Ce que nous réserve la CROI 2012

Publié par Renaud Persiaux le 28.02.2012
5 491 lectures
Notez l'article : 
0
 
Croi 2012
La CROI, c’est du 5 au 8 mars, à Seattle, sur la côte Ouest des Etats-Unis. La CROI (pour Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections) est la plus grande conférence scientifique annuelle sur le VIH et les infections opportunistes. En avant-première, voici ce que nous réserve cette 19e édition. Bruno, Emmanuel et Renaud y seront nos envoyés spéciaux.
Croi_2012_bandeau.png

Très scientifique et très pointue, cette conférence se divise traditionnellement en deux parties. D’abord, tout ce qui concerne la recherche fondamentale (par exemple, beaucoup d’études sur les interactions entre le VIH et notre machinerie cellulaire ; ou encore sur le détail de ce qui se passe dans les muqueuses lors de l’infection). Des données indispensables pour les chercheurs, mais parfois encore un peu loin de nos préoccupations. Ensuite, la partie recherche clinique qui nous concerne plus directement (points forts ci-dessous).

Au total, cela donne, sur le papier, un programme très riche ; la version dite "de poche" fait pas moins de 150 pages, avec 1 142 études présentées. Tout cela attire pas moins de 4 000 congressistes du monde entier, principalement des chercheurs fondamentaux et des médecins qui sont le plus souvent des cliniciens-chercheurs ; mais aussi des militants associatifs. Comme lors des éditions précédentes, Seronet y sera. Avec Bruno Spire, président de AIDES, et Emmanuel Trenado, secrétaire permanent de la Coalition PLUS, Seronet vous proposera chaque jour la couverture des nouvelles importantes de la CROI.

Complications et antirétroviraux
A priori pas de scoops en ce domaine à la CROI 2012. Beaucoup d’études sur les aspects neurologiques et les troubles du fonctionnement de la pensée. Sur les troubles cardio-vasculaires aussi, un grand classique. Des résultats détaillés (mercredi 7 mars) sur le Quad (qui contient quatre molécules dans un comprimé unique, un médicament en cours d’autorisation aux Etats-Unis et en Europe). Les données après deux ans d’utilisation du dolutégravir, une anti-intégrase expérimentale ; et sur le GS-7340, futur successeur du ténofovir, dont on parle beaucoup car il rendra possible de nombreuses trithérapies en un comprimé unique par jour, y compris avec les antiprotéases.
On voit poindre aussi des résultats sur le versant des probiotiques : autrement dit, agir sur la barrière intestinale, qui est détériorée par le virus. L’objectif est d’essayer de la restaurer au mieux et de diminuer le passage dans le sang d’une kyrielle de fragments bactériens qui enflamment l’organisme et sur-activent le système immunitaire. D’autres études enfin sur la modulation de l’immunité, par des candidats-vaccins thérapeutiques ou des immunothérapies (par interleukines, qui sont des molécules qui régulent l’immunité).

Guérir !

Plus nouveau, des données sur les recherches sur la guérison du VIH. Certes, peu de résultats sont attendus dans cette édition sur le plan de la thérapie génique, qui vise à constituer un "pool", une "réserve" de cellules rendues résistantes au VIH (en enlevant le gène qui code les serrures – les corécepteurs CCR5 - utilisées par le VIH pour y rentrer). On ne devrait avoir qu’un seul nouveau résultat, le jeudi 8 mars (essai SB-728-T) de l’entreprise de biotechnologie (Sangamo) dont on a déjà parlé ici et ici. En revanche, tout au long de la CROI (du mardi 6 au jeudi 8 mars) de nombreuses sessions porteront sur les stratégies visant à forcer les VIH "cachés et endormis" dans le génome (le matériel génétique) de nos cellules à se "réveiller". Et donc à sortir le bout de leur nez, devenant ainsi accessibles pour nos bons vieux antirétroviraux. Ces traitements anti-latence visent à réduire, jusqu’à vider, une bonne fois pour toutes, le réservoir de virus intégré dans certaines des cellules CD4. Signe de perspectives très sérieuses : l’industrie pharmaceutique est sur les rangs, qu’il s’agisse de Merck et d’Abbott (qui ont dans leurs portefeuilles des molécules déjà utilisées dans d’autres pathologies et qui pourraient s’avérer efficaces), mais aussi de Janssen et de Gilead.

