Congrès AIDES 2017 : les discours

Publié par Rédacteur-seronet le 27.06.2017
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Les 17 et 18 juin, s’est tenu à Nantes le congrès national 2017 de AIDES. A cette occasion, Florian Valet, président de AIDES pays de la Loire, Aurélien Beaucamp, président de AIDES et Marc Dixneuf, directeur général de l'association ont prononcé des discours qui tracent certaines lignes de force de l’association dans la lutte contre le VIH, les hépatites virales et les IST.

Florian Valet : "Ne nous mettons pas de limites à la conception de la santé de demain"

"C'est au nom de tous les militants et militantes des Pays de la Loire que je vous souhaite la bienvenue au Congrès national de AIDES (…)
Je voudrais saluer la mémoire de Fatima Malki qui nous a quittés il y a deux mois et pour qui j’ai une tendre pensée militante.
Le congrès national est un événement majeur de notre association, un instant d'échanges et de partage, des échanges d'un instant, des regards, des sourires, de la joie.
Ce sont des moments de réflexion et de questionnements, de la confrontation d'idées, de la découverte, de l'envie de faire chacune et chacun dans nos régions respectives et de la volonté d'avancer ensemble une nouvelle fois dans une même direction : celle de la fin des épidémies de VIH et d’hépatites virales. Ces épidémies ne régressent pas, principalement par l'inégalité que subissent les personnes dans l'accès au soin, dans l'accès à l'information de santé, mais aussi dans le respect de leurs droits.

Une inégalité qui se renforce par les revirements politiques et les changements de priorité.
A l'occasion de la campagne présidentielle, nous avons assisté à la quasi-disparition des questions de santé dans le débat. Et aucun-e candidat-e n'a clairement affiché une direction convenable pour les personnes concernées.

Les priorités semblent ailleurs :
● Expulser les personnes étrangères malades parce qu'elles sont sans papiers, sans chercher leurs besoins et en laissant toute décision discrétionnaire au ministère de l'Intérieur semble être une priorité pour la sécurité des citoyens ;
● Pénaliser les clients des travailleurs et travailleuses du sexe, et donc précariser et isoler, sans connaître davantage leurs besoins semble être, selon une conception moraliste, une priorité pour l'égalité femme-homme.

Rien n'est jamais acquis et il nous faut revenir le plus vite possible sur ces deux mesures du quinquennat de François Hollande qui s'avèrent néfastes pour la santé des personnes.
Parce qu'aucune avancée notoire n'interviendra tant que la santé passera après la répression et les politiques sécuritaires liberticides et assassines.
Que dire des personnes consommatrices de drogues qui sont toujours considérées comme délinquantes et subissent les outrages de cette loi de 1970 tout autant que la suspicion des décideurs locaux qui, pour certains, refusent encore en Pays de la Loire l'installation de Totem et osent installer des caméras aux abords immédiats de locaux occupés par un Caarud ?

Que dire des personnes vivant avec le VIH ou une hépatite qui se voient encore refuser des soins et restent discriminées en raison de leur séropositivité ?

La SéroPride de tout à l'heure nous a permis de réaffirmer que les peurs envers les personnes séropositives sont infondées puisqu'une personne indétectable ne transmet plus le virus.

Que penser de la situation des personnes trans dont on empêche toujours le changement d'état civil libre et gratuit, au mépris de leur droit à l'autodétermination et au mépris des conséquences de précarité et de vulnérabilité face aux risques de contamination au VIH ?
Là encore les logiques d'impératifs sécuritaires, les considérations morales et la binarité immuable du prétendu ordre naturel consacrant les deux genres féminin et masculin prennent le pas sur la nécessité de voir aujourd'hui les personnes choisir librement leur identité, qu'elles se définissent comme femme, homme ou autre.

Nous avons fait le choix en Pays de la Loire d'héberger dans nos locaux de Nantes l'association Trans Inter Action qui partage les mêmes valeurs que AIDES et cet activisme féroce contre les injustices en matière de droits et de santé.

Nous devons continuer à agir pour toutes les personnes discriminées.

Nous devons continuer à agir pour nous, issus-es des communautés les plus exposées au VIH, aux hépatites virales et aux IST. Et pour que chaque personne que nous défendons puisse avoir accès à tous les moyens de prévention et de traitement sans jugement, ni priorité.

Nous avons cette responsabilité collective de permettre à chacun-e d'exprimer ses besoins et partager ses expériences en toute confiance.

Je pense que nous avons la nécessité de conserver la santé sexuelle au centre de nos préoccupations et de renforcer les capacités de chacun-e à prendre soin de soi dans un parcours coordonné complet de santé où les soignants, les intervenants communautaires et la e-santé collaborative s'articulent.

A ce titre, j'aimerais souligner le partenariat de AIDES avec l'association Renaloo, association de patients insuffisants rénaux, greffés et dialysés qui va inaugurer une nouvelle façon de répondre aux besoins des personnes avec une plate-forme collaborative de e-santé et qui trouvera une dynamique expérimentale, notamment en Pays de la Loire.

L'interconnexion entre les soignants, les associations et la e-santé sera le gage de réussite pour la fin des épidémies.

Des avancées importantes ont eu lieu ces dernières années dans les rapports entre soignants et soigné-e-s, mais malheureusement la volonté d'associer les personnes dans les parcours reste trop timide. Il est urgent de remettre la personne au centre des décisions de santé et de faire grandir les capacités de chacune et chacun.

