En mouvement(s) !
Cet ancien vice-président (UMP) de l’Assemblée Nationale n’a pas regretté sa phrase, juste mentionné aux journalistes interloqués qui lui faisaient face : "Je dis ça comme ça". Outre la bêtise du propos, c’est sa triste banalité qui frappe, comme si une telle formule allait de soi et qu’elle ne portait pas à conséquences. Mais si, justement, elle porte à conséquences. Elle nourrit la discrimination, fait croire que le sida serait contagieux, renforce la sérophobie. Cette dernière, véritable fléau, se traduit d’abord par des mots, des phrases toutes faites, des formules stupides qui, répétées en boucle, lâchées sans réfléchir, font office de "vérités". Des "vérités" qui font le lit des pires abus. On pourrait ne voir dans cette affaire qu’une anecdote, on doit y voir le signe que le sida reste toujours à part. Cette sortie est comme un signal d’alarme, un de plus, qui nous indique qu’il ne faut rien lâcher, être sur la brèche en permanence si on veut que la société se transforme enfin, durablement, pour les personnes vivant avec le VIH et/ou les hépatites... dans l’intérêt de tous.
Cette transformation sociale, défendue par AIDES dès sa création, est un objectif. Elle donne au mouvement que nous sommes des obligations, dont celle d’innover. Innover, c’est imaginer des solutions renouvelées, qui tiennent compte des échecs précédents, les nôtres et ceux des autres, des pistes différentes, des stratégies inédites pour avoir un impact sur les épidémies de VIH et de VHC. L’innovation, c’est surtout proposer, créer sur la base de ce que les personnes que nous rencontrons nous disent et c’est le faire avec elles. C’est ce qui est fait, par exemple, avec le dépistage communautaire qui rend cet acte individuel et de santé publique plus proche, moins médical. Cela ne surprendra personne, mais pour innover, il faut réfléchir, bouger, changer, se remettre en question. En un mot : être en mouvement pour ne pas céder à la facilité, ni être dans la répétition. Comment peut-on espérer transformer la société si l’on reste, soi-même, figé ? Le mouvement ne se fait pas seul. A fortiori dans un groupe comme le nôtre qui n’entend pas faire à la place des personnes, mais avec elles. Ce credo, une de nos fondations, nous différencie. C’est notre plus-value, une force, un atout, la clef pour réussir. Pour cela, il faut mobiliser. C’est-à-dire proposer au plus grand nombre de devenir, eux aussi, tous ensemble, les acteurs du changement que les personnes vivant avec le VIH et/ou les hépatites exigent. Ce n’est pas facile, mais cela en vaut le jeu. Car cette mobilisation collective produit, régulièrement, des résultats. Qui peut croire que sans la pression des associations, dont AIDES, la décision de supprimer la taxe de 30 euros pour les bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat aurait été annoncée par le nouveau gouvernement ? Qui peut penser que sans la conviction, les initiatives des organisations non gouvernementales, dont Coalition PLUS (1), le traité ACTA sur la contrefaçon aurait été rejeté par le Parlement européen, début juillet. Sans ce travail, nous aurions hérité d’un traité mortel pour les personnes vivant avec le VIH dans les pays du Sud. Sur le front du VIH et des hépatites, la lutte est permanente. Tout ce qui est acquis courageusement, péniblement, demeure fragile. Des phrases immondes nous le rappellent, des attaques constantes nous le prouvent, des remises en cause de droits qu’on croyait assurés nous le confirment.
Nous n’avons pas le choix. Pour en finir avec ces saloperies de virus qui pourrissent nos vies depuis trop longtemps, il faut être mobilisés, nombreux. Bref, être un mouvement. Pour réussir, il nous faut, tel le requin qui ne respire plus s’il ne nage pas, avancer toujours, réfléchir beaucoup, progresser plus vite… Bref, rester en mouvement ! Qu’on comprenne bien, être en mouvement n’est pas une fin en soi, mais c’est se donner toutes les chances de réussir. Un penseur français du XVIIIe siècle, Vauvenargues, le disait déjà à sa façon : "L’activité fait plus de fortunes que la prudence".
Bruno Spire, président de AIDES
(1) Dont AIDES est membre fondateur.
- 3098 lectures
- Envoyer par mail
Commentaires
Contagion
Ce rappel
Vauvenargues (encore)
Une génération d'indécrottables ignares !!
ca fait peur...