Afravih 2016 : storytelling

Publié par Sophie-seronet le 26.04.2016
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La huitième édition de la conférence internationale francophone VIH/hépatites Afravih se déroule à Bruxelles du 20 au 23 avril. Cette conférence entend être un "carrefour essentiel pour le monde francophone du Nord et du Sud". C’est un événement important qui réunit de nombreux chercheurs et activistes du Nord et surtout du Sud. Seronet sera présent et proposera un compte rendu quotidien de la conférence.

La PrEP partout en avant programme

"C’est injuste que les homosexuels au Nord aient accès à plusieurs outils de prévention alors qu’au Sud, nous n’avons que le préservatif pour nous protéger du VIH. Pourtant, nous avons la même sexualité, les mêmes pratiques et revendiquons les mêmes droits. Dans la communauté gay du Cameroun, et notamment parmi ceux qui ont une sexualité très intense, on se rend compte que le préservatif n’est plus autant utilisé qu’avant. Il y a une certaine lassitude. Or, le risque d’infection au VIH reste très élevé. A Yaoundé, 44 % des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont porteurs du VIH. Un taux qui ne baisse plus depuis 2012. C’est donc en offrant une alternative au préservatif, telle que la PrEP [prophylaxie pré-exposition, ndlr], qu’on sera capable de réduire les nouvelles infections. Il est urgent d’agir pour sauver des vies". C’est ce qu’explique Serge Douomong Yotta, directeur exécutif de l’association Affirmative au Cameroun et porte-parole du réseau Africagay contre le sida. "Dans le cadre d’une étude clinique, j’accompagne deux cents hommes séronégatifs ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. En moins d’un an, quatre ont été infectés au VIH et sont désormais mis sous traitement. Avec la PrEP, ces contaminations auraient pu être évitées. Les méthodes classiques de prévention ne sont pas suffisantes. Mieux vaut investir en amont dans la prévention innovante et ciblée que de payer à vie des traitements", indique de son côté le docteur Alou Coulibaly, médecin à l’association Arcad-sida au Mali. Ces témoignages ont été recueillis par Coalition PLUS et font partie du dossier qui accompagne le lancement de la nouvelle campagne, "PrEParons un monde sans sida !" qui défend l’idée d’une PrEP accessible partout dans le monde.
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Les "Schtroumpfs" dynamisent l'ouverture

Une cérémonie d'ouverture de conférence internationale sur le sida, c'est un peu comme les Césars, c'est toujours un peu long (trop même) avec des prestations plus ou moins attendues et de vraies surprises. Celle de la huitième conférence Afravih n'a pas dérogé à la règle. Côté très bonnes surprises, il y a eu la présentation de Martine Peeters qui a dressé en quelques minutes une histoire (la vraie) de l'apparition du VIH. La chercheure de l'IRD à Montpellier a rappelé que l'épicentre de l'épidémie se situe en Afrique centrale à Kinshasa en 1960. Dans une présentation dense et claire, Martine Peeters a retracé l'histoire de la transmission du virus du singe au singe, puis du singe à l'homme. Elle a, présentant les analyses d'horloge moléculaire sur lesquelles elle et son équipe ont travaillé indiqué, que l'apparition du VIH1 datait des années 20 et celle du VH2 des années 40.
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"Changement et adaptation", pour parler d’une épidémie pas comme les autres

Ce deuxième jour de conférence a permis de se faire une idée de ce dynamisme. Commençons dans le champ thérapeutique, la docteresse Alexandra Calmy des hôpitaux universitaires de Genève a proposé une revue des traitements du VIH qui montre leur évolution au fur et à mesure de leur développement et de l’évolution des recommandations de traitement. En ce sens, une combinaison incluant une anti-intégrase tend à devenir la thérapie de choix et, demain, le développement de nouveaux types de molécules ou la manière de prendre son traitement (injection, implant, etc.) montre que les recommandations ne sont pas figées dans le marbre. La qualité de la prise en charge rime alors avec changement et adaptation.
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L'OMS renouvelle ses recos sur le VHC