La stratégie nationale de santé sexuelle nouvellement présentée doit être à mon sens saluée pour sa qualité et pour sa capacité à donner des directions favorables à l’entrée dans le soin et au suivi des personnes. A donner un cap qui guidera notre action commune jusqu’en 2030. Elle fait une place aux associations de santé et met en avant la collaboration de tous les acteurs et actrices.

Mais je me méfie des écrits !
J’ai envie d’actes forts de la part de chaque acteur et actrice de la santé VIH, hépatites et IST.

J’ai envie d’une adhésion sincère, certaine et sereine dès les toutes premières années.

N’attendons pas 2030 pour nous réveiller !

L’objectif ambitieux du "95-95-95" doit nous donner l’occasion de repenser nos conceptions, nos méthodes et nos interventions.

La tâche s’annonce difficile et longue, notamment en région où les enjeux de la lutte peinent à se faire entendre et à s’imposer véritablement.

J’en profite pour saluer madame Courrèges, ancienne directrice générale de l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire qui vient d’être nommée Directrice générale de l’Offre de soins au ministère de la Santé et lui souhaite tout le meilleur. En espérant que le soutien historique et fidèle de cette ARS envers AIDES soit aussi bienveillant dans les prochaines années.

Alors il y a les Corevih, aux missions étendues.

La place prise par ces derniers dans l’amélioration de la prise en charge du VIH est à souligner. Et leur nouvelle mouture augure à nouveau un challenge, un enjeu à la hauteur de nos espérances. Je souhaite que les Corevih poursuivent de manière effective la démarche de fin d’épidémie.
Je souhaite également que les Corevih opèrent une nouvelle évolution dans leur fonctionnement. En incluant de façon effective tous les acteurs et actrices et en mettant en place des temps d’échanges, des temps de travail et des temps de décisions adaptés aux intervenants associatifs non-salariés-es. J'ai la certitude que nous prendrons toute notre part pour faire vivre ces instances de démocratie sanitaire et relever le défi.

Le combat contre le VIH, les hépatites virales et les IST n'est pas simplement une question de prérogatives, n'est pas une question de conservation de ses propres tâches ou fonctions, n’est pas une question d’expertise mais bel et bien le partage des responsabilités et des actions en matière de prévention, de dépistage et de soin, le partage de la recherche et de l’évaluation. Partage entre les personnes, les intervenants communautaires et les soignants dans un lien de confiance qui garantit un choix de prise en charge pour les personnes.

Nous réalisons des dépistages rapides VIH et VHC, très bientôt les dépistages de 4ème génération et nous ne pouvons que nous en féliciter. La palette des outils de prévention ne cesse de s'agrandir et j'aime à penser que cette dynamique enclenchée va continuer, mais nous ne pouvons pas obtenir des autorisations de dépister de nouvelles IST tous les cinq ans… VIH en 2011, VHC en 2016, Syphilis en 2021… ? Impensable !

A quand l’implication des personnes dans les dépistages IST ?

A quand la gestion par les personnes d’auto-prélèvements ?

Quand ferons-nous collectivement confiance aux personnes concernées ?

Attendons-nous encore cinq ans et la fin des expérimentations concernant l’accompagnement à l’autonomie en santé pour largement diffuser cette idée et ces solutions qui fonctionnent ?
Nous le sentons, nous le vivons quotidiennement dans nos permanences et interventions.
En Pays de la Loire et à titre d’exemple, l’éducation thérapeutique du patient et la PrEP nous ouvrent la voie à la collaboration entre tous les acteurs et actrices de la santé.

Cependant :

Des efforts restent à accomplir dans la prise en charge des personnes les plus exposées au VIH, aux hépatites et aux IST dans les Cegidd.

Une collaboration soutenue est souhaitable, ainsi qu'une coordination uniforme sur le territoire.

Un chemin important reste à accomplir pour inclure plus de personnes dans un parcours PrEP. Encore trop peu d'entre elles bénéficient de cet outil dont les études scientifiques ont montré la pertinence et la réussite.

Les Corevih doivent se saisir de ce nouvel outil de prévention et mener une vraie politique pour sa diffusion.
Il n'est plus tenable de laisser le libre choix aux médecins infectiologues de proposer la PrEP ou non et a fortiori de la délivrer avec pour seul argument une défiance vis-à-vis des études scientifiques ou une opposition quasi morale.

Les personnes sont en attente et elles ont besoin de nous.

Agissons !

Ne nous mettons pas de barrières à l'imagination, à l'innovation et à la réalisation de nos rêves les plus fous en matière de santé sexuelle.

Ne nous mettons pas de limites à la conception de la santé de demain.

Les seules frontières qui existent sont celles déterminées par les personnes elles-mêmes. La sexualité amène à franchir des lignes et des limites. Notre devoir est simplement de nous adapter en mettant en œuvre tous les moyens utiles et pertinents.
La liberté et la santé de chacune et chacun n'ont pas de prix !
Nous sommes, toutes et tous, ensemble plein de ressources pour agir et faire bouger les lignes !

Grâce à la détermination des militantes et militants mobilisés

Grâce à la force de notre réseau et de nos partages."

