A qui profite la crise ?

Evidemment, si j'étais sage je n'aborderais pas ce thème aujourd'hui. Je ferais comme s'il avait été réglé depuis belle lurette. Or, je ne suis pas très sage et je crois même que ma chronique cette semaine en rajoute inutilement. Le grand thème une nouvelle fois soulevé fut celui du business de la maladie. Et Sebastyen a toute légitimité pour poser cette question pas si simple, à l'occasion d'un forum : Et si le VIH était un business ?
C'est un questionnement sincère, direct, sans autre arrière-pensée.
Les laboratoires pharmaceutiques agissent-ils en-dehors de toute logique industrielle et commerciale ? Par pure philanthropie. Certes non. L'hypothèse d'un vaccin secoue et alimente depuis une trentaine d'années une polémique récurrente. Les salariés et les bénévoles agissant pour le compte des principales associations de lutte contre le sida ont-ils trouvé ici une planque ? La question est régulièrement débattue qu'à la fin ça relève du fantasme pur.
Car là où il devrait y avoir débat, il y a déjà accusation. Sans parler de l'origine pour le moins opaque de la maladie, il y aurait l'impact d'un médicament inadapté et morbide arrivé dans la précipitation, appelé AZT pour faire court. J'ai moi-même failli en crever et ce n'est pas moi qui viendrait ici le défendre. Lorsque l'un de mes amis était invité à le prendre, c'est qu'il était généralement trop tard. De la pharmacie nous passions au cimetière. C'était un peu comme ça dans les années quatre-vingt dix. Pour ma part, quand il me fut proposé, j'ai juste eu le temps de faire une anémie fulgurante avant d'être transfusé. Je ne marchais plus, je ne vivais plus, je ne croyais plus. Le pire enfin, c'est que je m'y étais résigné. Il n'y a aucun pathos la-dedans. C'était fin 1995, et mourir paraissait être une issue comme une autre.
Je ne veux pas non plus encombrer cette rubrique au prétexte d'une expérience personnelle. J'ai trop de respect pour mes ami-e-s disparu-e-s, d'estime pour les médecins qui m'ont suivi et pour les rescapé-e-s.
Il se trouve aussi que ce poison a pu être utile à certains d'entre nous. Est-ce parce qu'ils y croyaient ? Parce que cela participait à leur gestion d'une pathologie presque sans traitement ? Je me souviens avoir eu recours en ce temps là à un acupuncteur très réputé à Paris. Son traitement consistait en quelques gélules que l'on pouvait se procurer en catimini dans une petite officine discrète rue Monsieur-le-Prince. Tout cela suintait l'arnaque et nous étions un certain nombre à le suivre. Nous y avons cru. Et cela ne remonte pas au moyen âge.
Lorsque, en 1996, mes médecins me proposent une première trithérapie, les effets indésirables sont plus manifestes encore que leurs bénéfices. Combien de fois mon ami devra-t-il appeler le Samu un dimanche. Vous savez ce que c'est que de sentir la mort venir ? C'était pour lui, pour mon ami, une odeur bizarre, un mélange de fièvre et d'absence dans la chambre. Pour moi, c'était presque savoureux. Je me languissais, comme on dit à Marseille, d'en finir.
Aussi, l'histoire du complot des labos, de la conjuration économique, me paraît assez farfelue. Comme d'autres, je trouve immonde et vraiment laid et scandaleusement indécent ce bac à sable à 1 700 000 euros perdu dans le XIXème.
Vous aurez raison aussi d'accuser une association largement subventionnée de salarier un personnel qui vous est dédié. Bien sûr, si tout cet argent nous était rendu, à titre d'aide sociale, au lieu de payer des actions abstraites et vagues, nous vivrions peut-être un peu mieux à titre individuel.
On m'accusera de défendre cette grosse machine qui entretient le site sur lequel nous discutons. Il y en aura peut-être aussi pour m'accuser d'en profiter. A ceux-là, je saurai répondre.
Or, ce qui me désole un peu et Sebastyen n'y est pour rien, c'est de voir ce climat délétère, suspicieux et aigri se répandre, même sous la plume de celles et ceux qui ont ici toute ma confiance et ma sympathie. J'ai pu lire des invectives totalement déplacées, honteuses, misérables. Cela ne grandit pas notre cause.
Je serais même encore assez naïf pour inviter ma famille, mes amis, mes voisins à venir sur ce site s'informer, échanger, dialoguer. Mais pas dans une telle pétaudière qui me fait honte, qui me fait mal.
Je pense enfin à ces nouveaux entrants, vous m'excuserez je n'ai jamais pu (ou voulu) retenir ce terme simple de primo-infecté. Car il nie selon moi toute la dimension psychologique, existentielle, essentielle qui marque la bascule.
