La taxe Robin des Bois… pour les nuls !

Publié par jfl-seronet le 26.02.2011
3 733 lectures
Notez l'article : 
0
 
taxe robin des bois
En 2011, on devrait entendre encore plus parler de la taxe Robin des Bois, une taxe sur les transactions financières pour financer le développement, la lutte contre les grandes épidémies (le VIH…), le renforcement de l’accès à l’éducation et les réponses aux urgences climatiques. Oxfam France, AIDES, la Coalition PLUS et Attac ont lancé (17 février) une campagne en faveur de l’instauration de cette taxe. Seronet fait le point sur cette taxe.
Tas___norme_de_dollars.jpg

Pourquoi créer une telle taxe ?
Les Etats ont de moins en moins d’argent à accorder à l’aide publique au développement et, par voie de conséquence, à la santé. Annonces mensongères ou inadaptées aux enjeux, promesses non tenues… sont désormais le lot. Il faut se faire à l’évidence : aider les pays les plus pauvres n’est pas une priorité parmi les nations les plus riches. Du coup, des organisations non gouvernementales, dont plusieurs associations de lutte contre le sida, ont proposé la mise en place d’une nouvelle taxe pour pallier les manquements des gouvernements à tenir leurs engagements financiers dans différents domaines dont celui de la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme…

En quoi consiste cette taxe ?
Donnons-lui d’abord un nom. Techniquement, il s’agit d’une taxation des transactions financières (TTF). Symboliquement, militants et activistes l’appellent la taxe Robin des Bois : celui qui prend aux riches pour donner aux pauvres ! Cette taxe consiste en un prélèvement sur les transactions financières : l’achat ou la vente d’actions et d’obligations, l’achat et la vente de produits dérivés (contrats financiers complexes), l’achat et la vente de devises (les monnaies). Il s’agit tout simplement d’une taxe sur la spéculation.

Comment fonctionne cette taxe ?

Cette taxe (TTF) fonctionne de la même manière qu’une taxe foncière. Lorsqu’on achète une maison, on doit détenir un titre de propriété correspondant à cette maison. Dans chaque pays, les autorités assurent la tenue d’un registre des titres de propriété foncière : le cadastre. Il indique l’emplacement précis de la propriété et le nom de son propriétaire. C’est ce registre qui fait foi : si le registre dit que X est propriétaire, alors le droit reconnaît X comme propriétaire titulaire du bien. Cela permet que deux personnes ne puissent pas se retrouver propriétaires d’un même bien. Avec le cadastre, il ne peut y avoir qu’un seul propriétaire, et on peut toujours savoir qui est titulaire du bien. Les titres financiers obéissent aux mêmes règles : il existe un registre central des titres, qui liste à qui appartient chaque titre. Revenons à la taxe foncière. A l’heure actuelle, en France, lorsqu’on veut changer le nom du propriétaire d’un bien tel qu’inscrit au cadastre, on doit payer divers frais liés au coût technique de la procédure, mais aussi payer une taxe de 5 %, prélevée par le Trésor Public français. Le principe est le même ailleurs. Le changement de propriétaire n’est pas valide tant que cette taxe foncière n’a pas été payée : si on ne paye pas la taxe, on n’est pas propriétaire. Rien de tel quand les opérateurs financiers achètent un titre financier et demandent à changer le nom du propriétaire sur le registre des titres, on ne leur fait payer que le coût technique de la procédure sans leur demander la moindre taxe. La TTF ou taxe Robin des Bois se contente de mettre fin à ce déséquilibre.

Combien cette taxe rapporterait-elle ?

