment un laboratoire d'idées, un espace privilégié de débat contradictoire et d'élaboration collective?

Pour finir, Nathan et vous toutes et tous, qui lirez ce commentaire, de quoi avez-vous concrètement besoin pour améliorer ou préserver votre état de santé et vos conditions de vie? Quel(s) combat(s) estimez-vous nécessaire de mener, dans ce sens? Avez-vous le désir de vous mobiliser personnellement et collectivement autour de ces questions, si vous vous en sentez capables? Une (nouvelle) association de personnes séropositives doit-elle voir le jour?

Bises, bonne journée!

JU 

Portrait de julian2

Pour apporter votre réponse à ces questions, sans encombrer le blog de Nathan, c'est ici: http://www.seronet.info/billet_forum/observatoire-plaidoyer-mobilisation-communautaire-d-accord-mais-concretement-29373... ;)

JU 

Portrait de nathan

julian2 wrote:

Une (nouvelle) association de personnes séropositives doit-elle voir le jour?

 

En réalité, nul n'est besoin de créer d'autres associations dans un premier temps car le droit d'association est un pilier de notre République. Si tu pensais à la déclaration en Péfecture, celle-ci est tout à fait facultative. A partir du moment où deux personnes se rencontrent, il s'agit de fait d'une association et cette association est un droit fondamental. Sous l'Ancien Régime, un édit interdisait les réunions de plus de trois personnes dans un lieu public.

La déclaration à la Préfecture est judicieuse dès le moment où, par exemple, il y a des flux d'argent dans un groupe car, dans ce cas, l'administration fiscale peut requérir la désignation de personnes physiques responsables au-delà de la simple responsabilité morale. Et la déclaration en préfecture permet d'éclaircr un peu les choses sans cependant dédouaner quiconque appartenant à cette association de fait.

Plus haut dans le fil, lors du débat très intéressant et fort de propositions que Barebackette et moi avons eu, j'ai notamment déclaré ceci  :

"(Mon plaidoyer) je le fais moi-même en petit comité de séropos ou d'autres personnes concernées par ça ou autre chose, sans subvention et avec beaucoup d'efficacité. C'est peut-être ça la solution face au désengagement : la mutualisation au sein de petites communautés, de micro réseaux sociaux, de compétences de séropos et d'autres personnes atteintes d'autres pathologies... De toute façon, on sait qu'au-delà d'un certain nombre (50, 100, 150 ?), un réseau social (et donc une association)devient improductif et coûteux."

Ce n'est donc peut-être pas une association qu'il faudrait mais une diversification et une multiplication des initiatives en fonction des conditions locales ou régionales où se manifestent les problématiques (car les inégalités territoriales sont un fait) grâce auxquelles les séropos reprendraient en main leur destin. Je t'invite d'ailleurs  à revoir les points de vue très intéressants de Barebackette ci-dessus. Car quels que soient les bienfaits de l'action des séronégatifs qui dominent désormais dans les associations  et malgré toute leur bonne volonté et parfois leur engagement personnel aux côtés d'un séropo, jamais cela ne pourra être plus signifiant que le fait de vivre le sida dans sa chair, et cela est valable selon moi pour toute autre pathologie invalidante ou pour toute autre problématique à cette hauteur de gravité. D'ailleurs, toi-même, Ju, à propos d'une autre problématique existentielle qui te concerne et que tu évoques sur un forum, tu dis toute la difficulté que tu rencontres non seulement à exprimer cela mais aussi à être écouté sans même penser pour l'instant à te faire entendre.

Voilà pour l'instant, mon point de vue provisoire et très lacunaire par rapport à ton popos ci-dessus. Comme tu l'as très bien compris, ce blog est ouvert au débat.

Qu'il se poursuive...