Au symposium de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) consacré aux lignes directrices de l'OMS 2016 sur le diagnostic et le traitement de l'hépatite C, Stefan Wiktor, le patron du programme mondial des hépatites pour l'OMS, était un peu l'homme orchestre, tour à tour président du symposium (c'est celui qui donne la parole aux intervenants et assure les transitions entre les orateurs) et intervenant. Stefan a donc ouvert la session pour donner la parole à Wiktor ! Dans son intervention, le chef du programme mondial des hépatites a rappelé que son secteur avait trois objectifs principaux concernant le VHC. D'abord assurer un plaidoyer pour une action plus intensive contre le VHC, deuxièmement faire un travail pour développer des normes et des lignes directrices et enfin assurer une assistance technique aux pays. Question contexte, mais personne n'en doutait, on vit bien une révolution thérapeutique pour le VHC et on assiste à la guérison de l'hépatite C pour de nombreux malades. La guérison, c'est l'obtention de la RVS (réponse virologique soutenue). Effectivement, nous rappelle Stefan Wiktor, les progrès ont été saisissants. On est passé d'une RVS atteignant péniblement 6 % lorsque le traitement se limitait au seul interféron à des taux de RVS qui atteignent 90 % voire plus dans certains cas avec les nouveaux traitements : les antiviraux à action directe (AAD).
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Afravih : les migrants en question, stupeur et tremblements

Des applaudissements ? Aucun ! Pourtant, c'est le professeur Christine Katlama, la présidente de l'Afravih, qui vient juste d'intervenir. A la place, un silence glacé et gêné ; des chuchotements interloqués qui en disent long. Christine Katlama a souhaité intervenir dans la discussion générale lors du symposium que l'ANRS avait choisi de consacrer aux migrants d'Afrique subsaharienne et aux politiques migratoires, et notamment à leur impact pour le VIH et les hépatites virales. A la suite, de très bonnes présentations et des premiers échanges des invités à la table ronde, Christine Katlama a souhaité avancer vers des solutions concrètes. Pourquoi pas ? Mais le développement de ses arguments "concrets" a suscité un très net embarras. Pour faire court, elle oscille entre la limitation des flux migratoires et le retour au pays pour soins.
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"Bonjour docteur, Ah désolé je vous ai confondu !"

En premier lieu, nous pouvons nous interroger sur pourquoi se répartir les tâches et basculer ce qui peut être fait par des médecins à un moment donné à d’autres acteurs, ébranlant du même coup ce qui semblait "sacré", voir "intouchable" ? Tout d’abord, une nouvelle répartition des tâches vient en réponse à une couverture insuffisante des besoins quand les ressources manquent. On pense tout particulièrement dans les contextes où les personnes sont difficilement accessibles (géographiquement, mais pas seulement comme les populations clés les moins rejointes par les offres de santé), que le manque de professionnels de santé se fait ressentir ou encore que les centres de prise en charge sont engorgés. Ajoutons à cela, que la répartition des tâches peut aussi venir résoudre problèmes et conflits quand patients et prescripteurs ne sont pas sur la même longueur d’onde, on y reviendra.
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La clôture de Bruxelles… à Bordeaux

A l’instar d’autres conférences, l’Afravih 2016 a tenu du marathon. Pas moins de vingt-trois sessions orales, des symposiums, trois plénières et deux cérémonies (ouverture et clôture) et même des réunions hors conférence, comme le très passionnant symposium organisé par le Groupe sida Genève et deux CHU bruxellois sur les droits des malades étrangers en Suisse, Belgique et France (on y revient dans quelques jours). Et évidemment, l’ensemble des sessions avec des contenus plein comme un œuf : entre six et huit intervenants en une heure trente et un enchaînement, parfois mécanique, des présentations. C’est la loi du genre, une sorte de précipité de l’état des recherches, des projets, des revendications, des stratégies concernant la lutte contre le VIH/sida et les hépatites virales en trois jours complets.
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La précarité augmente le risque d’infection pour le VIH

