Philippe Poutou : "Non la santé ne doit pas être une marchandise !" (1/2)

Publié par jfl-seronet le 13.02.2012
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présidentielles 2012Philippe Poutounouveau parti anticapitaliste
Candidat du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) à l’élection présidentielle 2012, Philippe Poutou a accepté de parler de sujets sur lesquels on l’a, jusqu’à présent, peu entendu : lutte contre le sida, financement de la santé, loi sur le médicament, sérophobie, légalisation des drogues, pénalisation, prostitution, etc. Sollicité par Seronet, il détaille, ici, ses idées, sa vision de la société, son projet. Interview exclusive.
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Il y a plusieurs mois, différentes mesures législatives ont été prises concernant la situation des personnes étrangères et tout spécialement celles qui sont malades, qu’elles soient ou non en situation irrégulière. L’Aide médicale d’Etat (AME) a ainsi été largement réformée et le droit au séjour pour soins sévèrement attaqué. Que pensez-vous de ces décisions et quelle lecture politique en faites-vous ?
Ces mesures sont iniques et privent de soins de nombreux étrangers. Des secteurs entiers de l'économie fonctionnent avec ces travailleurs sans droits, au bénéfice du patronat. Le NPA est présent dans les mobilisations pour l’abrogation de toutes ces mesures, notamment les lois Sarkozy-Besson-Hortefeux qui bafouent les droits de l’homme et sont en contradiction complète avec les libertés démocratiques. Je suis évidemment pour la régularisation de tous les sans-papiers.

Si vous êtes en situation, comptez-vous revenir sur ces décisions, en rétablissant le droit au séjour pour soins, en supprimant le droit de timbre pour l’accès à l'AME ? Ou pensez-vous que l’AME doive être intégrée dans l’Assurance maladie et ne plus être un dispositif à part ?
L’accès aux soins doit être un droit inaliénable et sans discrimination. Je refuse la Sécurité sociale à plusieurs étages. Il ne doit pas exister de régime spécial pour les pauvres et les sans-papiers. L’AME et la CMU doivent être intégrées sans condition de droits, sans droit de timbre, sans aucune restriction, au régime général de la Sécu et bénéficier, sans avance des frais, du remboursement à 100%. Il faut supprimer le délai de séjour de 3 mois pour bénéficier de l’AME, et ouvrir la CMU à tous et toutes. L'accès aux soins doit être gratuit pour toute la population sans exception. La couverture doit être universelle, comme cela était programmé… en 1945.

Ces dernières années, les choix du gouvernement en matière de comptes sociaux ont eu des conséquences importantes sur la vie des personnes malades et tout spécialement celles qui sont atteintes d’affections de longue durée comme les personnes atteintes d’une hépatite ou du VIH ? La mise en place des franchises médicales, la multiplication des déremboursements de médicaments, la hausse du prix des consultations, des forfaits hospitaliers, etc. ont eu pour conséquence d’augmenter le reste à charge pour les malades et surtout de renforcer une logique individuelle contre la solidarité collective. Que pensez-vous de ces décisions ? Quelles sont les conséquences de cette politique ?
En ville et à l'hôpital, il faut payer de notre poche les forfaits et franchises, les dépassements d’honoraires, les médicaments au "service médical rendu faible" (mais alors pourquoi les produire et les vendre ?), qui ne sont plus remboursés, les cotisations aux mutuelles qui augmentent leur tarif chaque année en raison du désengagement de la Sécu et des taxes que leur font supporter le gouvernement. Les conséquences : 25% de la population renonce à des soins pour des raisons financières. Il faut supprimer toutes ces atteintes au droit à la santé, par exemple les franchises médicales qui sont un impôt sur la maladie : plus on est malade, plus on paye. Ce n'est pas tolérable. Lorsque les malades sont contraints de reporter leurs soins ou d’y renoncer, le risque est une dégradation de l’état de santé et le recours tardif à l’hôpital. Les associations humanitaires comme Médecins du monde en témoignent.
Sarkozy avait proclamé que 2011 serait "l'année des patients et de leurs droits". Cynique plaisanterie. Le gouvernement a mis en place la loi "Hôpital, Santé, Patients et Territoires" (HPST), outil de la casse programmée du service public de la santé, dans la droite ligne de la tarification à l’acte (T2A), qui rémunère les actes en fonction de leur rentabilité. Les personnes séropositives ou vivant avec le VIH sont frappées de plein fouet par ces réformes qui ne visent que le profit à court terme : prise en charge dégradée par le manque de personnel, délais d’attente pour la moindre consultation, fermeture des services, disparition de certains postes et, de manière générale, disparition de la prise en charge spécifique que nécessitent impérativement le VIH et les hépatites. La casse de l'hôpital public va de pair avec celle de la Sécu. L‘objectif est le même : la privatisation, au bénéfice des grands groupes capitalistes qui possèdent les cliniques privées et des assurances privées. Non la santé ne doit pas être une marchandise !