Aurélien Beaucamp : "A nous d’aller plus loin et de toujours transformer davantage la société"

"Dans une dimension parallèle, j’aurais pu commencer mon intervention par une phrase bien sentie, assez alarmiste, assez catastrophiste même, qui aurait pu nous situer dans un avenir incertain suite aux élections présidentielle et législative de notre pays. Au final, celle qui incarnait tout ce contre quoi nous combattons ne sera pas amenée à exercer le pouvoir. Le pire a été évité, mais qu’en est-il du meilleur ? Qu’en est-il de la volonté politique de mettre fin aux épidémies de VIH et des hépatites en France et dans le monde ?

Nous ne pouvons pas nous contenter du bilan de ses élections. Pourquoi me direz-vous ? Revenons quelques mois en arrière si vous le voulez bien. Je veux parler des campagnes des primaires de droite comme de gauche puis de la campagne présidentielle en elle-même. Ce à quoi nous avons assisté n’est vraiment pas rassurant. Les thématiques portées par les candidat-e-s, qui s’en souvient aujourd’hui dans le détail ?

En ce qui nous concerne : la santé, la lutte contre les discriminations, les populations migrantes, l’aide au développement pour ne citer que ces exemples, qu’en reste-t-il ? Pas grand-chose, si ce n’est des enjeux financiers et économiques, loin des urgences qui nous mobilisent. Pas grand-chose, si ce n’est une opposition artificielle entre d’une part la prévention, le soin et le bien être des uns et des autres, et d’autres part des impératifs uniquement comptables.

Je pense sérieusement qu’il va nous falloir être vigilants pour maintenir nos acquis, mais aussi pour poursuivre cette transformation sociale indispensable pour mettre fin aux épidémies. Il va nous falloir aussi nous mobiliser davantage pour que les avancées que nous avons obtenues produisent leurs effets sur nos quotidiens. Je pense, par exemple, à une certaine normalisation de l’homophobie, de la transphobie et à la libération des paroles LGBTphobes, racistes et xénophobes. Je pense bien sûr à la récente affaire Hanouna, en fait "aux" affaires Hanouna, ou à d’autres émissions télé ou radio dites de grand divertissement, qui font leur audimat sur l’humiliation quotidienne de telle ou telle communauté. Je pense aussi au projet du ministère de l’Intérieur de faire la chasse aux fumeurs de joint et à tout usager de produits, tout comme la poursuite de la chasse au migrants, alors que l’urgence est ailleurs. A nous, avec d’autres, de faire la veille et de lutter pied à pied contre toutes ces situations d’injustice auxquelles nous sommes et serons encore confrontés.

J’évoquais il y a un instant les questions de prévention dont tout le monde parle comme une nécessité, mais où — force est de constater —, rien ne pourra être fait sans une vraie volonté politique. Je profite du message de la nouvelle ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de la présence de ses représentants du cabinet de la ministre et à la Direction générale de la santé.

La prévention, Madame la ministre, vous en avez fait votre thématique principale lors de votre première intervention publique. Vous aviez évoqué la nécessité d’une véritable politique volontariste en matière de prévention qui soit à la fois ambitieuse et qui puisse promouvoir la santé. Là-dessus, nous sommes bien d’accord, mais encore faut-il qu’elle ne s’adresse pas uniquement aux seuls soignants et professionnels de santé. Les associations de patients et leurs militant-e-s sont encore trop oubliés et encore trop peu associés à ces stratégies de prévention.

Plus particulièrement, pour ce qui nous concerne dans la lutte contre le VIH/sida, l’accès aux différents moyens de prévention, le préservatif bien sûr, mais aussi le gel, la matériel de réduction des risques et de dommages et maintenant la PrEP, doit être facilité partout sur le territoire. En quantité, en multipliant les lieux d’accès, mais aussi en qualité avec un accueil non jugeant et bienveillant et avec un accompagnement communautaire.
Le dépistage et la mise sous traitement sont aussi des leviers majeurs de prévention. Un dépistage précoce permet une mise sous traitement rapide. Une fois en charge virale indétectable grâce aux traitements, les personnes ne transmettent plus le virus. Or en France, plus de 25 000 personnes ignorent toujours qu’elles vivent avec le VIH : c’est trop ! Les occasions de se dépister doivent se multiplier. Pour celles et ceux qui sont séronégatifs c’est l’occasion d’un échange de prévention pour le rester, et pour les personnes séropositives dépistées, c’est l’opportunité d’un accompagnement rapide vers le traitement et la prise en charge globale. 
Cette priorité sur le dépistage et la mise sous traitement précoce ne doit pas nous faire oublier les batailles qu’il nous reste à mener pour et avec les personnes vivant avec le VIH ou une hépatite. La sérophobie n’est pas un combat dépassé, bien au contraire. Des refus de soins aux difficultés d’accès à l’emprunt en passant par les soins funéraires ou les "inaptitudes au terrain" systématiques chez les gendarmes et les pompiers, ces discriminations sont tenaces, et parfois pernicieuses. Ces dénis de droits sont le fruit de conception datée, et anachroniques. Elles sont autant d’humiliations quotidiennes. Nous ne devons pas relâcher ces combats-là, pas tant que nous ne serons pas venus à bout de ces discriminations.

C’est également la raison pour laquelle nous travaillons avec les usagères et usagers de drogues, avec les personnes immigrées étrangères, avec les travailleurs et travailleuses du sexe qui n’ont généralement pas accès au dépistage notamment dans le cadre des politiques répressives qui nuisent à leur santé et sur lesquelles nous souhaitons une évolution. C’est dans cette voie qu’il faut intensifier les efforts. Il n’y aura pas de fin de l’épidémie sans rompre avec certaines approches répressives.

