"Un supplément d'âme"

Publié par Valérie le 30.05.2008
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J'ai 42 ans. Je suis mariée, maman de trois adorables filles, dont Tiffany, et mamie d'un petit fils. Je suis séropositive depuis 20 ans. Je suis aussi touchée par le VHC.

J'ai appris en 1988 au détour d'un couloir d'hôpital que mon espérance de vie venait de se réduire à une peau de chagrin. Je me suis forgée une carapace. Cette carapace, c'était le déni : ne pas admettre, ne pas vouloir être malade, surtout ne pas prendre ces tonnes de cachets qui n'auraient que prolonger de peu ce qui s'annonçait comme une lente agonie. Alors, en dépit de tout bon sens, j'ai eu un enfant. C'était en 1992. Ce fut peut-être le moment le plus noir de ma vie. Et quand j'ai su (au bout d'une année) que Tiffany, ma fille, était séronégative, cela a été le plus grand soulagement de ma vie.


En 1998, j'ai perdu mon compagnon, le père de Tiffany. Il est mort dans la souffrance, à 36 ans, victime d'une maladie opportuniste. C'est dans cette épreuve que j'ai réellement pris conscience que je n'étais pas immortelle. La mort était à mes côtés, elle me frôlait. Est-ce que j'allais faire de ma fille une orpheline de père et de mère ? J'ai donc décidé de prendre une trithérapie. Pour moi, c'est là qu'a commencé le vrai chemin vers le devenir, le vivre avec le VIH, voire le vieillir avec le VIH.

C'est le quotidien qu'il faut assurer et assumer. Faire taire ces douleurs qui vous tordent les boyaux, ces insomnies qui vous laissent au matin plus fatiguée que la veille ; parce que vous êtes la femme de… la mère de… et que pour eux vous ne voulez pas flancher. Et puis, il y a votre petite fille qui, du haut de ses cinq ans, vous demande : “Dis maman, t'as pris tes cachets aujourd'hui ?” et qui vous surveille discrètement pour s'en assurer. Elle qui veut être sûre que sa maman ne rejoindra pas son papa au ciel des papas malades. Alors vous la maman, vaillante et courageuse, vous trouvez un petit recoin de la maison pour vider ce chagrin qui vous ronge, pour faire jaillir ces larmes que vous leur cachez. Et chaque jour, cela recommence. Et puis, un matin, sans savoir vraiment pourquoi ni comment, votre quotidien ne vous pèse plus. Vous traversez votre vie avec des hauts et des bas ; de la peur, mais aussi du bonheur.

 

C'est à ce moment là que j'ai compris que ma vie était pleine d'amour. J'ai eu ma troisième fille en 2000. Mon mari me soutient et m'épaule. Je suis enfin en paix avec mon virus. J'ai accepté cette cohabitation. Je pense que même si je n'ai pas gagné la guerre avec ce virus, j'ai, néanmoins, remporté de nombreuses batailles. Je ne voulais pas terminer sans vous avoir dit que grâce à cette maladie, je dis bien grâce, je me retrouve devant vous aujourd'hui. Je partage avec vous et vous partagez avec moi. Je pense sincèrement qu'être devenue séropositive m'a donné, quelque part, un supplément d'âme. Je ne sais pas, si je n'avais pas été malade, si j'aurai eu autant confiance en l'être humain. Je suis, moi aussi, humaine avec mes qualités et mes défauts.

 

Cette humanité, c'est en fréquentant AIDES et tous ses acteurs, qu'elle s'est révélée. Je suis sûre d'une chose aujourd'hui, c'est qu'elle ne me quittera qu'au moment où je rejoindrais l'au-delà.
Valérie

 

Crédit photo :

Photo : Laurent Vincent - CretinLe témoignage de Valérie a été présenté lors des Universités des personnes en traitement (rassemblement de personnes séropositives) organisés à Saint-Dié des Vosges en octobre 2007 par la délégation régionale Grand Est de AIDES.

 

Commentaires

Portrait de Kaaphar

waouh...

"supplément d'âme" ! je ne sais pas, mais une relativisation, une mise en perspective de la vie, de la mort... sûrement !

Les enfants c'est la continuité de soi - l'antidote à la mort !

Quand j'ai appris mes séroposivités (Valérie n'évoque QUE son vih) j'ai eu cette phrase : "qu'on me laisse le temps d'amener mon fils à l'âge d'homme" ; sais pas très bien qui est "on", mais je crois avoir rempli mon contrat...

<i>C'est à ce moment là que j'ai compris que ma vie était pleine d'amour</i>

 

kaaphar