En matière de
dépenses de santé, de tarification, d’équilibre des comptes sociaux… que faut-il éviter et quelles propositions faites-vous ?
Il faut le dire clairement : le déficit de la Sécu est une escroquerie, il n'existe pas, C'est le gouvernement qui décide des recettes des caisses. Sa politique de bas salaires, son refus de lutter contre le chômage en partageant le temps de travail entre tous et toutes, privent la Sécu de recettes. Et volontairement il pille la Sécu au bénéfice du patronat : il n'entend pas renoncer aux exonérations de la part patronale des cotisations, il ne veut pas créer une caisse de compensation alimentée par les employeurs afin de compenser les dettes patronales. Pire, il veut pomper les caisses de Sécu ! Sarkozy a annoncé l'augmentation de la TVA de 1,6% compensée par une diminution des cotisations dites patronales. Or il n'y aucune garantie que l'intégralité du produit de cette TVA antisociale soit destinée à la protection sociale. Les cotisations sociales sont versées obligatoirement à la Sécurité sociale (l'Urssaf). C’est différent pour les impôts. La loi interdit qu’ils soient affectés à un secteur particulier. Le produit de la TVA entre donc dans le budget global de l’Etat : l’exemple de la vignette automobile, censée bénéficier aux personnes âgées et utilisée à tout autre chose, est resté célèbre.
Par ailleurs le scandale du Mediator montre clairement que les  appétits commerciaux de l'industrie pharmaceutique et médicale sont contradictoires avec les impératifs de santé publique. Les propositions du NPA : la santé ne doit pas être confiée aux intérêts privés : le paiement à l’acte des professionnels libéraux doit être abandonné. Dans les communes et les quartiers, des centres publics de santé pluridisciplinaires, en lien avec le secteur public hospitalier, doivent être créés pour soigner, développer la prévention et l’éducation à la santé. Le service public hospitalier de proximité doit disposer de tous les moyens nécessaires pour accomplir toutes ses missions et les cliniques privées expropriées et intégrées au secteur public. L’industrie pharmaceutique européenne doit être placée sous contrôle public, ainsi que la recherche médicale. Le service public de santé doit disposer de moyens d’agir sur tous les facteurs déterminants pour la santé : conditions de travail, logement, nourriture… en lien avec les CHSCT [comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail], les associations…

En matière de santé, le gouvernement actuel a tout misé sur la contribution des malades, les taxes sur les labos et les mutuelles et un programme contraignant d’économies pour les hôpitaux. Cette politique a d’ores et déjà des conséquences sur l’organisation des soins et la qualité de la prise en charge des personnes malades, notamment celles atteintes d’une affection de longue durée. On peut le mesurer avec ce qui se passe avec l’AP-HP en Ile-de-France. Selon vous qu’est-ce qui pose problème dans cette politique et que proposez-vous ?
Tout ce que vous indiquez est exact et les conséquences sont effectivement dramatiques. On commence à mesurer les premières conséquences des contre-réformes, imposées non seulement en France, mais dans tous les pays développés : les premiers reculs de l’espérance de vie des plus pauvres apparaissent dans plusieurs pays. En Allemagne pour les personnes à bas revenus, elle est tombée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2011 selon les chiffres officiels. Elle a aussi reculé aux Etats-Unis. En France, l'espérance de vie des femmes connaît son premier recul.
Nos vies et notre santé valent mieux que leur profit. De là, découlent les propositions du NPA. Il faut rompre avec la logique du profit et de la rentabilité. Aucun "Plan Cancer" n’a de sens s’il ne se penche pas sur les conditions qui favorisent l’apparition des cancers, notamment l’exposition des salariés à des substances cancérogènes. Un "Plan Diabète" suppose de s’en prendre aux intérêts de l’agro business qui commercialise pour son plus grand profit les boissons et les aliments sucrés. La lutte contre le suicide et la souffrance au travail nécessite la remise en cause d’un "management" exigeant toujours plus de rentabilité et de productivité. De même, lutter contre le sida et les hépatites implique des politiques de prévention ambitieuses, et autre chose que du tout-répressif à l’encontre des minorités les plus touchées.….