C'est ça, c'est cette image que nous souhaitons donner à des personnes qui découvrent leur statut, désemparés, hagards, dépassés par toutes ces histoires de bilans, de charge virale et de CD4, inquiets au-delà de tout ? Pour, de surcroit leur témoigner de calculs minables, souterrains dont nous serions plus que d'autres les victimes et les acteurs à la fois ?
Il y a eu des échanges qui m'ont vraiment fait mal. Je n'ai aucune autorité particulière ici pour en témoigner. Mes mots n'auront pas plus de poids que les vôtres.
Mais essayons de préserver au moins cette dignité, cette affirmation qui malheureusement nous singularise, sans prêcher l'amour mutuel tentons au moins de nous respecter et d'aborder l'avenir, sinon sereinement, mais avec la courtoisie qui seule nous sauvera.
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Commentaires
bien dit
c'est toujours
avec autant de plaisir que je te lis .
merci :)
Bel article en vérité
crédo et gratitude
J’apprécie la plupart des écrits que tu publies. Celui-ci particulièrement, parce qu’il traduit certaines de mes émotions, certaines de mes révoltes muettes face à ce que je lis trop souvent à mon goût sur seronet. Et ce soir, sans le savoir, et sans l’avoir voulu, tu m’encourages à m’exprimer.
Ce site au tout début de mon inscription, il n’y a pas si longtemps, j’ai pensé qu’il allait m’aider dans ma démarche de révélation de ma situation personnelle. J’ai eu envie de le recommander à mes amis, à ma famille, à mes proches… Et finalement je ne l’ai jamais fait… juste à cause d’un certain manque de courtoisie dans les propos des uns et des autres. Pas envie de leur livrer en plus, quelques guerres fratricides, quelques bourbiers scabreux !
J’admets qu’on ait des idées, qu’on les défende, et pourquoi pas qu’on meure pour elles (« Mourir pour des idées, l’idée est excellente, moi j’ai failli mourir de ne l’avoir pas eue… » G Brassens) ; je conçois qu’on soit mal dans sa peau, perclus de douleurs physiques, en souffrance psychique, en révolte contre telle idée, tel dogme ou contre telle décision… Je comprends également qu’on puisse « perdre ses nerfs » comme disait ma grand-mère, dans le feu de la discussion, à une condition toutefois : que celui qui est allé trop loin sache revenir en arrière, retirer ses propos, présenter des excuses. J’imagine très bien que certains puissent nager dans la sérénité quand d’autres se maintiennent à grand peine entre deux eaux agitées et saumâtres ; que les uns puissent même vivre heureux quand d’autres misèrent à donner corps à leur affectivité…
Je conçois toutes ces diversités. Mais à mes yeux, rien ne justifie jamais l’attaque personnelle, le mépris, l’humiliation, l’invective, l’insulte. De mon point de vue, on n’a jamais raison quand on écrase l’autre du poids de son savoir, du poids de son histoire, du poids de ses certitudes, du poids de ses croyances. Quand on tente de le dominer avec arrogance ou avec suffisance, il me semble que l’on s’avilit soi-même. Je crois qu’il n’y a de vrais – et tout particulièrement sur un espace de parole comme seronet - que l’écoute bienveillante et le témoignage qui vont de paire avec l’attention portée à l’autre, l'absence de jugement et l’humilité. Et tant pis si je passe pour un illuminé !
Moi souvent, quand je lis les forums, je zappe, je fuis. D’abord parce que je n’ai pas un avis sur tout. Ensuite parce que je ne suis absolument pas sûr que mon avis puisse être profitable à grand monde. Enfin et surtout parce que je déteste tout ce qui ressemble à un manque de respect de l’autre.
Moi, des fois, en lisant certains propos, je me demande s’il n’y a pas des bons séropositifs et des mauvais.
Voilà ce que m’a inspiré ton article de ce jour dont j’apprécie la liberté de ton et la mesure. Il a, en quelque sorte, réveillé des mots que je n’aurais sans doute pas révélés autrement. Je t’en sais gré.
Nadicar
Le manque de respect de l'autre quand l'autre ne respecte pas et ce permet de juger tu trouves sa bien ?
Je ne parle pas de Ferdy , mais pourquoi vouloir imposer sa vision du vih des médocs etc , alors il faut commencer par accepter la différence et apprendre à ne pas juger des personnes que l'on ne connait pas en les traitants de si ou sa !!!
Commencer par apprendre la tolérance et ne pas se prendre pour un roi.
Chacun est libre d'avoir ces idées sur aides et ceux qui critiquent on sans doute de bonne raisons de le faire... à moins d'étre débile...
et pareil pour le reste .
Repart donc sur le forum et relit le de haut en bas tu verras ou sa dérape et qui manque de respect en premier ... Bonne Soirée
La crise (de nerfs ?) a bon dos...