Je pense particulièrement aux politiques migratoires qui, aujourd’hui, éloignent les personnes étrangères en situation irrégulière des lieux de prévention et de soin.

Je ne peux pas NE PAS DIRE un mot du recul inimaginable que nous vivons en ce moment. Vous le savez : les expulsions des personnes malades se sont multipliées lors du dernier quinquennat, et l’accès au titre de séjour pour soins est toujours entravé par une multitude de dérives. La plus récente, c’est la tutelle du ministère de l’Intérieur sur l’évaluation médicale. Quelle garantie avons-nous que la santé publique et le droit des personnes seront pris en compte alors que l'objectif principal de ce ministère est de "contrôler" les flux migratoires ? Les contrôles systématiques de la sérologie désormais imposée aux personnes vivant avec le VIH, uniquement motivés par le soupçon de la fraude, ne sont pas là pour nous rassurer.

Je pense aussi aux usagères et usagers de drogues, qui restent aujourd’hui particulièrement exposés. Or malgré la mise en place de dispositifs innovants de prévention, comme les espaces de consommation à moindre risque ou les programmes d’éducation aux risques liés à l’injection, la criminalisation des usagères et des usagers perdure. Cette approche archaïque héritée de la loi de 70 les maintient dans une forme de clandestinité et de précarité sociale incompatibles avec un accès satisfaisant à la prévention, au dépistage et aux soins.

Il est temps aussi de faire respecter la loi quand elle est juste, et notamment le principe d’équivalence de soins. Je pense bien sûr à l’accès aux programmes d’échanges de seringues en prison. Le corporatisme et le manque de courage politique nous ont amené à une situation sanitaire terrible. En France, en 2017, on s’injecte en prison avec des stylos détournés ou des aiguilles souillées, et l’administration pénitentiaire ferme les yeux. Elle ne veut pas voir de seringues dans ses murs. Pourtant, l’évaluation de TOUS les programmes d’échanges de seringues en prison montre non seulement une absence d’incidents, mais également une amélioration de la situation sanitaire des détenus injecteurs. Il ne manque qu’un peu de courage politique pour que la France cesse d’être la vieille tante réactionnaire de la politique des drogues.  Madame la ministre, vous venez de faire une subtile référence sur ces programmes d’échange de seringues en prison : dont acte, nous espérons pouvoir compter sur votre courage politique pour mettre un terme à cette situation injuste et inacceptable pour influencer le ministère de la Justice et sa direction pénitentiaire.

Je n’oublie pas non plus les travailleurs et travailleuses du sexe. Les concernant, les gouvernements se suivent et se ressemblent avec un objectif : invisibiliser. Et un moyen d’y parvenir : la répression. L’impact de la répression sur la discrimination, l’isolement et donc l’accès à la santé a pourtant été démontré scientifiquement. De nombreuses études ont dénoncé cette dérive. Mais rien n’y fait. Aucun argument rationnel n’a empêché la promulgation de cette loi de pénalisation. Nous en voyons déjà quotidiennement les effets délétères dans nos actions : des violences, des négociations sur les moyens de prévention, sur les pratiques et les tarifs, et un isolement toujours plus grand. Nous ne pouvons pas subir sans réagir : il est temps de mettre fin à cette hypocrisie. Il est temps d’arrêter de prétendre lutter contre la traite sans accès aux titres de séjour et avec dix euros par mois.

Qu’il s’agisse d’accueil des immigrés étrangers, d’usages de drogues ou de travail du sexe, il est temps de faire évoluer notre société sur ces questions, sur ces facteurs intolérables de fragilités, pour que la santé des personnes prime enfin sur une approche idéologique et totalement inefficace.

On parle depuis quelques années de fin d’épidémie aux alentours des années 2030. C’est un grand espoir qui est suscité pour nous tous. Vous le savez tous, nous avons tous les outils pour mettre fin à cette épidémie, je ne vous apprends rien.

Mais souvenez-vous, je parlais de vigilance en introduction. Il faut l’être vigilant, car les conditions sont encore loin d’être réunies pour parvenir à cet objectif de fin d’épidémie. Bien sûr dans l’esprit de certains, le VIH, le sida, c’est déjà du passé, on en fait même des films avec un certain succès. Ou pire ça n’aurait d’ailleurs jamais existé selon certains… et pourtant en France nous comptons toujours entre 6 000 et 7 000 contaminations chaque année. A l’échelle du monde, c’est environ deux millions de nouvelles contaminations par an, et deux morts du sida chaque minute. Cela fait maintenant dix minutes que j’ai pris la parole… 20 morts… Alors évidemment, nous avons les outils pour en venir à bout, et même des modèles statistiques bien ficelés comme cette fameuse cascade des trois 90… Mais pour y parvenir, il nous faut plus que de la théorie, il nous faut des moyens pour dépister et traiter, le plus précocement possible. C’est la base de la lutte, et je considère que parfois nous l’oublions.