On parle beaucoup de démocratie sanitaire. Est-ce que cette idée vous intéresse et si oui… comment la concevez-vous ?
La démocratie est une condition essentielle du bon fonctionnement du service de santé et de la qualité des soins. Ce n’est pas un principe abstrait. Elle est nécessaire à un fonctionnement en équipes pluridisciplinaires travaillant collectivement dans le respect des compétences de chacune des professions. Elle est nécessaire aussi à une véritable autogestion de l’hôpital, non seulement par l’ensemble des professionnels qui le compose, mais aussi des patients de leurs représentants qui doivent être des acteurs du soin et du service de santé. Elle est, enfin, nécessaire à la définition des besoins de santé, qui ne doivent pas être liés à des "indicateurs" technocratiques ou à des décisions comptables, mais doivent être le résultat de décisions collectives de toute la population organisée en tant qu’assurés sociaux. Les décisions principales concernant l’organisation du service de santé doivent relever, après débat public et contradictoire éclairés par des avis "d’experts" professionnels de santé, associations de patients… de décisions prises collectivement par les assurés sociaux.

La place des dépenses de santé est un choix politique sur lequel chacun doit être consulté.
"Maitriser", "contrôler", "diminuer" les dépenses de santé. Pour tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 30 ans, la santé c’est d’abord une dépense qu’il faut réduire. A l’inverse, pour le NPA, la santé c’est d’abord un bien fondamental, auquel chacun et chacune doit avoir droit. L’inégalité dans ce domaine est encore plus inacceptable qu’ailleurs. Dès lors la vraie question est : "Quelle part des richesses produites doit aller à ce bien fondamental ?" Si la société consacre une part importante de ses ressources à satisfaire les besoins fondamentaux de la population, loin d’être une catastrophe, c’est au contraire une preuve de civilisation. La place donnée à la santé relève de choix et de décisions politiques, sur lesquels chacun devrait être consulté après un débat public et contradictoire. Il ne s’agit pas d’une fatalité économique.

Nicolas Sarkozy s’est engagé lors de sa première campagne présidentielle à augmenter de 25% sur la législature le montant de l’allocation aux adultes handicapés. Il a récemment indiqué que la promesse serait tenue en 2012. Il y a eu plusieurs augmentations, malgré tout les personnes qui en sont bénéficiaires vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Du coup, de nombreuses associations et structures syndicales ou politiques, réunies au sein de Ni pauvre, Ni soumis, demandent à ce que cette allocation soit remplacée par un revenu d’existence aligné sur le SMIC. Etes-vous favorable à cette mesure ? Cela est-il, selon vous, finançable et si oui dans quel système ?
La Loi du 11 février 2005 [sur le handicap, ndlr] votée à l’unanimité a suscité beaucoup d’espoir. Mais, elle est l’exemple même d’un texte législatif qui, sous couvert de bonnes intentions, cache dans les faits une réalité dramatique : celle de la détresse matérielle et psychologique dans laquelle se trouvent les personnes handicapées et malades. Les chiffres montrent que la prise en charge du handicap n'est pas dotée des moyens à la hauteur des réponses que les populations concernées et leurs proches sont en droit d'attendre. C'est une refonte globale du système de solidarité nationale qui est à repenser : il devrait s’appuyer sur une autre répartition des richesses : depuis les années 80, le rapport entre ce qui, dans les richesses produites (PIB), revient au capital et ce qui revient au travail s’est accru de 10% au profit du capital. Les choix politiques se jugent dans les moyens concrets de solidarité. Les nôtres sont clairs : nous sommes pour une allocation sur la base du SMIC pour tous les minimums sociaux, et nous demandons, entre autres choses, que l'Allocation pour Adulte Handicapé soit alignée sur le SMIC, et indépendante des revenus du conjoint afin d’assurer une autonomie de la personne malade ou handicapée.

