Etrangers malades : rien ne va plus !

Publié par jfl-seronet le 23.04.2012
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observatoireEtrangers malades
Un court film dérangeant, fort, vif, imparable. Il fallait bien cela pour dénoncer la logique d’une politique. Il fallait aussi cela pour promouvoir la publication d’un rapport, le premier du genre, sur l’Observatoire étrangers malades mis en place par AIDES, il y a un an et demi. Les conclusions en sont accablantes. Et sur le terrain, la réforme du droit au séjour pour soins adoptée le 16 juin porte ses premiers fruits pourris. Seronet vous dit tout.
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Il est des inventaires dont on se passerait volontiers, tant les mots sont durs et la litanie honteuse : "Traques, persécutions policières, humiliations administratives, dénis de droit et préfectures aux conditions d’accueil indignes ponctuent désormais le quotidien des étrangers gravement malades vivant sur notre territoire. Résultat : de plus en plus de personnes broyées par la machine administrative et policière peinent à se soigner et risquent à tout moment l’expulsion vers la mort", explique AIDES, dans la présentation (19 avril) des conclusions de ce rapport. Mais avant d’en présenter les points marquants, il n’est sans doute pas inutile de revenir rapidement sur ce qui s’est passé.

La loi Besson : "Un mot, des morts"
Les ennuis ont commencé en juin 2011, malgré la mobilisation des associations, mais aussi de chercheurs, médecins, certains organismes officiels (Conseil national du sida, Conférence nationale de santé, etc.), la loi Besson (Eric Besson était alors ministre de l’Immigration et de l’identité nationale) est adoptée. Elle va considérablement vider de sa substance le droit au séjour des étrangers malades. "Il n’est désormais plus question de savoir si le traitement est "accessible" dans le pays d’origine : il suffit que le traitement "existe" quelque part dans ce pays pour permettre l’expulsion. Il aura donc suffi d’un mot, un seul petit mot pour la vie de milliers d’hommes et de femmes bascule. En instaurant cette subtilité lexicale et en soumettant la décision finale au bon vouloir des préfets, nous voici entrés dans le monde merveilleux de l’arbitraire, indique AIDES. Le régime de droit, strictement encadré, devient un régime de faveur. Selon la région, un étranger malade peut donc être "expulsable"… ou pas. Les disparités géographiques dans le traitement des dossiers, dont nous dénoncions déjà les effets en 2005, impactent désormais la vie même des personnes".

Premier rapport, mauvaise tendance
C’est le constat de l’inacceptable, au quotidien, dans les actions de soutien aux personnes étrangères séropositives, qui incite AIDES à mettre en place, fin 2010, un Observatoire étrangers malades. Le principe est simple : recueillir ce qui est constaté sur le terrain par les militants et les partenaires. "Le premier rapport issu de cet observatoire est fondé sur le suivi documenté de 155 situations individuelles, indique AIDES. Il révèle les difficultés croissantes d’accès au droit de séjour pour soins, et l’impact des conditions de vie, les droits et l’état de santé de ces personnes. Autant dire que le bilan d’étape dresse un tableau peu réjouissant du sort qui leur est réservé", indique l’association.

Double peine : le grand retour
La première chose qui saute aux yeux, c’est la double peine qui leur est infligée. Avec le durcissement des règles et l’excès de zèle de certaines préfectures, ils se retrouvent engloutis dans un dédale administratif semé d’embûches : files d’attente interminables, demande de pièces fantaisistes ou non prévues par la réglementation, rupture de confidentialité et du secret médical, constate l’association. Tout est fait pour décourager les étrangers malades de faire valoir leurs droits. Résultat, seule la moitié des sans-papiers atteints d’une maladie grave finit par obtenir une carte de séjour temporaire et cela au terme de démarches anormalement longues et pénibles. "Ce véritable parcours du combattant mine leur santé, leur barre l’accès à l’emploi et à des conditions de vie dignes. La menace permanente de l’expulsion, elle, plonge dans une clandestinité incompatible avec la maladie", indique le rapport de cet observatoire.