(Brève) La précarité augmente le risque d’infection au VIH en France chez les migrants subsahariens. Ce constat, présenté lors de la conférence Afravih, est tiré des résultats de l’étude ANRS-Parcours réalisée en 2012-2013 (1). En Europe, les migrants sub-sahariens sont le deuxième groupe le plus touché par le VIH, en partie parce qu’ils ont pu être infectés dans leurs pays d’origine, mais aussi du fait d’infections survenues dans le pays d’arrivée. En France, on estime que 30 % des femmes et 44 % des hommes nés en Afrique sub-saharienne et suivis pour le VIH ont été infectés après l’arrivée, expliquent les chercheurs concernant le contexte dans lequel s’est déroulée l’étude ANRS-Parcours. Reste que les déterminants de l’acquisition du VIH après la migration sont mal connus. Leur objectif était donc de mesurer l’impact des conditions de vie dans le pays d’arrivée sur les comportements sexuels et l’acquisition du VIH. L’étude ANRS-Parcours est une enquête biographique rétrospective menée en 2012-2013 dans 74 structures de santé en Ile-de-France, auprès de trois groupes de personnes migrantes sub-sahariennes : 926 personnes suivies pour le VIH dont 296 infectées en France, 779 personnes suivies pour une hépatite B chronique et 763 n’ayant ni VIH ni hépatite B et consultant en médecin générale (groupe référence). Les auteurs de l’étude ont comparé "les types de partenariats sexuels vécus depuis l’arrivée en France selon le groupe d’étude (VIH acquis avant la migration, VHB chronique, Ni VIH ni VHB) et leurs associations avec les moments de précarité (absence de logement stable, de titre de séjour ou de ressources). Quels résultats ? La précarité est fréquente : plus de 40 % des personnes enquêtées ont vécu au moins un an sans titre de séjour, et plus de 20 % sans logement stable depuis l’arrivée en France. Les partenariats sexuels occasionnels ou concomitants ont été plus fréquents chez les personnes ayant acquis le VIH en France que dans le groupe de référence, 77 % des hommes VIH infectés en France ont eu des rapports occasionnels et 70 % des rapports concomitants versus 54 % dans le groupe de référence. Chez les femmes, 52 % ont eu des rapports occasionnels et 9 % des rapports transactionnels [par exemple des relations sexuelles en échange d’un hébergement, ndlr] versus 31 % dans le groupe de référence, expliquent les chercheurs. La probabilité de ces situations sexuelles augmente avec la précarité : Ne pas avoir de titre de séjour ou de logement stable augmente le risque de partenariats occasionnels et transactionnels. Les auteurs en concluent que : "Pour les migrants sub-sahariens, les difficultés d’accès à un titre de séjour et leurs effets sociaux augmentent les partenariats à risque et le risque d’infection VIH. Ces risques sont majorés pour les femmes par l’absence de logement".

(1) : Annabel Desgrées Du Loû (Ceped, IRD, Paris), Julie Pannetier (Ceped, IRD), Andrainolo Ravalihasy (Ceped, IRD), Anne Gosselin (Ceped, IRD), Mireille Le Guen (Ceped, IRD) Henri Panjo (Cesp, Inserm), Nathalie Bajos (Cesp, Inserm), Nathalie Lydié (Inpes), France Lert (Cesp, Inserm, Villejuif), Rosemary Dray-Spira (Iplesp, Inserm, Paris).