A la suite de l’affaire du
Mediator, le gouvernement a proposé et fait adopter un projet de loi sur le médicament. Que pensez-vous de ce texte ? Quelles en sont les faiblesses ? Quelles mesures pensez-vous mettre en place dans ce domaine si vous êtes en situation ?
La loi est votée, les problèmes essentiels  demeurent. D’une part, les études cliniques sont toujours réalisées sous la seule responsabilité des firmes pharmaceutiques. Elles ont la haute main sur toutes les modalités : choix du comparateur, des doses utilisées, des critères d’efficacité, des effets secondaires à prendre en compte, des constantes biologiques à suivre, de la sélection des patients, des médecins expérimentateurs, de la publication des résultats… Autant dire que les résultats sont généralement bons ! Et il faut des années pour découvrir que la réalité n’est jamais si rose qu’au moment du lancement. D’autre part, les commissions officielles qui vérifient et jugent des résultats de ces études sont composées de médecins et de chercheurs qui ont tous des contrats avec l’industrie pharmaceutique. Comment, d’ailleurs, faire aujourd’hui des travaux de recherche sans la participation des industriels alors que les budgets publics sont en peau de chagrin ? Par ailleurs, le prix des nouveaux médicaments ne dépend absolument pas de leurs avantages pour les patients, mais d’une décision prise in fine par le ministre lui-même. Là encore, ce système permet toutes les corruptions : "Une usine dans ma circonscription contre un bon prix pour votre médicament !" les innovations réelles n’ont jamais été aussi peu nombreuses, mais jamais on n'a autant dépensé ! De plus, la formation permanente des médecins (et, de plus en plus, leur formation initiale) est presque totalement sous le contrôle des laboratoires pharmaceutiques.

Cette loi ne règle pas ces problèmes à la source d’un système vermoulu. Si les industriels ont de plus en plus recours à des méthodes meurtrières pour les patients, c’est qu’ils sont confrontés à un problème de fond qui n’est pas propre à Servier : leurs recherches sont depuis le milieu des années 1980 dans une phase de rendements décroissants. Même un laboratoire de taille mondiale comme Sanofi a bien du mal à mettre sur le marché de nouveaux médicaments. Comment, dans ces conditions, garantir aux actionnaires les revenus attendus ? Le seul moyen de contrer l’appétit de gains, la toute-puissance de l'industrie pharmaceutique est de la nationaliser sans indemnités, ni rachats. La recherche doit être publique, indépendante des lobbys et être une priorité. Il ne s'agit pas de faire une confiance aveugle à l’Etat. Les choix, les décisions essentielles, le contrôle doivent être exercés par la population en lien avec des associations de malades, des chercheurs indépendants. En bref, La démocratie doit être à la commande...

En matière de lutte contre les hépatites et le VIH/sida, des organisations non gouvernementales réclament la mise en place de mesures qui ont fait leur preuve à l’étranger dont les programmes d’échanges de seringues en prison, les créations de salles de consommation supervisée, l’accompagnement à l’injection, l’auto-prélèvement chez les personnes usagères de drogues (ce qui favorise l’accès aux services de santé). Etes-vous favorable à leur mise en place ?
Nous soutenons totalement ces mesures. Le gouvernement a arbitrairement jugé les salles de consommation à moindres risques "ni utiles ni souhaitables". Pourtant, l’expérience internationale, notamment européenne, montre que la mise en place de telles mesures évite la propagation du VIH et des hépatites, permet aux usagers les plus marginaux d’accéder à la prévention, à un encadrement sanitaire et aux soins, diminue les risques de surdose, voire conduit à des sevrages. Incapable de renoncer à une approche idéologique destinée à flatter les électeurs les plus réactionnaires, le gouvernement s’obstine dans un obscurantisme primaire, et criminel, en optant encore et toujours pour la répression.

Ces derniers mois, le débat a été particulièrement intense sur la question de la
légalisation de la consommation des drogues. Il y a eu des initiatives politiques, des revendications associatives… Selon vous, doit-on revenir sur la loi de 70 et si oui de quelle façon ? Etes-vous favorable à la légalisation et si oui de quoi ? La dépénalisation est-elle, selon vous, une décision de santé publique et quelles limites y mettez-vous ?
Je suis pour l’abrogation de la loi de 1970 et pour la légalisation du cannabis. La prohibition favorise le développement des trafics sans réduire le nombre de consommateurs. Elle est inefficace pour réduire la consommation, elle ne résout aucun problème de santé publique. La lutte antidrogue sert de prétexte à de nombreuses dérives sécuritaires. Elle permet au gouvernement de maintenir une sorte d’état d’exception dans les banlieues.
La légalisation est la seule mesure sérieuse en termes de santé publique. Les drogues les plus dangereuses en France sont légales : le tabac (60 000 morts par an) et l’alcool (35 000 morts par an). Le seul moyen pour faire réellement de la prévention et de l’aide à la diminution des risques (utilisation de seringues stériles pour prévenir les infections par exemple) passe par la dépénalisation. Ne plus faire du consommateur un délinquant est le préalable à toute politique de santé qui vise à réellement aider les gens.