En politique, la fameuse crise sert d'argument à ceux qui n'en ont pas d'autre pour justifier leurs erreurs, leur partialité, l'échec de leur action.
Sur Seronet, c'est la crise de nerfs qui semble tenir le haut du pavé. Prendre tout argument opposé pour une attaque personnelle en est le symptome le plus visible, et la réponse par l'invective quand ce n'est pas par l'injure est monnaie courante. Est-ce le vih qui nous rend irascible ? Je ne le crois pas...
Quand chaque matin depuis plusieurs jours je lis en ouvrant Seronet un billet qui m'attaque, m'injurie ou s'en prends à mon compagnon, alors oui il se peut que je réponde vigoureusement. Comme chacun de nous, j'ai de l'amour propre, et pas toujours l'envie de répondre avec humour (qui d'ailleurs n'est pas compris non plus !) à ces propos déplacés.
Ce que je combat ici, avec certitude et opiniatreté, c'est l'exagération de tout et la propension à trouver des responsables à nos difficultés, comme si désigner des boucs émissaires nous dédouannai d'assumer les conséquences de nos actes. Tout y passe et revient en boucle : les labos, les assos, la dissidence (voir le négationnisme), les traitements qui détruisent au lieu de soigner, la société qui ne nous viendrai pas suffisament en aide, et au final l'opposition des "catégories" les unes aux autres (ces s...de tox qui mangent les biscuits des gays et vice versa...)
J'ai beaucoup indiqué l'adresse du Site aux personnes non concernées (ou alors de très loin !) comme une source d'information et de compréhension de ce que nous vivons. Je ne le fais plus, car j'ai honte de la désinformation et de la manipulation qui y ont droit de cité tout comme j'ai honte de l'image qui est ainsi donnée des porteurs du vih.
Si je continue à fréquenter assidument Seronet, c'est parce que j'y ai rencontré de vrais amis, de belles personnes, et que j'ai le sentiment que, malgré les critiques ci-dessus, ma présence ici est utile aux autres comme à moi-même. Il me semble que donner des réponses sereines aux nouveaux arrivants est nécessaire pour les aider a assumer, et que ça leur rendra plus service de leur montrer que l'on peut vivre "normalement" avec le vih que de leur exposer une situation "catastrophique" en leur faisant croire qu'ils vont forcémment etre rejetés, subir tous les effets secondaires cumulés, vivre dans un secret obsédant, et finalement s'enfermer dans un face à face avec la maladie où plus rien d'autre ne comptera.
Sereinement et solidairement
François
Rester ou partir?
Personnellement, je suis très déçu par quelques comportements ou commentaires qui m'incitent à penser que la véritable solidarité n'existe pas plus sur Séronet qu'ailleurs. Les Séropositifs n'ont pas gagner en sagesse ou en valeurs humaines. J'étais venu sur le site pour y trouver du réconfort, un peu d'amitié, une ouverture d'esprit et des conseils. Je me rends compte que je reste seul avec mes problèmes et que l'indifférence reste de mise. Certains "donneurs de leçons" ne connaissent pas le sens de certains mots tels que "tolérance", "politesse", "solidarité", "courtoisie", et j'en oublie...
Aussi, je me pose sérieusement la question de savoir qu'est-ce que je fais là?
Un lieu d'échanges
Pour moi Seronet est cela et j'espère restera cela...
Bien sur cela implique des sujets houleux où nous ne sommes pas tous d'accord, certains l'expriment dans l'agressivité et là je zappe, lorsque ça va trop loin je pense être capable de le dire à la personne par exemple pour ce qui est des attaques personnelles.
Mais non Coeursauvage ne pars pas : car tu nous manquerais. Nous sommes tous tellement différents et pourtant tous réunis pour la même cause. Finalement Seronet c'est comme dans la vie...
Bref tout cela pour dire que je trouve nos différences enrichissantes et fortes en émotions diverses.
Solidairement.
Sand.
????
Nouvel arrivant sur le site ,voici mon avis !
De tous les textes précedents , j'en retiens qu'ils sont tous d'abord assez longs à lire et plutôt personnels !!
Pensez-vous que de nouveaux arrivants sur ce site seraient attirés par ce type de texte ?
Les publicités les plus attirantes sont courtes ou drôles ou frappantes !! pas larmoyantes ou personnelles !!
Mon avis sur les textes précedents en dehors de leur intêret personnel pour leurs auteurs sont longs et plutôt ennuyeux , alors que ces textes parlent de l'intêret du site pour les nouveaux arrivants !
Quel peut-être l'intêret de ce site pour de nouveaux arrivants ?
Pour moi c'est être simple , donner ou obtenir une information sur le VIH ou les Hépatites et connaître les expériences de ceux qui s'interessent à la maladie ! et c'est tout !
