Au pays d'Hadès

Publié par amdg le 24.08.2010
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Cela fait longtemps que je ne suis pas venu alimenter ce blog. Alors, quoi de neuf depuis?

Je ne suis pas retourné dans ma famille depuis mon coup de téléphone avec mon père. Ma mère m'a appelé 2 semaines après, pour me dire qu'il pleure toutes les nuits dans son lit en se disant qu'il a perdu un fils. Finalement, je me dis qu'il ne l'a pas si bien pris que cela. Je décide de l'appeler pour avoir des nouvelles. Dans ma tête, j'avais qu'une envie, lui dire "Je ne suis pas mort, je suis vivant. Tu ne m'as pas perdu."

Dans mon couple, séparé par la distance (700 km aller), c'est de plus en plus difficile. Je suis las de faire des kilomètres pour un homme (et pas un jeunot) qui m'aime mais qui vit sa sexualité en dehors de sa vie. Il est clair qu'avec lui, je ne serai jamais officiel. Je ne serai aux yeux des autres qu'un ami qui est de la même association que lui.

 Au réveillon, on devait passer la soirée ensemble. Puis finalement, sa mère a appelé pour lui demander de passer le réveillon en famille. il a accepté alors j'avais plus qu'à me trouver quoi faire pour fêter la nouvelle année. 

On ne s'est pas revu depuis. Je me suis mis à fréquenter de plus en plus les sites de rencontres allant des sites cul-bénis aux sites extrèmes. Puis de rencontre en rencontre, j'ai étoffé mon répertoire baise.

Je sors de plus en plus aussi dans le milieu, enfin les 5 bars et la discothèque  gay de ma petite ville où j'ai une réputation d'intouchable car je ne baise pas quand je sors, je m'amuse. Mon compagnon pendant ces virées? Une bouteille qui s'appelle Rhum. Par un verre de trop, je me retrouve ramené par un ami ( canon et belle bête entre les cuisses) chez lui, parce qu'incapable de retourner chez moi. Il me couche dans son lit, me déshabille pour mon confort. Mais quand je suis bourré, j'ai envie de sexe. Ce qui arriva arriva. Je me suis fait baiser sans être vraiment conscient de ce que je fais. Mais un truc clochait ce matin là, j'ai le cul qui colle. Panique à bord, j'oublie mon état encore très alcoolisé et me suis mis à fouiller la chambre et ses poubelles. J'ai baisé sans capote. Je le réveille sans ménagement et lui demande à lui qui n'a quasiment rien bu. "Bah t'as ondulé ton cul en me disant d'y aller alors je croyais que toi aussi tu baisais bareback". Très embêtés tous les deux, j'avais peur de lui dire et pourtant il va falloir. Dans un embarras palpable, il me dit d'aller aux urgences pour un traitement d'urgence car il est séropo. Soulagement... je lui dis que moi aussi. Enfin soulagement, sur le coup. Et si j'avais attrapé une ITSS ou pire, me suis-je fait surcontaminé? 

Peur, angoisse, panique: mon virus n'a pas de mutation et n'est résistant à aucun traitement, charge virale à 3,2 log et CD4 à 525. Que va-t-il se passer maintenant?

Je me suis senti humilié, déshonoré, sali, trahi. Je ne suis plus rien à présent. Je suis parti aux toilettes comme pour essayer d'enlever ce liquide de mort. Du sang coule de mes entrailles pour colorier l'eau de la cuvette. Je passe sous la douche en essayant de me nettoyer. Je pleure, je me hais.

Le soir même, sur un site, un jeune de 25 ans me propose 250 euros pour que je le baise. J'ai besoin d'argent et c'est tentant 250 euros quand on a un trou de 1000. Oui, sortir du jeudi au dimanche, cela a un coût. et un jeune mec très mignon en plus. Rendez vous est pris pour le prochain week-end. Beau gosse, très bon feeling, de bonne famille, riche, un mec qui se dit discret. Après une heure à parler de tout et de rien, à boire, on s'étreint, et on passe la vitesse supérieure. Soudain, il me dit: 500 si tu me prends à sec. Je m'arrête, mon excitation retombe. Mais cet argent, j'en ai besoin. Je lui dis alors que je suis séropo. "Encore mieux, moi aussi". les ébats reprennent. A la fin, il me propose de revenir la semaine prochaine. En sortant, je ne voyais que la facilité: 500 euros en 2h, un mec canon à baiser. Et seul dans mon lit, je pleure. Où j'en suis arrivé. Plus de respect pour mon corps. Je me dégoûte. Et la semaine d'après, j'ai recommencé. Cela pendant 6 mois.