Le nerf de la guerre, par ailleurs, nous le savons : c’est l’augmentation indispensable des financements pour dépister et mettre sous traitement.  Dans notre pays, des efforts restent à faire. Récemment, en région Occitanie, où l’épidémie est très dynamique, des coupes budgétaires ont été réalisées par l’Agence régionale de santé. Il n’est pas concevable de réduire le financement sur cette région du point de vue de la prévention, de l’accompagnement des communautés et du suivi des personnes vivant avec le VIH et/ou une hépatite. C’est un très mauvais signe envoyé en ce début de quinquennat. 
Sur les financements internationaux A l’heure où la majorité des pays occidentaux ont augmenté leur contribution au Fonds mondial pour parvenir à un monde sans sida, la France a, au contraire, annoncé fin 2016 qu’elle n’augmenterait pas sa participation à l’effort collectif.

Pire, dans les faits, elle sera même amenée à réduire sa participation grâce à un habile tour de passe-passe comptable, glorieusement orchestré par les services de Bercy. Quel est le sens de ces contorsions au regard des engagements pour un accès universel aux traitements ? Comment allons-nous faire mieux et plus, avec moins, alors que les outils internationaux de lutte contre le VIH/sida sont déjà reconnus comme étant les plus efficaces, les moins coûteux ?

Dans le même temps, et je salue particulièrement la persévérance de Coalition PLUS, nous avançons très doucement, trop doucement, sur des financements innovants comme la taxe sur les transactions financières (TTF). Cette taxe, elle permettrait de dégager des marges de manœuvre colossales et pourtant quasiment indolores pour la santé mondiale. J’ai cru comprendre d’ailleurs très récemment que notre nouveau président, Emmanuel Macron, s’était positionné en faveur de la TTF européenne. J’ose espérer que ce ne soit pas qu’un simple effet d’annonce.

Ces moyens sont nécessaires, mais nous savons aussi que l’argent seul ne suffit pas. Pour lutter contre le sida, il faut aussi s’attaquer à toutes les discriminations. Force est de constater, et vous êtes les premiers à l’observer au quotidien, que tous les indicateurs sont aux rouges : épuration communautaire en Tchétchénie contre les populations gays, libéralisation de la parole homophobe, lesbophobe et transphobe, rejet de tout ce qui est étranger ou différent…

Autant de situation qui me font douter que nous ne parviendrons pas à cette fin d’épidémie sans réelle volonté politique nationale et internationale ! Je crois sincèrement que ce sont des mobilisations comme la SéroPride de cet après-midi [un événement proposé par AIDES dans un parc de Nantes en amont de l’ouverture du congrès de AIDES, ndlr] qui contribuent à visibiliser et faire exister les situations discriminantes comme la sérophobie, et auxquelles la sphère politique doit s’intéresser.

Revenons cependant à notre congrès. C’est ici pour nous l’occasion de réaffirmer qui nous sommes, ce que nous portons, pourquoi nous le faisons et ce que nous voulons changer dans la société.  C’est dans ce cadre que ce Congrès s’organise autour des frontières de la lutte.  Au travers de ce programme riche que vous avez déjà pu découvrir, nous avons souhaité explorer notre histoire, nos actions et la façon dont notre belle association a grandi et su s’adapter aux évolutions de la lutte contre le VIH/sida, les hépatites et contre les discriminations. Car répétons-le chacun a le droit à sa différence. C’est ce qui fait notre base et notre caractéristique à travers notre approche communautaire depuis 33 ans. C’est à partir de là que nous avons été et sommes actrices et acteurs de la transformation sociale.

Sans jugement, sans représentation, auprès de toutes les populations avec lesquelles nous intervenons, nous faisons progresser les droits. Nous continuons, combats après combats, à repousser nos propres frontières en termes de plaidoyer. D’une association de soutien et d’aide aux personnes vivant avec le VIH, nous nous sommes investi-e-s dans la démocratie sanitaire, nous nous sommes battu-e-s pour obtenir tous les outils de prévention nécessaires à la lutte contre cette épidémie qui continue. Tout cela grâce à des générations de militantes et de militants qui se sont relayés et ont fait que la voix de AIDES porte et soit entendue.  Je voudrais dans ce cadre saluer particulièrement notre président fondateur Daniel Defert. Je suis très heureux qu’il nous honore de sa présence pour ces trois jours de mobilisation politique.

Je parlais de frontières tout à l’heure. Mais quelles frontières dans notre lutte contre le VIH/sida ? C’est toujours difficile de délimiter ce qui relève de nos actions et ce qui relève d’autres thématiques. Chacune et chacun l’avons remarqué dans nos territoires d’action, nos régions, notre pays, notre planète. La lutte contre le sida n’a pas de frontières. Le virus ne s’attache pas une catégorie de population plutôt qu’une autre, à un pays plutôt qu’un autre, un jeune plutôt qu’un plus vieux, un homme plutôt qu’une femme, une personne cisgenre plutôt qu’une personne transgenre.

En revanche, il discrimine selon les situations de vulnérabilité, d’exclusion, de discrimination voire de criminalisation. Et c’est là qu’une association comme AIDES est centrale pour faire le lien avec ce que nous apportent les communautés que nous rencontrons auprès des pouvoirs publics, en relation avec les autres associations, auprès des médias.

Nous avons gagné énormément de choses ces dernières années : accompagnement thérapeutique du patient, la PrEP, les salles de consommation à moindre risque, la démocratie sanitaire, les soins funéraires (ça ne saurait tarder), l’égalité des droits pour les couples gays et lesbiens… charge à nous d’aller plus loin et de toujours transformer davantage la société.
Je vous souhaite un merveilleux congrès qui, je le sens, va être passionnant et surtout militant."