La santé… à deux vitesses
Et cela, c’est pour la partie la plus agréable. Car lorsque ça se passe mal, lorsqu’un préfet estime qu’après tout, la prise en charge de l’hépatite C "existe" en République Démocratique du Congo, alors c’est une toute autre machine qui se met en branle : la traque policière, l’arrestation puis l’expulsion. Jusqu’à aujourd’hui, la vigilance des associations a permis de limiter ces dérives. "Mais pour combien de temps encore ?", demande AIDES. Chiffres à l’appui, l’association rappelle que le dispositif préexistant à la loi Besson était strictement encadré. Les fraudes y étaient marginales, sinon inexistantes. Ce dispositif ne générait aucun appel d’air, contrairement à ce qui était dit, ni aucune "immigration thérapeutique", contrairement à un argument très souvent utilisé par l’actuelle majorité. En 2011, 29 000 personnes en bénéficiaient, dont 6 000 personnes porteuses du VIH, un chiffre stable depuis plusieurs années. "En remettant en cause ce dispositif, les parlementaires ont mis en danger la vie de milliers d’individus sur la sellette et bafoué les principes élémentaires de santé publique", explique Bruno Spire.  "Veut-on vraiment une santé à deux vitesses, qui trie les "bons" et les "mauvais" malades ? C’est pourtant ce qui se dessine derrière ce rapport : l’organisation latente d’un scandale sanitaire. Un démenti cinglant pour tous ceux qui louent la générosité du modèle républicain et la tradition d’accueil des étrangers à la française", indique AIDES.

La bonne claque du clip !
L’affiche de AIDES avec les cercueils ailés avait déjà fait parler. Il fallait une fois de plus faire fort pour dénoncer une politique dont AIDES estime "qu’elle n’a pas sa place dans un Etat de droit. L’agence TBWA/Paris a réalisé pour AIDES un clip, plutôt un court film qui explique aux spectateurs "la menace permanente qui plane désormais au dessus de la tête de milliers de personnes, dont la seule faute est d’être malade. "On voit émerger depuis de nombreux mois une stratégie nauséabonde qui consiste à désigner l’étranger malade comme un fraudeur, un fardeau, le responsable idéal du déficit de notre système de soins. Cette caricature est dangereuse, elle doit cesser", explique Bruno Spire, président de AIDES. Un message clair et direct à l’image du clip.

Commentaires

Portrait de Coeursauvage

"On voit émerger depuis de nombreux mois une stratégie nauséabonde qui consiste à désigner l’étranger malade comme un fraudeur, un fardeau, le responsable idéal du déficit de notre système de soins. Cette caricature est dangereuse, elle doit cesser", explique Bruno Spire, président de AIDES" Dans cette logique, il est à craindre que le malade tout court se verra bientôt stigmatisé par le simple fait qu'il est malade et qu'il coûte à la Sécurité Sociale. Les chômeurs coûtent à la société, les retraités coûtent à la société, les grévistes sont des trublions, des fauteurs de troubles, qui gênent ceux qui travaillent et font perdre de l'argent par leurs actions. Cette politique de droite qui prêche la dissension, le rejet, la culpabilité et qui brandit les peurs pour justifier sa politique d'austérité, personnellement, je n'en veux pas. Elle n'est pas constructive à long terme et place l'humain au énième rang des préoccupations, loin devant l'argent et les intérêts particuliers. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de tenter autre chose. Profitons de cet espace de liberté pour sortir de l'engrenage infernal qui finira par tous nous broyer.
Portrait de bernardescudier

Excellent cet artcicle ! Les évènements se corsent au gré des décennies qui passent. Et le sort des étrangers devient funeste. Les bataillons des défenseurs des étrangers se renforcent. J'en suis fort content. Je me rappelle la débandade des troupes citoyennes dans les années 90 ... Maintenant nous sommes unis ! Le travail est encore là ! Dans les jours qui viennent .... Bernard Escudier