Des ARV 4 jours sur 7 : des hypothèses biologiques à confirmer
Prendre ses antirétroviraux quatre jours sur sept, avec la même efficacité ? Si l’idée de Jacques Leibowtich est belle, l’essai Iccarre devra être irréprochable sur le plan scientifique et éthique. D'abord, pour s'assurer que la stratégie est sûre. Ensuite pour identifier pourquoi elle fonctionne chez certaines personnes et pas chez d’autres. Avec sa verve habituelle, le Dr Jacques Leibowitch détaille les critères objectifs qu’il faudra évaluer.

Traitement "de suite"
La possibilité des traitements quatre jours sur sept d’Iccarre, Jacques Leibowitch l’entrevoit par le distingo, de plus en plus accepté, entre le traitement d’attaque et le traitement de suite. En clair, si les trithérapies sont indispensables au début du traitement, quand il faut écraser la folle réplication du VIH, par la suite, lorsque la charge virale est déjà contrôlée depuis plusieurs mois et que le virus est indétectable, peut-être serait-il possible de l’alléger. Plusieurs stratégies ont été évaluées (par exemple, des monothérapies par anti-protéase boostée, mais le nombre de comprimés, le booster Norvir compris, et les effets indésirables de ces molécules limitent leur intérêt). L’intermittence telle que la conçoit Jacques Leibowitch est toute autre.
Identifier des critères objectifs
Sa proposition, il la fonde, précisément, par le fait que "la réplication du virus ne recommence pas immédiatement chez les personnes dont le virus est contrôlé depuis au moins six mois. Il y a une latence qu’on ne connait pas bien, entre 7 et 21 jours, ça dépend de plein de facteurs dont on ignore presque tout". Jacques Leibowitch voudrait déterminer ce qui fait que la stratégie Iccarre marche chez certaines personnes et pas chez d’autres. "Il y a des hypothèses raisonnables, on voudrait définir des critères objectifs pour savoir si on peut passer à quatre jours et dans certains cas à trois. Des critères plus pertinents que la seule durée de traitement".
Revue de détail
Pas de résistances antérieures
De l’observation de ses 48 patients de l’hôpital de Garches, le médecin sait déjà qu’"il faut que le virus ne présente pas de résistances, pas d’échec de traitements antérieurs. Sinon, le risque que le virus échappe est trop grand".
"Désactivation lymphocytaire"
Pour lui, un des critères importants, c’est d’étudier la "désactivation lymphocytaire", ce qu’il va faire avec le professeur d’immunologie Brigitte Autran (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris) et Dominique Mathez, un membre de son équipe, sur un sous-groupe de participants à l’essai. En 1997, il avait publié avec Brigitte Autran, dans la prestigieuses revue "Science", que les CD4 activés passent de 40% en moyenne chez une personne au stade sida… à près de 4% après 12 semaines de traitement antirétroviral. "C’est l’activation cellulaire qui fait le lit de la réplication du virus. Presque personne n’en parle, mais c’est vieux comme l’histoire du VIH".
Inflammation
Plus généralement, pour Jacques Leibowitch, l’inflammation "est un vrai sujet". L’équipe réfléchit aux marqueurs biologiques d'inflammation les plus pertinents. On suspecte, en effet, que l’inflammation est une cause importante de complications métaboliques (cancers, risques cardio-vasculaires…) et il serait utile de savoir si la stratégie Iccarre l’accroit ou pas (une pression antirétrovirale moins importante sur le VIH pourrait déclencher des mécanismes pro-inflammatoires). L'équipe va d’ailleurs mener une étude rétrospective chez les patients de Garches qui sont déjà dans un régime discontinu de traitement, afin d'évaluer l'impact sur l'activation et l'inflammation. Quoi qu’il en soit, il faudra mettre en balance ces résultats avec l’épargne de toxicité des antirétroviraux.
Réservoirs
A la demande de l’AC5, l’instance d’évaluation scientifique des essais de l’ANRS, Jacques Leibowitch a aussi accepté le principe d’une sous-étude, qui pourrait être dirigée par Christine Rouzioux (professeur de virologie à l’Hôpital Necker Enfants-malades à Paris) et Brigitte Autran encore, sur les réservoirs, ces cellules où le VIH est à l’état dormant. Objectif double : déterminer s’il s’agit d’un facteur pronostic de l’efficacité de la stratégie Iccarre, et s'assurer que la stratégie n’augmente pas leur taille. Une dernière question que le clinicien estime cependant sans importance : "Il faudrait d’abord qu’il soit démontré que la taille des réservoirs a des conséquences cliniques sur l’infection !".
Traitement comme prévention
Et la charge virale ? Reste-t-elle indétectable le temps de l’interruption de traitement, alors qu’on sait maintenant son rôle crucial dans les risques de transmission ? "Ça, c’est fondamental. Dans nos observations pilotes, la charge virale n’était jamais remontée à la fin de l’interruption, qui est trop courte pour cela. Mais on va le vérifier, avec aussi une sous étude qui vérifiera l’absence de VIH dans le sperme".