D’après les experts, et vu le montant colossal des transactions concernées, la TTF pourrait rapporter entre 200 et 300 milliards de dollars par an au niveau mondial. Une taxe similaire sur les obligations rapporterait environ autant. Par ailleurs, une taxe au taux dérisoire de 0,005 % sur les transactions de change entre banques rapporterait 40 milliards de dollars par an, selon le Groupe inter-gouvernemental sur les financements innovants du développement. Une taxe assez semblable existe déjà en Grande-Bretagne depuis 1986. Elle ne porte que sur les actions d’entreprises britanniques. Elle rapporte 4 milliards d’euros par an. Son taux est pourtant très faible : seulement 0,5%. Appliquée au niveau mondial (à toutes les actions, pas seulement les britanniques), elle rapporterait environ 100 milliards d’euros par an. Une taxe plus élevée sur les échanges de contrats dérivés (qui sont, par nature, plus spéculatifs que les actions, les obligations ou les changes) rapporterait environ 60 milliards de dollars par an.

Qui la paie ?
Les spéculateurs, c'est-à-dire les opérateurs financiers intervenant fréquemment sur les différents marchés. Dans une taxe sur les transactions, on paye d’autant plus de taxe qu’on procède à un grand nombre de transactions. Or, les acteurs financiers qui se livrent au plus grand nombre de transactions sont… les spéculateurs. CQFD ! Les spéculateurs sont ceux qui achètent un actif financier non pas pour sa valeur propre, mais simplement pour le revendre, très rapidement et engranger une plus-value. Aujourd’hui, une grande part des échanges financiers mondiaux correspond à des achats limités à quelques heures, voire quelques minutes. Tous ces achats résultent de la spéculation. Ils augmentent la volatilité des cours et les risques de faillite, comme la crise des subprimes, nous l’a bien montré. Les fonds de pension ou d’assurance-vie ne seraient pas concernés.

Qui collecte cette taxe ?
La collecte de cette taxe serait confiée à deux types d’acteurs du monde de la finance. D’une part, les registres nationaux de titres existant dans les différents pays (de la même manière que le registre national des actions britanniques collecte aujourd’hui la TTF britannique) et d’autre part les chambres de compensation centrales. Ces dernières garantissent le bon déroulement des opérations entre vendeurs et acheteurs. Elles ont été créées pour stabiliser les principaux marchés financiers.

Doit-on craindre une délocalisation des transactions ?
C’est un des arguments souvent avancés, mais il ne tient pas. La TTF que proposent les organisations non gouvernementales (ONG) est conçue de telle manière que l’endroit où se passe la transaction n’a aucun impact sur la taxe. Se délocaliser vers un pays sans TTF ne protègera personne de la TTF.  

Que financerait cette taxe ?
Les fonds ainsi récoltés alimenterait des structures comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Programme alimentaire mondial, la Fast-track initiative for education, le Fonds mondial pour l’environnement, etc. Pour les ONG, un traité international serait nécessaire pour sceller l’accord entre les pays précurseurs qui lanceraient la TTF les premiers : France, Allemagne, Japon, Espagne, Brésil, Afrique du Sud, Corée, Autriche, Belgique, Norvège, Equateur.  Il s’agit de pays dont les gouvernements se sont déclarés publiquement en faveur de la création de cette taxe sur les transactions financières.
Oxfam France, AIDES, la Coalition PLUS et Attac ont lancé une grande campagne Internet pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Il est possible de signer une pétition de soutien à cette taxe.

Commentaires

Portrait de cosmoss

Je trouve que l'article manque un peu d'arguments... Quant à la comparaison avec la tâxe foncière, pas très judicieuse : confère la table ronde organisée par la Commission des Finances du Sénat le 9 février dernier, dans le cadre de la réforme sur la fiscalité du patrimoine (avec les économistes suivants : Thomas Piketty, Christian Saint-Etienne, Hervé Lorenzi, David Thesmar), qui ouvrait bien plus de pistes sur la fiscalité en France et ne faisait pas dans le politiquement correct et la langue de bois. Et je trouve que Aides n'est pas forcément la mieux placée pour demander encore de l'argent : les grandes idées c'est bien joli, mais je trouve que s'occuper du quotidien des gens, et des séropositifs en particulier, même si pour certains c'est à terre à terre et pas médiatiquement valorisant, cela mérite de s'y arrêter. Je sais, c'est du social... Et il y a déjà assez d'usines à gaz.