Mais il n'était pas mon seul client, j'en avais trois de plus en fixes et des occasionnels.

Puis un jour (Février 2010), il y eut Yohann, à la base, c'était un plan cul. Mais on s'est plu au delà du sexe. Alors on est sorti ensemble et on a emménagé 3 semaines après. Et je sui encore avec l'autre mec à 700 bornes que je penses aimer aussi. Je continuais mes plans rémunérés et Yohann était au courant. Avec lui aussi, on baise à sec. Mais contrairement aux autres, je prends réellement mon pied et je n'ai plus de culpabilité. Je me sens aimé. 

Avril 2010, dans le cadre de mes études, je finis un mémoire sur "Pouvoir dire ce qu'on vit, c'est avoir le droit d'être et de grandir". Mais mon implication dans cet ouvrage me met à mal. Je n'arrive plus à dormir, je n'ai plus faim, quand j'arrive à fermer l'oeil, je rêve de virus, de mort... Un soir, prétextant aller prendre l'air, j'ai visité les ponts de ma ville pour voir où il serait plus simple de sauter et où il est peu probable de se rater car je ne me sentais plus digne de vivre. J'avais trop vu ce que j'ai fait: 2 hommes qui m'aiment, une famille formidable. Je ne les mérite pas. Je ne suis plus digne de vivre

En rentrant chez moi, j'ai écrit à chaque membre de ma famille, à Nicolas, l'homme à 700 bornes, et à Yohann pour expliquer mon futur geste. 

Mais le lendemain, Yohann m'annonce "J'ai des lésions à l'anus, on va aller voir le médecin maintenant". Dans la salle d'attente de ce médecin qui prend sans rendez-vous, il me tient fort la main et me dit que tout se passera bien. Je me mets à pleurer devant tous ces gens incrédules. Puis vient la consultation. Le médecin nous connaît (on a le même) et nous annonce qu'il a des condylomes mais pas moi.

Je demande à voir le médecin seul. Je lui raconte mon état actuel. Ni une ni deux, il prend rendez-vous avec le psychiatre du réseau VIH qui me recevra dans une semaine. En attendant, il m'obtient un rendez-vous pour le lendemain avec une psychologue. Yohann n'en sait rien, je ne lui ai rien dit. En sortant du cabinet, je lui dit MERCI mais bien sûr, il ne savait pas pourquoi. Il venait de me sauver la vie.

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Portrait de amdg

Le diagnostic fut précis: Dépression avec risque suicidaire élevé. Le psychiatre m'arrête tout de suite. C'est foutu pour mon diplôme. Mais son plus grand mal était de me prescrire des antidépresseurs et des somnifères. La peur de me pousser à les utiliser pour en finir. J'ai arrêté de faire la pute, de sortir trop souvent, l'alcool. Mes finances ont dégringolées (j'ai initié pas mal d'achats quand je me faisais plus de 3000 par mois en quelques coups de bites).

Je n'ai plus donné signe de vie à Nicolas qui jusqu'à aujourd'hui cherche à me joindre.

Yohann et moi ne sommes plus ensemble mais on vit dans le même appartement. Lui dans la chambre, moi sur mon canapé. Quand on s'est séparé, on dormait encore ensemble sans baiser. Mais je n'en pouvais plus, la nuit je le regardais et je n'avais qu'une evie, me blottir contre lui. Alors j'ai décidé de dormir ailleurs. 2 mois aujourd'hui que je n'ai pas baisé et ça ne me manque pas. Au grand regret de mes plans réguliers. Mais pour moi, c'est le temps nécessaire pour sortir du royaume des morts pour retourner chez les vivants.

Mes bilans ne sont que meilleurs: 765 CD4, charge virale à 4,3 log (remonté) et aucune ITSS. Je me dis aujourd'hui qu'on m'a donné la chance de vivre, qu'on m'a sauvé des abîmes et qu'on ne m'a pas sanctionné pour mes coups de bites non couverts alors je prends cette nouvelle chance de vivre pour aller de l'avant dans le respect total de mon être.

 

Que ce post noir soit l'exception de ce blog...