Pas avec toutes les molécules
Pour avoir des réponses fiables d’un point de vue scientifique, le nombre de trithérapies évaluées dans Iccarre devra sans doute être limité. Le projet prévoit d’inclure 200 personnes, et une question majeure est de savoir si cela permettra d’avoir une puissance statistique suffisante pour chaque combinaison. "Inclure plus de personnes améliorerait la fiabilité des résultats, mais cela coûterait plus cher. Pour l’heure, je ne sais même pas si je vais pouvoir faire Iccarre avec 200 personnes". Le médecin avertit déjà : les protocoles Iccarre ne se feront pas avec toutes les molécules. Pas avec le raltégravir [Isentress], par exemple, "dont la barrière génétique est très faible et la demi-vie (temps d’élimination par l’organisme) trop courte".
Elevage de virus résistants
Et si le virus échappe, et qu’émergent des mutations de résistances ? Jacques Leibowitch balance encore : "Ah mais, mon cher Monsieur, je ne fais pas d’élevage de virus résistants, moi. Si la charge virale redevient détectable, je stoppe la molécule immédiatement, pour laisser repartir le virus sauvage, qui reprend le dessus. Une fois que la réplication a bien recommencé (attention, je leur dis qu’il faut remettre des capotes, hein !), je remets le traitement, avec d’autres molécules. Mais ça, attention, ce n’est possible qu’au tout début, quand on a 400 – 900 copies, pas 50 000 ! Et puis je change pour une nouvelle molécule ! C’est aussi simple que cela, mais il faut agir vite, ce qui implique un suivi rapproché de la charge virale". Des propos dont le médecin sait qu'ils ne font pas encore l’unanimité.
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Commentaires
Bravo Leibowitch !
Super Leibowitch !
les traitements
un peu un coté...
c'est vrai
c'est tout à fait vrai.
je connais 2 séropos sous traitements qui prennaient déjà 5 jours/7 en 2002...
Bien sur
Ah bon??
Ce n'est pas le cas de tous les toubibs, j'ai commencé mon traitement à ma demande alors que mon médecin de ville était contre! Et j'avais un cv entre 200 et 300.
Mon médecin de l'hosto ne désire qu'une chose c'est que je vive bien mon traitement et je ne pense pas qu'elle soit un cas unique?
oui mais c 'est du blabla
il ne faut pas
Même pas vrai...
Mes médecins hospitaliers (et en vingt ans j'en ai connu un certain nombre !) ont toujours écouté d'une oreille attentive mes souhaits, mes remarques sur les effets, et adapté en accord avec moi les traitements.
C'est ainsi que j'ai pu refuser l'AZT à haute dose au début des années 90, car j'allais bien à l'époque et que compte tenu des connaissances d'alors je en voyais pas l'intérêt de le prendre. Mon médecin l'a accepté sans difficulté (1991, hôpital de Valence).
J'ai commencé les tri-thérapies dès la sortie des anti-prothéases courant 95. La baisse de mon système immunitaire et mon état général faisaient que c'était le moment où jamais. J'en ai essayé plusieurs combinaisons, ce qui m'a permis de reprendre une vie quasi normale et de reprendre un emploi. Mais avec les effets secondaires de ces molécules, et sans jamais devenir indétectable dans les 5 ans qui ont suivi.
En 2000, cumulant les effets secondaires et toujours avec une CV détectable, et avec un génotype résistant à la quasi totalité des molécules de l'époque, j'ai demandé à mon infectiologue (hôpital de Nantes) une fenêtre thérapeutique sous surveillance rapprochée. Cet arrêt total de traitement qui a duré un an , accompagné d'un mi-temps thérapeutique pour me ménager, m'a permis d'attendre l'arrivée de nouveaux traitements. En 2001 j'ai repris avec une combinaison comprenant kaletra et zerit, qui a été efficace sur la CV en trois mois là où tous les autres traitements avaient échoué. Un généraliste n'aurait pas pu me proposer le kaletra alors en protocole hospitalier...
Un an après, devant les effets du zerit (amaigrissement inquiétant, douleurs dans les jambes...) j'ai demandé à mon médecin (hôpital de Poitiers) un changement qui a été aussitôt acté : remplacement du zérit par combivir, et traitement des effets secondaires précédent notemment par la kiné et des anti douleurs. J'ai gardé cette combinaison efficace pendant neuf ans.
En 2010 craignant les effets à long terme du combivir, nous avons décidé avec mon médecin de réduire le traitement, et je suis passé en monothérapie kaletra (hôpital de Bondy). Toujours efficace bien qu'utilisé seul.
Fin 2010, une osthéodensitométrie demandée par mon infectiologue a montré un début d'ostéopénie, due aux effets à long terme du kaletra. Mon infectiologue m'a proposé isentress en combinaison avec Viread, assortie d'une cure d'uvedose pour les os. Entre temps, il m'avait proposé le new fill pour combler mes joues creuses et ça parfaitement réussi. Aujourd'hui, il étudie un moyen pour réduire mes lypo dystrophies abdominales.
Ce parcours montre que les médecins hospitaliers peuvent être à l'écoute et être réactifs. Ils sont les mieux informés sur les avancées thérapeutiques. J'ai toujours demandé à ce que mes généralistes soient informés et cela est fait régulièrement, ce qui permet une prise en charge globale de ma santé.
Solidairement
François
PS : j'ajoute que mes changements de médecins sont dus à mon parcours professionnel et non à une quelconque mésentente avec eux
c'est possible
Les médocs : en ville
Désolé Fabro
Quelqu'un pour qui ça se pase bien