Ces dernières années, les avancées scientifiques en matière de VIH/sida ont été majeures. Paradoxalement, les avancées sociales (meilleure acceptation sociale du VIH, lutte contre les discriminations liées à l’état de santé…) ont été quasi inexistantes. Une récente affaire (celle de Dax, il y a quelques mois) a montré les limites de la loi pénale actuelle en matière de sanction des agressions sérophobes. Etes-vous favorable à ce que la sérophobie soit, comme c’est par exemple le cas pour l’homophobie, sanctionnée par la loi et reconnue comme une circonstance aggravante ?
La sérophobie est une discrimination à part entière, au même titre que l'homophobie. La stigmatisation des séropositifs et séropositives fait le jeu de l'épidémie. La question n'est pas de remplir les prisons ou d'accroître le nombre de lois répressives, mais de considérer la sérophobie comme une discrimination. Dans l'affaire de Dax, il s'agit d'un cadre familial, mais au delà du cadre individuel, la discrimination sérophobe est institutionnelle. Nombre de personnes vivant avec le VIH font les frais de la sérophobie dans un cadre professionnel : stigmatisation, mise à l'écart, voire licenciement à l'annonce de la maladie, non-prise en compte de la spécificité de la pathologie (effets secondaires des traitements notamment) dans l'aménagement du poste et/ou du temps de travail, etc. De même, les séropositifs et séropositives sont également exclus de certains dispositifs d'assurance vie, ne peuvent pas contracter d'emprunts, sont interdits de certains voyages. Que dire de l'Etat lui-même qui exclut encore les personnes séropositives des soins post-mortem, faisant perdurer la stigmatisation jusque dans la mort ? Ces positions iniques, assumées au plus haut niveau, nourrissent la sérophobie quotidienne, tout comme les tirades homophobes régulières de l'UMP légitiment les violences subies par les LGBT.

De très nombreux pays ont modifié leur législation concernant la pénalisation de la transmission du VIH. Certains l’ont renforcée (en Afrique…), d’autres l’ont assouplie (Suisse par exemple) notamment avec les avancées scientifiques sur le rôle du traitement en matière de transmission du VIH. On assiste, par ailleurs, à une multiplication des plaintes en France. Ce phénomène vous alarme t-il et si oui comment y répondre ? Cela passe-t-il par une modification de la législation actuelle ou par d’autres solutions ?
Le VIH est la seule pathologie pour laquelle la question de la pénalisation de la transmission se pose ! La pénalisation de la transmission du VIH fait porter aux seules personnes séropositives la responsabilité de la prévention, qui doit être l'affaire des deux partenaires. La pénalisation n'enraye pas la propagation de la pandémie, car seule une prévention efficace, assumée par toutes et tous, séropositifs et séronégatifs, portera ses fruits. De plus, diverses plaintes entretiennent l'idée que pour ne pas être condamné en cas de contamination, il ne faut pas se dépister, et ainsi rester dans l'ignorance de son statut sérologique. Aujourd'hui, en France 50 000 personnes sont séropositives et l'ignorent. Ce message est dangereux. Enfin, envoyer des personnes séropositives en prison est d'autant plus criminel que ce milieu est tout sauf un lieu de soins.

Une nouvelle disposition de la loi LOPPSI 2 instaure le dépistage sous contrainte de personnes présumées séropositives lorsqu’elles ont été en contact avec des dépositaires de l’autorité publique (forces de l’ordre, huissiers…). Cette mesure a été adoptée malgré les mises en garde de la Société française de lutte contre le sida et un avis du Conseil national du sida qui pointent une atteinte aux droits de l’Homme et les effets contreproductifs en matière de dépistage alors même que le gouvernement développe un programme d’incitation au dépistage. Que pensez-vous de cette mesure ? Doit-elle être conservée ?
Cette mesure est une atteinte aux droits de l’homme stigmatisante puisqu’elle entérine le lien séropositif/délinquant. Cette mesure répressive est de plus totalement absurde. Rappelons enfin que le VIH se transmet par voies sexuelles et sanguines, et de la mère à l'enfant. Une personne ayant pris un risque de contamination VIH doit avant tout avoir recours à un traitement post-exposition. L’obligation de dépistage à celui ou celle qui, potentiellement, l'aurait contaminée, est un non sens ! Il y a de plus violation de principes éthiques de base : respect du secret médical et accès volontaire au dépistage. Il faut lutter contre le sida, et pas réprimer les personnes qui vivent avec, abroger cette disposition de la loi LOPPSI 2.