Le fait que certains se sentent agresser , vexer ou autre , reléve plutôt de 'plus belle la vie '' ou '' les Feux de l'amour '' ou d'un débat des sentiments totalement stérile !
Donner son point de vue telle qu'on le vit , honnêtement et sans juger ou essayer d'orienter ou de politiser son expèrience de la maladie me semble la chose la plus honnête à faire !
J'ai personnellement choisi de répondre sur des sujets interessants , à des jeunes et des gens qui ont besoin d'aide ou de connaître mon opinion sur tel ou tel sujet , tant que je peux donner une réponse rationnelle et fondée sur une information vérifiable ! (ex: lien issu d'internet )
Maintenant , je ne crois pas Messieurs Dames , que ce site soit fait pour se disputer ou s'insulter etc !! il y a assez de problèmes du à cette maladie pour en rajouter !!
Merci de m'avoir lu .
c etait long aussi !!!!!!
Merci Madame pour votre intéressant commentaire !
j'essaierai de faire aussi court et intéressant que vous , à mon prochain commentaire ! En espérant que ce soit d'un aussi grand intêret pour tous que ce que vous venez d'écrire !
Bonne soirée !
La maladie ne sanctifie pas ...!
En effet nous ne sommes pas "le bon sauvage" de Rousseau ! le "serovillage" angélique n'existe pas! on peut le regretter mais c'est ainsi ! ( on n'est pas obligé de tout lire ou de participer à tout ...!)
On peut le déplorer , mais l'échange virtuel sur seronet n'échappe pas à la règle de l'interagir, avec ses passions, ses propres frustrations aussi. Il faut bien admettre les limites aussi de ce type d'échange où l' on est souvent renvoyé à soi même ( le propre du net).
Je n'ai pas un avis sur tout, mais cela ne m'empêche pas de porter la contradiction dans un débat et d'être parfois dans la réaction .
La maladie ne sanctifie pas !
La bonne longueur ?
La bonne longueur des jambes, disait notre ami Coluche, c'est quand les pieds touchent par terre. La bonne longueur d'un billet, c'est quand il touche suffisamment celui qui le lit pour le faire réagir, ou mieux réfléchir.
J'adore les séronautes qui parlent de non jugement après avoir exposé que les autres sortent tout droit des feux de l'Amour ou de PBLV. Ne regarde pas la paille dans l'oeil du voisin mais la poutre qui est dans le tien, dit un vieux dicton de sagesse populaire.
Perso, je n'ai pas chois de "répondre à des jeunes", mais à tous et sur tous les sujets qui m'intéressent. le vih n'étant pas déconnecté de la vie en société : parler de politique c'est aussi intéressant que de parler de sport ou de cinéma.
J'arrête là pour aujourd'hui, je ne voudrai pas être trop long
Bon we de Pâques, que ce terme ait ou non une signifaction pour vous.
La bonne longueur d'un billet sur ce site c'est ..
...celle qui interesse les séronautes comme vous dîtes cher FRABRO , j'en conviens !et ce site sans être en dehors de la vie , répond tout d'abord à un type commun , c'est à la dire la maladie appelée SIDA et les Hépatites , n'est ce pas ?
Je faisais simplement allusion au fait que votre réponse , à des invéctives venant d'autres personnes sur ce site et à votre égard , n'avait pas vraiment d'intêret pour moi ! maintenant libre à vous de croire que cela peut interesser les lecteurs des commentaires sur un sujet précis !
J'ai choisi de rester courtois dans mes commentaires sans être agressif ! j'aurais aimé qu'il fût de même pour vous !
Pour autant que je sache , le SIDA est une maladie assez lourde à porter sans qu'en plus de cela , les invéctives soient la règle sur ce site entre gens affectés d'un même mal ! soyez assez aimable de rester zen !
Merci de m'avoir lu.
Stop!!!!
stop aussi
En revenant de Rome
J'ai trouvé ça sur le chemin, je vous l'offre :
Soledad, bonsoir.
Bof... pas besoin de retourner lire le blog de haut en bas!
Je n'aime pas tout ce qui ressemble à du manque de respect. Je m'en tiens éloigné autant que possible.
Et surtout, j'essaie de ne pas "jouer" dans ce registre-là. Parce que, précisément, je m'abaisserais à mon propre regard, en le faisant. Je le sais pour l'avoir expérimenté dans d'autres situations de ma vie, ailleurs qu'ici, en différentes circonstances, et avec des personnes qui étaient physiquement en face de moi.
Voilà! Je dis ça sans prétention et si ça peut faire réfléchir, tant mieux!
Belle fin de week-end.
Salut Nadicar...
Ton experience personnelle je ne la connais pas, je deteste le manque de respect et le mépris , les dicriminations aussi...
Mais si on me cherche on me trouve...
Bonne semaine à toi ...
Sol