PrEP
Comme en 2011, la prise d’antirétroviraux par des personnes séronégatives, dans un but préventif contre l’infection par le VIH (PrEP, un sigle qui veut dire prophylaxie pré-exposition), sera un des points forts de la CROI 2012. Au centre des discussions : tenter d’expliquer les résultats discordants de différentes études portant sur la PrEP. Avec notamment les résultats détaillés (mardi 6 mars) de l’étude Fem-PrEP : aucun effet protecteur chez des femmes, alors que d’autres études donnaient une protection de l’ordre de 60%. Egalement au programme : les résultats d’un essai de tolérance d’un gel préventif utilisé au niveau rectal (MTN-007). Et une étude sur les concentrations de médicament actif mesurées dans le vagin et le rectum, d’une formulation nanotechnologique longue durée (injection mensuelle) de la rilpivirine. Entre autres…

Hépatites
Beaucoup de résultats là encore. Avec un point qui mérite d’être souligné : les résultats (6 mars) d’une étude d’interaction entre une molécule anti-VHC en développement, le TMC435, et trois médicaments anti-VIH, la rilpivirine (Edurant), le ténofovir (Viread) et l’efavirenz (Sustiva). Un point crucial pour améliorer la sécurité des personnes co-infectées par les deux virus. Et donc une longue demande des associations. Janssen fait figure de bon élève par rapport à Merck, qui n’a publié qu’au début de février les résultats des études d’interactions avec son médicament anti-VHC Victrelis, qui fait l’objet d’autorisations temporaires d’utilisation depuis début 2011 ! D’où une alerte de l’Agence européenne du médicament. Et combien de pertes de chances de guérison pour des personnes qui prenaient des médicaments anti-VHC dont la concentration était diminuée de 30 à 40% du fait des interactions ! Quels seront les résultats de cette étude ? Réponse la semaine prochaine.

Le programme de poche (en anglais).

Accéder à notre dossier complet.

Commentaires

Portrait de reba

Réveiller le vih dormant dans les réservoirs, soit. Mais, la production des arn vih (moelle osseuse) ne sera pas empêchée!!!! donc encore une fausse voie de recherche. le traitement devrait être une thérapie génique mais ça, ça n'intéresse pas les grands ce monde (big pharma, wall street....)
Portrait de Ginko

Est très complexe à mettre en oeuvre ... le principe décrit ici (même succinctement) est intéressant, surtout si on arrive à désactiver la protéine responsable de la mort prématurée des CD8 (killer cells) qui pourraient à ce moment jouer leur rôle en détruisant les CD4 mémoire. Bref, les voies sont multiples, et ce virus est tellement simple et bien foutu ( d'un point de vue biologique) que la guerre sera encore sans doute très très longue ...
Portrait de Renaud Persiaux

Bonjour Vous avez plus de détails sur les ciseaux génétiques ici : - http://www.seronet.info/article/des-ciseaux-moleculaires-contre-le-vih-s... (article rédigé à la CROI en février 2011) - http://www.seronet.info/article/guerison-du-vih-la-machine-est-lancee-43826 (article rédigé à la conférence clinique européenne sur le sida en octobre 2011) L'entreprise de biotechnologique Sangamo est cotée au Nasdaq (SGMO), le deuxième plus important, en volume traité, marché d'actions des États-Unis, derrière le New York Stock Exchange, et le plus grand marché électronique d'actions du monde. Elle a publié le 8 février ses résultats financiers : http://investor.sangamo.com/releasedetail.cfm?ReleaseID=647355. L'entreprise annonce avoir perdu 6,4 millions de dollars en 2011 (contre 8,3 millions de dollars en 2010). Ses réserves financières seraient de 84,5 millions de dollars. De nouveaux essais sont planifiés. On vous en reparle sous peu, donc. Renaud
Portrait de lounaa

J'avais louper la machine est lancer sur seronet en novembre , merci d'avoir remis ces liens . et bon voyage à Seattle ...