Perdus de vue : les résultats d’une étude de l’hôpital Pitié-Salpêtrière

(Brève) Un suivi au moins tous les six mois est recommandé pour les personnes vivant avec le VIH. Les personnes en rupture de suivi nécessitent un repérage systématique pour permettre leur retour dans le système de soins, expliquent les chercheurs pour situer les enjeux de cette recherche qui porte sur la prévalence et les caractéristiques des personnes vivant avec le VIH et perdues de vue au cours du deuxième semestre 2014 dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris. Il s’agissait pour les chercheurs d’évaluer la prévalence des patients réellement perdus de vue parmi les patients sans recours hospitalier depuis plus de six mois. Et d’autre part de caractériser cette population de personnes perdues de vue selon des critères médicaux, démographiques et psychosociologiques. Il s’agissait également d’évaluer la charge virale des personnes suivies, non perdues de vue, revenues en consultation avec un délai supérieur à six mois entre deux consultations. Cette étude observationnelle a été réalisée dans un unique centre hospitalier (Pitié-Salpêtrière à Paris). 3 000 personnes ont consulté au cours du premier semestre 2014, 336 (11 %) n'ont pas de recours enregistré au deuxième semestre. Les personnes pour lesquelles aucune information n’a été obtenue constituent la population des personnes perdues de vue. Après recherche, 34 personnes ont été classées perdues de vue : 10 % des patients non revus au deuxième semestre 2014 et 1 % du total de la file active. Les chercheurs ont retrouvé au cours de l’étude 302 personnes sur les 336 personnes qui n’avaient pas eu de recours à une consultation enregistrée au deuxième semestre, les 34 autres sont réellement perdues de vue. Sur les 302 personnes : 186 (62 %) sont revenues consulter en 2015 dont 157 spontanément : 59 dans un délai de 6 à 8 mois, 37 entre 8 et 10 mois, 35 entre 10 et 12 mois et 26 au-delà de 12 mois, dont respectivement 2 %, 11 %, 11 % et 15 % avec une charge virale supérieure à 50 copies/ml. 12 (4 %) sont revenues suite à un contact dans le cadre de l’enquête. 89 personnes (29 %) étaient suivies ailleurs en France, 16 personnes (5 %) étaient parties à l’étranger, 9 personnes (3 %) étaient décédées, 17 personnes (9 %) avaient eu un recours non enregistré, 1 personne était en détention et 1 personne ne désirait plus se faire suivre. Concernant les 34 personnes perdues de vue, leur âge médian était de 41 ans, 22 (65 %) étaient des hommes. 16 (47 %) étaient originaires d’Afrique subsaharienne, 27 (79 %) prenaient un traitement ARV, 9 (35 %) avaient une charge virale supérieure à 50 copies/ml. 41 % n’avaient pas de logement personnel, 35 % un problème psychiatrique, 26 % étaient en situation irrégulière, 26 % sans emploi, 21 % avaient déjà été en rupture de soins auparavant , 9 % consommaient du cannabis, 6 % consommaient une autre drogue, 8 % étaient atteints d’alcoolisme chronique, 6 % avaient fait un séjour en prison. Dans leur conclusion, les auteurs notent que la prévalence des personnes perdues de vue est faible : 1 % de la file active du premier semestre 2014. 8 % des personnes consultant avec un délai supérieur à six mois avaient une charge virale supérieure à 50 copies/ml. 12 (4 %) sont revenues grâce à une sollicitation dans le cadre de l’enquête. La prévalence élevée de marqueurs de précarité sociale et de comorbidité psychiatrique chez les personnes incitent à une prise en charge renforcée chez ce type de patients.

(1) : Nadine Ktorza (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris) , Amelia Denis (Corevih, Pitié-Salpêtrière, Paris), Rachid Agher (Corevih, Pitié-Salpêtrière, Paris), Christine Blanc (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris) ,Yasmine Dudoit (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris), Ludovic Lenclume (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris), Patricia Bourse (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris), Philippe Louasse (Corevih, Pitié-Salpêtrière, Paris) , Roland Tubiana (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris), Marc Antoine Valantin (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris), Christine Katlama (Service maladies infectieuses Pitié-Salpêtrière, Paris).

Afravih : MSF alerte sur le "prix de l’oubli"

Une chose assez simple à comprendre et dramatique quand on en mesure les conséquences : en matière de lutte contre le VIH/sida, le "combat est voué à l’échec sans une action d’envergure en Afrique occidentale et centrale". Autrement dit, il est illusoire d’espérer maîtriser l’épidémie de VIH/sida d’ici 2020 (il reste quatre ans !) si "la priorité n’est pas accordée à la lutte contre la maladie en Afrique occidentale et centrale (AOC), où la population vivant avec le VIH continue de souffrir inutilement et de mourir en silence". A l’appui de cette mise en garde, le rapport de MSF qui se penche sur la situation qui prévaut dans la région et qui décrit en détail les causes du manque de traitements dans trois études de cas : la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC) et la Guinée. "Ce que nous voyons aujourd’hui dans nos projets d’Afrique occidentale et centrale me rappelle parfois l’Afrique du Sud en 1999, quand les antirétroviraux n’étaient pas encore largement disponibles et que les patients que nous voyions étaient au seuil de la mort. Une décennie et demie plus tard, un trop grand nombre de patients en République démocratique du Congo, en Guinée ou en République centrafricaine nous arrivent en stade avancé de sida, ce qui est devenu relativement rare en Afrique du Sud depuis le milieu des années 2000. En Afrique occidentale et centrale, le sida est loin d’avoir disparu. Il ne disparaîtra pas tant que des mesures radicales ne seront pas prises pour accroître l’accès au traitement antirétroviral, et ceci avant que les individus ne tombent très malades", explique le docteur Eric Goemaere, qui vit en Afrique du sud.
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Anxiété, dépression : les résultats de Parcours