Marc Dixneuf : "Nous n’avons pas le droit, ni le temps, de nous installer dans la routine"

"Des discours, des prises de parole en public, j’en ai fait un bon paquet, jamais trop impressionné. Là, ce n’est pas pareil. Vous êtes impressionnants. AIDES est une association de tout premier plan et pas qu’en France. C’est grâce à vous. Vous portez la lutte d’une manière unique. Me retrouver là m’impressionne.
Evidemment, je ne peux pas commencer sans dire un mot de Vincent [Pelletier, ancien directeur général de AIDES, ndlr] qui m’a précédé à cette place. Ça aussi, c’est un peu impressionnant. Sous son impulsion, AIDES est devenue ce qu’elle est, sans jamais perdre de vue la démarche communautaire. Evidemment, les choses ne dépendent jamais d’une seule personne ; pour autant, et personne ne le contestera, il a durablement imprimé sa marque. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a façonné AIDES à son image, ce serait un peu trop biblique et pas assez bouddhiste, mais quand même. Alors lui succéder à cette place n’est pas une mince affaire. Quand il est venu me chercher, je ne m’attendais vraiment pas à cela. Heureusement, il n’est pas vraiment parti, puisqu’il est directeur général de Coalition PLUS, et surtout Christian [Andreo, directeur général délégué, ndlr] est là, présent à mes côtés, sans faille, et je l’en remercie (…).

Ces dernières semaines en France, nous avons eu droit à un spectacle très intéressant avec les élections. Nous avons pu voir comment des organisations politiques disparaissent parce qu’elles ont oublié pourquoi elles étaient là et ce que l’on attendait d’elles. Qui les a remplacés, ce n’est pas mon propos. Elles étaient si sures d’elles, de leur force, de leur place, de leurs idées. Elles se sont mises à croire aux histoires qu’elles se racontaient. Je pense que pouvons en tirer quelques leçons. Nous devons rester politique, nous devons regarder les faits en face, même ceux qui nous ennuient, et ne pas oublier qui nous sommes.

Nous sommes nous aussi une organisation politique, Daniel Defert l’a expliqué dans son intervention. Etre politique, c’est se mêler des problèmes de la société, se rassembler pour proposer des solutions, les faire inscrire dans la loi, les mettre en œuvre. C’est ce que nous faisons. Il n’y a pas que les partis ou les syndicats qui sont politiques. 
Evidemment, nous sommes aussi différents d’eux. Cela a été rappelé par Gérard Raymond [vice-président de l’Unaass et président de l’Association France Diabète, ndlr] qui a souligné "nos amis syndicats ouvriers ont voté contre" le financement de l’Unaass [qui représente nationalement les usagers de la santé, ndlr]. 
Notre différence, c’est que nous nous donnons les moyens d’agir. Non seulement, nous avons un avis sur ce qu’il faut faire, mais en plus nous le faisons.
Alors, pour rester politique il faut rester animé par le désir de transformation sociale, rester en mouvement.

Le mouvement, c’est une manière d’être. C’est la démarche communautaire, une manière de penser l’action. Nous devons essayer des choses nouvelles. L’innovation, ce n’est pas nécessairement un nouvel outil révolutionnaire, c’est aussi changer une manière de faire, sortir de la routine, accepter d’arrêter une action, qu’on aime bien, pour en imaginer une autre, qui peut faire un peu peur. Je pense, par exemple, au porte à porte pour le dépistage que plusieurs lieux de mobilisation de AIDES en Ile de France ont mis en œuvre ou les actions Chemsex en Occitanie. Et il y a d’autres exemples. Nous avons le droit d’essayer de nouvelles actions, en restant dans notre cadre, nous avons le droit de nous tromper. Changer une manière de faire, ce n’est pas renier la manière précédente, ni dire que l’on a mal fait. L’épidémie et les besoins changent, nous devons répondre à ces changements.

Nous n’avons pas le droit, ni le temps, de nous installer dans la routine. Nous pouvons même envisager des actions dont le cadre juridique n’existe pas, pour autant qu’elles répondent aux besoins des personnes et qu’elles sont définies collectivement.

Nous savons réagir. Nous avons été très réactifs sur la formation aux Trod VHC pour être prêt le plus rapidement possible. Nous l’avons montré encore cette semaine avec le numéro d’appel sur le Chemsex, c’est une des plus belles démonstrations. Les exemples sont nombreux. 
Nous avons changé pour être meilleur dans la recherche et le plaidoyer avec la création d’une direction plaidoyer, avec une place nouvelle pour la recherche dans AIDES en lien avec la direction recherche de Coalition PLUS. La collecte innove tout azimut, avec la Love baguette en 2017 que nul ne peut ignorer, c’est un peu comme la loi (…).
Nous avons su aussi répondre aux changements dans les financements publics. J’en dis un mot parce que je pense que cela illustre en partie un mouvement auquel il va falloir s’adapter, quoi que l’on pense du modèle. L’année écoulée, nous avons vu arriver les Contrats à impact social. Qu’est-ce que c’est ? Vous proposez une action à impact social, agir sur une épidémie par exemple, un gros investisseur privé finance votre action, vous mesurez les résultats. Si les objectifs sont atteints, l’état rembourse l’investisseur avec une prime. C’est original. C’était géré par le ministère des Finances, les actions en santé étaient éligibles, le ministère de la Santé n’était pas au courant… Le président de la République doit trouver bien que ça marche comme ça. Ce n’est pas très grave. Nous avons toujours su nous adapter et nous allons continuer.

