Alors, c’est comment un 1er décembre ?

Publié par Mathieu Brancourt le 05.12.2011
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manifestation1er décembre 2011
La Journée mondiale de lutte contre le sida est le moment phare d’une année militante. Avant l’échéance présidentielle de 2012, les revendications des activistes de la lutte contre le VIH sont plus que jamais politiques. Malgré la crise, malgré le froid, beaucoup sont venus manifester, de Bastille à Belleville, pour les droits des minorités, plus d’argent et d’engagement contre l’épidémie.
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Battre le pavé un soir d’hiver, nuit tombée et crachin frissonnant, c’est… divertissant ! Comme à chaque "Saint-Sida", les sympathisants de la cause se mobilisent le 1er décembre. Une journée internationale de lutte contre la maladie qui, en cette période préélectorale en France, se veut plus que jamais politique. Les slogans le prouvent. "Sida 2012, des droits pour les tarlouzes", "Des capotes pour qu’on se tripote" et florilège d’autres phrases bien senties, dont les acteurs associatifs ont le secret. Il y a les associations de malades, de personnes séroconcernées, pour les trans, les sexworkers, les impatients d’une fin des discriminations et de l’épidémie. Toutes les variétés du militant VIH sont représentées. Le Front de gauche et les Jeunes Socialistes viennent exprimer leur rouge colère face aux gouvernants actuels. Europe Ecologie Les Verts aussi, avec leur candidate aux lunettes, rouges également.

Devant l’Opéra Bastille, les pancartes se montrent, les pin’s s’accrochent et les stickers se collent. Enfin essayent. L’humidité a vite raison de la glue la plus forte. "Merde mon affiche !"  ou "Qui a acheté cette colle que je l’engueule ?", peut-on entendre ça et là. Un brouhaha de discussions se répand à travers de petits groupes. Les journalistes sont bien présents, prêts à vous demander un sourire et une pancarte bien droite. Mais progressivement, les drapeaux et autres panneaux flottent fièrement dans les airs, impatients de commencer à s’agiter. Les banderoles du cortège se déroulent et les militants prennent place. Quelques bises et des "Tiens lui là-bas je le connais" plus tard, les quelques 500 participants de la marche se mettent en branle. Ça bouchonne un peu au départ. On cherche sa place dans le défilé. Tout finit par rentrer dans l’ordre et le flot humain se dirige vers le Marais, première grande étape. Très vite le grand boulevard laisse place à la petite rue étroite, qui unit les corps et fait résonner les c(h)œurs. Les badauds en goguette restent goguenards devant ce joyeux bordel bruyant. Rue des Francs Bourgeois, les Sœurs de la perpétuelle indulgence font une pause "make-up" dans une boutique. Un "repoudrage de nez" pour une meilleure mise en lumière des enjeux ! Beaucoup de (bouches) bée et des yeux ronds devant le bruit, pour ces artères d’ordinaire plus calmement occupées par les touristes.
C’est comme cela un 1er décembre, plein de couleurs, de visages, bourré de différences, mais aussi rempli de sens et d’engagement. Tous les participants donnent de la voix, pour que le message soit entendu par les passants et les pouvoirs publics. Après cinq ans de gouvernement de droite, le bilan est bien maigre en avancées et pourtant bien lourd en conséquences de l’immobilisme moral et du recul de certains droits fondamentaux. Comment oublier le trou Guéant laissé par la (xénophobe) politique migratoire, notamment concernant les étrangers malades ? Le sida, un révélateur des inégalités et des oppressions dans la société. Face à cela, une froide colère transpire des activistes que nous sommes, pour mieux hurler dans les mégaphones et les sifflets. Aux abords de l’Hôtel de ville, la marche emprunte une des rues les plus emblématiques du quartier homo de Paris. Une communauté qui a vu, comme celle des Trans et des Putes, ses demandes d’égalité et de reconnaissance de ses droits ignorées. En tête de cortège, Act Up-Paris stoppe sa course. "Die in ! Tout le monde par terre pour les morts du sida !" Les corps s’allongent, se taisent. Dans le silence de cette minute de recueillement, les deux flambeaux brûlants et les drapeaux donnent à ce moment une dimension presque religieuse. Les visages sont graves quand ils se relèvent pour continuer d’affronter l’obscurité. Zigzagant entre la mairie du 3ème arrondissement et les derniers bars gays du "village", le convoi approche de la place de la République. Retour des grands axes…et du trafic ! Les motards frôlent la cohorte et les klaxons carillonnent. "Mais que fait la police bordel !", aboie un militant de AIDES. Arrivé au carrefour, le cortège se fait sectionner par les voitures échappant au contrôle des forces de l’ordre chargées de la circulation. Un scooter force même le passage, à travers la foule. Le ton monte et le doigt de la passagère se lève. Juste un doigt…d’honneur. Pour se faire dépister ?
Plus sérieusement, la prise de risque est aussi là, quand on souhaite manifester. Au fur à mesure que le temps s’égrène et que la marche rejoint son point d’arrivée, les personnes quittent le cortège, retournant à leur vie de combat, leur combat pour la vie. Mais les militants l’ont hurlé, l’ont promis : "Sida : on n'oublie rien, rendez-vous en mai prochain". C’est comme cela mon 1er décembre, plein d’envie, de vie, tous ensemble. Pour que 2012 change la donne politique et sociale. Pour que tout ait une fin, même le sida.

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Portrait de Vincent

"une pancarte bien droite" la méthode FB :)