La jouissance, si je veux

Publié par Ferdy le 02.03.2011
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Existe-t-il une différence fondamentale entre faire l'amour et baiser ? J'ai fini par croire que, dans le premier cas, l'acte sexuel répond à un prolongement d'un vague sentiment réciproque, tandis que dans le second, il peut s'agir d'un désir tout aussi réciproque, débarrassé de tous ses oripeaux affectifs.

Leur intensité étant difficilement quantifiable, il demeure cependant certain qu'ils répondent tous deux à la même nécessité : éprouver le contact de l'autre, le savourer, assouvir un désir comme pour mieux s'en féliciter.

Il n'existe pas d'antonymie apparente entre tirer un coup et tomber amoureux, cela peut s'effectuer soit dans le même temps et selon des degrés variés, soit indépendamment.

Ce qui m'embarrasse aujourd'hui, c'est cette constante injonction à la jouissance qui apparaît dans les lieux communs de notre développement, comme s'il s'agissait là d'un droit, d'un devoir ou d'un dû.

L'épanouissement personnel supposerait un orgasme régulier afin de satisfaire, au moins partiellement, aux multiples obligations qui régissent nos conditions d'accès à un plaisir préfabriqué. S'y soustraire, ou ne pas y pourvoir régulièrement, ferait de nous, hommes et femmes confondus, des êtres handicapés, frustrés, inassouvis.

La sexualité devrait ainsi, selon de nombreuses études scientifiques récentes, être abordée comme un acte consumériste comme un autre, une pratique sportive bénéfique tant sur le plan cardio-vasculaire que sur celui, plus intime, d'une performance libidinale à l'issue de laquelle l'individu sortirait grandi.

Je couche par nécessité, mais je pose tout d'abord mes conditions : fais-moi jouir, nous verrons bien après.

Cet impératif, assez largement répandu chez les gays notamment, conduit souvent à un certain malaise. Au final, la solitude y est douloureusement perçue, la drague ne faisant se rencontrer que des illusions perdues.

La consommation superficielle, le stress sexuel, la pression exercée autour de cet impératif d'une satisfaction immédiate cantonne et standardise le plaisir que nous croyions avoir libéré.

Je ne vais pas jouer aux puritains, ni aux vertueux, je souhaiterais seulement qu'il soit par ailleurs admis que le sexe ne soit pas assujetti, comme tout le reste, à un mode de contrainte sournois et arbitraire dans notre rapport au plaisir. Cette nouvelle petite tyrannie des temps modernes, avec son lot de stéréotypes, agit dans la sphère intime avec d'autant plus de force qu'elle annihile le temps, la patience et l'extase, pour nous contraindre à une jouissance immédiate.

Je crois que nous n'aurions pas beaucoup gagné à privilégier une seule voie d'accès à notre développement, si nous devions négliger toutes celles qui participent à notre possible bonheur.

Commentaires

Portrait de romainparis

et même si cela me pousse à la frustration, je la préfère à la médiocrité sexuelle qu'est l'illusion d'exister en étant un produit de consommation. Beaucoup de mecs sont de piêtres amants et tant qu'ils sont dans la quantité, ils passent inapercus.
Portrait de serosud

...pour moi, c'est si je peux

La différence entre fort aimer et forniquer, c'est un état d'esprit privilégiant la communion avec l'autre, plutôt que la posséssion de l'autre via le "jouir ou faire jouir à tout prix" comme sur un ring.

La société de consommation cleanex s'oriente sur le "jouir toujours plus", illusion d'un bonheur incertain portant son lot de frustration-victimes et hors-games.

Je crois qu'il n'est de plus grand bonheur que de pouvoir s'abandonner à l'amour.

Bises.. 

Portrait de jean-rene

Pour moi, ce qui est important, c'est l'hommage rendu à la création à travers mes caresses d'un corps ou celles qui sont accordées au mien.
Faire l'amour, c'est d'abord cela. Ca peut durer très longtemps, aussi longtemps qu'une symphonie. L'Absolu qui est en moi, se mêle alors à l'Absolu de l'autre.


L'autosexualité, qui est, je l'accorde, un pis-aller, peut se vivre aussi comme un hommage rendu à la création et durer presqu'aussi longtemps qu'une relation sexuelle.

Lorsqu'au milieu de cette symphonie, apparaît le désir d'orgasme, il est aussi possible de jouer avec comme la souris avec le chat, sachant que la souris finira toujours par se faire croquer.

Cet instant fatal pendant lequel  les notions de temps, d'espace, et toute volonté disparaissent, je le considère comme un moment unique de contact avec l'Absolu, que tous les moments extatiques de l'existence : l'audition d'une musique, la contemplation de la nature ou d'un tableau, ne font que paraphraser.
Ces paraphrases sont les fleurs parsemées le long du chemin de notre vie et rendent hommage à l'orgasme tout comme des demoiselles d'honneur portant la traîne d'une mariée.

Portrait de eris

 Personnellement, je ne crois pas qu'il faille opposer le fait de baiser et de faire l'amour.

Quand on y regarde de plus près, baiser, c'est faire l'amour, et vice versa !

Après, c'est une question de mots, de sensations personnelles.

Même si on peut croire qu'aujourd'hui, notre société nous pousse plus à l'exploit qu'avant, je crois qu'il est aussi bon justement dans un couple, quel qu'il soit, de savoir baiser.

Faire l'amour peut faire croire à une sorte de correction morale, qui peut nuire gravement au couple, privé de ses fantasmes les plus fous.

Il faut savoir banaliser les mots, pour vivre les sensations les plus fortes, sans auto- jugement  et auto-censure.

Un couple qui sait communiquer et qui lève ses tabous sera pleinement heureux de ce côté là ( ça empêche aussi d'aller voir ailleurs comme souvent...)

Et celà sans tomber dans les travers de l'anarchie sexuelle présente.

Le problème se pose plus lorsqu'on est célibataire, où le jeu de la séduction passe aujourd'hui par savoir se donner du plaisir et en donner à l'autre de manière exagérée parfois.

Il faut "juste" connaître ses limites et savoir les poser, ne pas se laisser influencer ( pas trop du moins...)

Pour moi, savoir bien faire l'amour, c'est aussi savoir bien baiser !

C'est aussi une forme de respect envers soi-même et envers l'autre Clin d'oeil

« Le but est le chemin lui-même » Soyons nous-mêmes, en toute circonstance.

Portrait de jean-rene

Je suis tout à fait d'accord avec Eris. Il n'y a pas de frontière en "faire l'amour" et "baiser".
Lorsque l'un des deux partenaires est tenaillé par le besoin sexuel et que l'autre le fait jouir, n'est-ce pas donner de l'amour et donc "faire l'amour", et ce, quel que soit l'endroit où cela se passe : dans la chambre à coucher d'un couple établi comme dans un lieu de consommation sexuelle anonyme ?

Portrait de serosud

...je t'aime !

mais juste pour l'hygiène et m'alléger l'éccoeurt