Bien sûr, il faut changer pour le sens que cela a, pas changer pour le plaisir. Ce qui fonctionne, il faut le maintenir.

Il faut rester politique aussi dans notre mode d’organisation. Avec des volontaires formés, électeurs et électrices, et pour certains élu-e-s avec des responsabilités politiques. Avec des salarié-e-s, certain-e-s plus spécialisé-e-s que d’autres, et d’autres avec des responsabilités organisationnelles. Toujours, il faut veiller au recrutement communautaire. C’est vital. Nous sommes différent-e-s, mais avons tous la même base. L’ensemble des militant-e-s, volontaires ou salarié-e-s, a en partage l’engagement, la possibilité de proposer, d’animer. La formation initiale, c’est le moment où il est évident que notre diversité est notre force, que nous sommes toutes et tous militants. Pourtant, nous avons des fonctions distinctes, et je voudrai en dire un mot.

Un mouvement social, dans son organisation, c’est la recherche des équilibres internes, en permanence. Les équilibres entre salarié-e-s et volontaires sont au service de nos objectifs. Nous avons des fonctions et des responsabilités distinctes selon ce que l’on regarde. Sur le plan des idées, des propositions, de l’engagement, le militantisme ne fait pas de différence. Et c’est bien pour cela que nous disons militant-e-s volontaire-ou-salarié-e-s. Sur le plan politique, celui des orientations, des prises de positions, c’est le rôle des volontaires, électeurs et électrices, élus, membres des instances. Faire fonctionner une machine qui permet d’avoir les moyens de ses ambitions, alimenter la réflexion des instances de gouvernance, c’est le rôle des salarié-e-s. Bien sûr, il faut partager les réflexions entre nous. Il y a des situations où les élu-e-s se retrouvent en soutien des salarié-e-s, et d’autres où des salariés-e- sont en soutien des instances. Ce sont des situations particulières, parfois elles sont inévitables. Mais restons sur les principes.

Volontaires ou salarié-e-s, quand nous sommes élu-e-s de territoire, région ou au conseil d’administration, ou responsable ou directeur ou directrice, ou à la direction générale, nous avons des responsabilités distinctes. Cet équilibre des responsabilités, c’est ce qui a été perdu par ces partis qui s’effacent. Ces organisations où le ou la salarié-ee est l’élu, l’élue est le-la gestionnaire. L’organisation n’est plus au service d’un projet, mais seulement de ses élu-e-s et de ses salarié-e-s, on est attaché à elle uniquement pour ce qu’elle nous apporte et on n’est plus au service de son projet. 
A AIDES, nous savons nous préserver de ces travers et maintenir ces équilibres. Parfois c’est très dur, je le reconnais. Mais il faut continuer. Bien sûr nous agissons ensemble, de concert. Cet équilibre des responsabilités, c’est aussi l’équilibre des pouvoirs. Le pouvoir du CA et celui de la DG ne sont pas les mêmes, les responsabilités ne sont pas les mêmes, ce que l’on doit assumer, les uns ou les autres, diffère. Il faut l’accepter et se le dire.

Pour rester une organisation politique, il faut se donner les moyens de la liberté, avoir des marges de manœuvre financières, rendre possible les innovations, aménager les espaces pour créer.  Cela passe comme souvent par des choses peu visibles au quotidien : augmenter nos ressources, améliorer la gestion, faciliter le travail des militant-e-s. Nous devons continuer à consolider notre organisation. Le renforcement des outils de pilotage et de gestion assure la stabilité de AIDES au service des projets imaginés par les militant-e-s. Alors évidemment Concur, l’Extranet, l’achat en ligne, Lyreco, les demandes d’engagement de dépense, cela peut sembler un peu pesant. Evidemment, il faut ajuster et roder les outils. Mais nous ne sommes pas là pour perdre notre temps à faire les courses au supermarché, nous sommes là pour faire face à une épidémie. Tout ce qui nous libère de ces questions logistiques nous renforce. Il faut aussi offrir aux élu-es les informations les plus justes pour leur permettre de mieux décider. Cela permet aux conseils de région et au conseil d’administration d’avoir les informations qui alimenteront leur réflexion que ce soit pour les actions ou les choix d’orientation des budgets. 
La structuration et la rigueur dans la gestion ce n’est pas une question de principe, mais la manière de renforcer nos actions.

Il faut regarder les choses en face et ne pas oublier qui nous sommes.
Nous affichons des ambitions, un rôle, une place qu’il faut assumer. Donc le défi d’aujourd’hui c’est aussi nous-mêmes. 
Aujourd’hui vient un moment particulier, il faut finir le travail et ne pas s’endormir sur nos victoires. La fin est à portée de main. Nous avons voulu des outils, TROD, PrEP, Accès universel au traitement VHC ... Nous les avons eus.  "Tu l’as voulu, tu l’as eu !". Vous connaissez peut être l’expression : "T’as voulu un vélo ? Tu l’as. Maintenant pédale !"
Il va falloir pédaler. Ces outils, il va falloir s’en servir, aller au bout de la logique de la prévention diversifiée. La mettre en œuvre totalement, pleinement pour casser l’épidémie. 
C’est difficile d’avoir cet impact, Florian Valet l’a très bien rappelé dans son discours d’ouverture.