(Brève) Plusieurs études font état de fortes incidences de dépression chez les personnes immigrantes et chez les personnes vivant avec le VIH. Cette présentation (1) faite à partir des données de l’étude ANRS-Parcours avait pour objectif de présenter l'influence respective des conditions de la migration, des conditions de vie ainsi que des pathologies VIH et hépatite B sur l'anxiété et la dépression chez les personnes nées en Afrique subsaharienne vivant en France. La prévalence d’un trouble anxieux et dépressif sévère est élevée dans cette population comparativement à la population générale (1,5 %). Elle s’élève à 14,9 % dans le groupe des personnes migrantes vivant avec le VIH, 10,4 % dans le groupe des personnes migrantes vivant avec le VHB et 11 % dans le groupe de référence chez les femmes. Elle est, pour les hommes, de 9 % dans le groupe VIH, 6,5 % dans le groupe de VHB et de 4,5 % dans le groupe de référence. Pour les femmes comme pour les hommes : le chômage, le fait de n’avoir personne sur qui compter, le fait d’avoir déjà dormi dans la rue depuis l’arrivée en France et le fait d’avoir subi un rapport forcé au cours de sa vie augmente fortement le risque de développer un trouble anxieux et dépressif. Par ailleurs, chez les femmes, l’arrivée récente en France, les migrations liées à un problème de santé ou à une menace dans le pays d’origine entrainent plus de troubles anxieux et dépressifs. Chez les hommes, le fait d’avoir le VIH et le fait de ne pas avoir de titre de séjour comptent également parmi des déterminants des troubles anxieux et dépressifs, expliquent les chercheurs. Parmi les personnes vivant le VIH ou avec une hépatite B, plus de troubles anxieux et dépressifs ont été observés lorsque, du fait de soi-même ou de ces proches, il y a eu une distance vis-à-vis de l’entourage suite à l’annonce de la maladie. Les troubles mentaux communs sont fréquents chez les migrants subsahariens vivant avec le VIH et l'hépatite B en France notamment en cas d'éloignement des proches suite à l'annonce de la maladie, concluent les auteurs.

(1) : Julie Pannetier (UMR Ceped, Paris), France Lert et Nathalie Bajos (Inserm, Villejuif), Nathalie Lydié (Inpes, Saint-Denis ), Rosemary Dray-Spira (Inserm) Annabel Desgrées du Loû (UMR Ceped, Paris).

Migration et VIH : une double peine pour les femmes ?

(Brève) Les femmes migrantes d’Afrique subsaharienne sont le deuxième groupe le plus touché par le VIH/sida en France. A l’heure où le débat est engagé en Europe sur les conditions d’accueil des migrants et sur l’impact de la migration sur les vies des personnes, les chercheurs (1) de l’étude ANRS-Parcours ont voulu connaître, à partir des données de cette étude, les "impacts respectifs de la migration et du diagnostic VIH sur les difficultés que ces femmes, soumises ainsi à une "double peine", peuvent rencontrer en France. L’enquête ANRS-Parcours a permis de recueillir les parcours de vie de 433 femmes migrantes d’Afrique subsaharienne séropositives pour le VIH suivies dans 24 services hospitaliers d’Ile-de- France en 2012-2013. Les chercheurs se sont intéressés aux indicateurs suivants, année après année pour chacune de ces femmes : l’installation en France (logement, titres de séjour, activité) et le bien-être perçu. Puis les chercheurs ont mesuré les impacts de la migration et du diagnostic sur la probabilité d’accès à une activité, à un logement stable, à un titre de séjour, et sur le bien-être perçu. Résultats ? La migration a un effet délétère très fort sur l’activité professionnelle et le bien-être perçu : les probabilités de perte d’activité et de mal-être augmentent au moment de la migration. A partir de l’arrivée en France, le diagnostic VIH réduit le risque de perte d’activité et le mal-être. En revanche, le diagnostic VIH n’a pas d’effet sur l’accès à un logement stable et l’accès à un titre de séjour de longue durée ou à la nationalité française est plus rare lorsque le séjour est accordé au titre du soin d’une maladie grave, expliquent les chercheurs. La "double peine" des étrangers malades est surtout celle de la migration qui bouleverse en profondeur les trajectoires des personnes. Le diagnostic VIH, qui entraîne une prise en charge médicale et sociale, semble protéger la situation d’emploi et ne pas compromettre le bien-être", indiquent-ils. "En revanche, il ne déclenche pas d’amélioration des situations de logement. Si le titre de séjour pour soins est quasi systématiquement accordé aux étrangers en situation irrégulière lors du diagnostic VIH, il fait obstacle ensuite au droit au séjour long".