Le débat sur la prostitution est animé entre les partisans de l’abolition et ceux qui y sont opposés. Des associations de personnes travailleuses du sexe, de lutte contre le sida et un organisme officiel tel que le Conseil national du sida mettent en avant qu’une abolition de la prostitution voire une pénalisation des clients auraient un impact négatif sur l’accès aux droits et aux soins des personnes qui exercent cette activité et des conséquences en matière de santé publique : obstacles supplémentaires dans l’accès aux structures de soins, de prévention du VIH et des IST, et d'accès au dépistage. Etes-vous favorable à cette abolition ? Si oui, pour quelles raisons et si non comment comptez-vous renforcer les droits des personnes concernées, notamment sur les enjeux de santé les concernant ?
Rappelons que pour la majorité des personnes concernées, la prostitution n'est pas un choix. Le NPA est pour créer les conditions à l'abolition de la prostitution, cela signifie :
- Un droit à l'emploi pour tous et toutes avec CDI et salaires qui permettent de vivre décemment (un SMIC à 1600 euros net, 300 euros net d'augmentation des salaires) ;
- La régularisation des personnes sans-papiers (la soi-disant protection des prostituées étrangères dénonçant leur proxénète ou réseau n'a jamais été appliquée, au contraire, non seulement celles qui le faisaient n'étaient pas protégées mais certaines ont été expulsées) ;
- La suppression des lois et mesures de répression, directe ou indirecte, contre les personnes  prostituées, notamment l’abrogation de la loi de 2002 réprimant le racolage passif mais aussi des moyens réels pour démanteler les réseaux de trafiquants et réprimer les proxénètes ;
- Des droits sociaux pour les personnes prostituées avec une protection sociale qui garantisse l'accès aux soins notamment. Ces deux dernières mesures permettraient de répondre aux enjeux de santé publique en sortant de la clandestinité et en permettant la prévention et l'accès aux soins. Le NPA est opposé à la loi en discussion actuellement sur la pénalisation du client. Nous considérons qu'elle fait diversion par rapport au bilan désastreux du gouvernement qui, au lieu de répondre aux urgences sociales, fait diversion en faisant voter des lois sécuritaires qui stigmatisent une partie de la population (jeunes, personnes immigrées, Roms, prostituées, militants et militantes, etc.). Nous sommes contre l'union sacrée avec Sarkozy autour de cette loi. Nous pensons que "sortir de la prostitution" passe aussi par le développement de l'éducation sexuelle équitablement effectuée dans les établissements scolaires par des associations comme le Planning familial, et par le vote d'une véritable loi cadre contre les violences faites aux femmes alliant prévention et protection.

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie.

Crédit photo : Photothèque Rouge/Marc

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Commentaires

Portrait de sonia

très interressant mais complètement illisible, dommage qu'on ne soit pas tous des thésards à Sciences Po ! me concernant, ce serait plutôt des lézards à Pionce Po ...
Portrait de frabro

les réponses de Philippe POUTOU et du NPA aux questions de seronet vont toutes dans le même sens que les revendications que je partage sur tous ces sujets de santé et de société. Mais complètement sorties du contexte économique, européen, mondial, quelle est la part réalisable des solutions préconisées ?
Portrait de serosud

L'expérience passée, prouve qu'un pays endetté comme la France est soudainement capable de prêter 5 milliards d'euros aux banques, sans que cela ne lui pose problème.

La proposition d'une taxe "robin des bois" de 0,05% sur les spéculations financières lèverait entre 6 et 10 milliards d'euros par an, et ce, rien que pour la France.

Donc, non plus en proposant 0,05%, mais en imposant une taxe de (1,6%)*.......il se lèverait entre 192 et 310 milliards d'euros.

           * 1,6% c'est à titre indicatif, ce que le gouvernement veut nous foutre dans la gueule au nom de la TVA sociale......donc taxe sur la consommation !!!

Portrait de louve85

Il me semble, que c'est l'essence du message du NPA qui devrait être ENTENDUE.