Le ciblage, c’est facile à écrire, c’est un peu plus compliqué à faire. 
Il faut regarder les chiffres en face, le retard au dépistage, donc dans l’entrée dans le soin, est important dans tous les groupes même chez les gays.
Le dépistage est à la base de tout ! Alors oui, c’est essentiel dans nos actions. Sans dépistage, pas d’entrée dans le soin, donc pas d’effet TASP. Sans effet TASP, la PrEP est sans intérêt au plan collectif. Bref, sans dépistage, pas de fin du sida. Vous avez compris, on ne va pas cesser d’en faire, beaucoup. Si on se raconte une autre histoire, la fin du sida n’a pas fini de durer.
Nous savons que le traitement prévient la prévention, pour autant il ne faudrait pas se raconter d’histoire et croire que cela règle tout. Rien n’est réglé en fait. Le Tasp n’est pas arrivé jusqu’à tous les soignants, la sérophobie est bien présente. 
Les débats sur le prix des médicaments comme les luttes pour les droits montrent qu’il reste des combats importants à mener avec les personnes vivant avec le VIH ou une
hépatite.  Enfin, il ne faut pas s’oublier : ne pas oublier que nous sommes une organisation de séropos, de trans, de noir-e-s, de gays, de femmes, d’UD, de TS, de lesbiennes, de migrant-e-s, d’hommes. [AIDES c’est un truc de malades comme dit une de nos affiches]. Ne pas oublier que nous avons pour projet de mettre fin à l’épidémie de VIH et des hépatites.

Je voudrais terminer avec quelques idées simples. 
Assumer ce que nous sommes, c’est aussi ne pas craindre de faire avec d’autres. Daniel Defert a rappelé les débuts de AIDES où AIDES a fait avec d’autres. Là aussi, c’est une question d’équilibre. Compte tenu de notre position, nous devons permettre les équilibres entre les acteurs de la lutte. Il faut faire avec les partenaires comme nous faisons avec les personnes (…) Nous ne mettrons pas fin à l’épidémie en France si nous ne travaillons pas avec nos voisins européens, dans les Antilles pour la Guyane. Nous devons avoir des actions conjointes. Nous devons utiliser les plateformes de Coalition PLUS : la plateforme Europe que nous portons et la plateforme Amérique qui émerge (…) 
Notre défi est donc d’articuler une vision un peu industrielle de la réponse à l’épidémie : dépister tôt, traiter tôt, arriver à une charge virale indétectable, mettre le plus de personnes sous PrEP. Articuler cette vision à notre démarche communautaire, en respectant l’autonomie des personnes. Il va falloir discuter des différentes manières de faire du dépistage. Les équipes de l’association GAT au Portugal se posent les mêmes questions. Partageons nos réflexions entre membres de Coalition PLUS.

La vie associative et les actions de AIDES ne commencent pas le 1er janvier pour cesser le 31 décembre. Il faut mieux programmer l’une et les autres. Envisageons nos projets sur 18 ou 24 mois si nécessaire. Ne pas perdre de temps ce n’est pas se précipiter, c’est savoir utiliser le temps.
Au cours de l’année écoulée, des séminaires de travail ont rassemblé des militants volontaires et salariés du réseau et du siège pour travailler sur les projets d’accompagnement. Au même titre que les salarié-e-s dans les lieux de mobilisation agissent au quotidien pour les personnes et contre les épidémies de VIH et d’hépatites, les équipes du siège sont au aussi service de cette action de terrain qui traduit le projet de transformation sociale. Il n’y a pas le siège et le réseau. Il n’y a pas AIDES et les Caarud. Il y a AIDES. Nous sommes une seule association. Je tiens à souligner le rôle essentiel des responsables de région et du siège de ce point de vue. Elles et ils ont besoin de votre soutien dans cette fonction.
Pour en arriver là où en est AIDES, il a fallu être exigeant et rigoureux avec nous-mêmes. Il ne faut pas cesser. Mais cela ne signifie pas oublier d’entendre les besoins des militants, salariés ou volontaires, et de les accompagner dans les situations difficiles.
J’ai fait ma formation initiale il y a moins de deux ans. Et j’ai eu le plaisir de retrouver ces derniers jours celles et ceux avec qui j’ai partagé ce temps. J’aurai aimé passer plus de temps avec vous. Je sais donc que AIDES accueille de nombreux nouveaux militants. Parce que je connais certain d’entre vous depuis plus de 15 ans, je sais aussi que AIDES peut compter sur des militants qui ont une longue expérience. C’est un signe de vitalité et de force de faire face aux épidémies avec autant de militants de "générations" différentes.

Je n’ai pas encore parcouru tous les lieux de AIDES (et comme tout le monde, j’ai une région de cœur), mais pour aller régulièrement dans différents lieux de mobilisation, et dans les étages du siège, je voudrais terminer en vous disant à quel point c’est agréable et facile d’être au poste que j’occupe. Vous êtes engagés, intelligents, forts, drôles et joyeux, comme le montre ce congrès. De ça, je veux vous remercier. Je voudrai aussi remercier le conseil d’administration sortant qui m’a confié la chance d’être à cette place. 
Il faut être fier de ce que nous sommes et de ce que nous faisons, il ne faut pas être satisfait. La fierté n’est pas la suffisance."