(1) : Anne Gosselin (Ceped UMR IRD, Paris), Andrainolo Ravalihasy (Ceped UMR IRD, Paris), Eva Lelièvre (Ined, Paris), Nathalie Lydié (Inpes, Saint-Denis), France Lert (Inserm, Villejuif), Rosemary Dray-Spira (Inserm), Annabel Desgrées du Loû (Iplesp UMRS 1136, Paris).

Migration et VIH : accès à une couverture maladie

(Brève) Un des déterminants majeur de l’accès aux soins est l’obtention d’une couverture maladie. L’objectif de ce travail (1) réalisé à partir des données de l’étude ANRS-Parcours était d’étudier les déterminants de l’accès et de la perte d’une couverture maladie parmi les immigrés d’Afrique subsaharienne après leur arrivée en France.
L’enquête ANRS-Parcours a été menée en 2012-2013 en Ile-de-France auprès de trois groupes de personnes nées en Afrique subsaharienne, vivant en Ile-de-France, tirées au sort : 749 personnes suivies à l’hôpital pour le VIH, 619 suivies à l’hôpital pour une hépatite B chronique et 547 consultant dans des centres de médecine générale (groupe référence). Les facteurs associés à l’obtention et à la perte d’une première couverture maladie ont été analysés année par année. Au moment de l’enquête, 2,9 % des personnes vivant avec le VIH, 4 % de celles vivant avec le VHB et 8,3 % des personnes n’ayant ni le VIH, ni le VHB et consultant dans des centres de médecine générale n’avaient pas de couverture maladie. Etaient bénéficiaires de la CMU : 21,9 % des personnes vivant avec le VIH, 18,6 % des personnes vivant avec le VHB, 22,3 % des personnes consultant en médecine générale. Etaient bénéficiaires de l’AME : 6,8 % des personnes vivant avec le VIH,  23,5 % des personnes vivant avec le VHB et 11 % des personnes consultant en médecine générale. Parmi les bénéficiaires de la sécurité sociale, 61,6 des personnes vivant avec le VIH, 67,8 des personnes vivant avec le VHB et 66,6 % des personnes consultant en médecine générale avaient une assurance complémentaire privée. La majorité des participants avaient accédé à une couverture maladie l’année de leur arrivée, sans différence entre les trois groupes. Les participants avaient plus de chance d’avoir accédé rapidement à une couverture maladie s’ils étaient arrivés envFrance après 2000. Cet accès était aussi facilité par le contact avec le système de soins à l’occasion d’une grossesse, d’une hospitalisation, du diagnostic du VIH ou de l’hépatite B, indiquent les chercheurs. Les freins à l’obtention de la couverture maladie étaient l’absence de titre de séjour et l’absence de ressources. Par ailleurs, la perte de la couverture maladie concerne 1 à 2 % des participants par an les quatre années qui suivent son obtention, et est associée à la perte ou l’absence de titre de séjour, indiquent-ils. L’accès à une couverture maladie est rapide pour la majorité des migrants après leur arrivée en France et semble s’être amélioré après la mise en place de la CMU et de l’AME en 2000 (date de la loi instituant ces régimes). La précarité sociale et/ou administrative constitue, quant à elle, un frein à l’accès à une couverture maladie, alors que les contacts avec le système de soins sont un facteur favorisant. La perte du droit au séjour est un déterminant important des ruptures de couverture maladie, concluent les chercheurs.

(1) Nicolas Vignier (Equipe de recherche en épidémiologie sociale, Iplesp, Inserm, UMR_S 1186, Paris), Olivier Bouchaud (Hôpitaux Universitaires Paris Seine Saint-Denis, Bobigny), Andy Ravalihasy, Anne Gosselin et Julie Pannetier (Ceped), France Lert (Inserm, Villejuif), Nathalie Bajos (Cesp), Nathalie Lydié (Inpes, Paris), Annabel Desgrées du Loû (Ceped, Paris), Rosemary Dray-Spira (Inserm).