Croi 2017 : l'essentiel

Publié par Sophie-seronet le 21.02.2017
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La conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi 2017) s'est déroulée à Seattle du 13 au 16 février. Au menu de cette 24e conférence, la PrEP pour le VIH et les IST, la recherche vaccinale, les stratégies d’allègement, les comorbidités, mais aussi les effets indésirables, les innovations thérapeutiques.

Croi’s anatomy

La Croi a été créée en 1993, par une communauté de chercheurs qui pensaient que la lutte contre les maladies infectieuses ne pouvait être conduite que de façon mondiale. Et cela en validant et évaluant les recherches et études sur les maladies qui ont un impact sur la santé publique sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, 40 % des présentations d’études sont proposées par des scientifiques travaillant en dehors des Etats-Unis. Dans les travées de la conférence, on croise le professeur Yazdan Yazdanpanah, chercheur franco-iranien, un des pays concernés par les restrictions à l’immigration de la nouvelle administration Trump. Grâce à l’appel d’un juge fédéral, de Seattle, il a pu au dernier moment se rendre à la Croi 2017. Ce sont des faits.
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Améliorer l'existant et trouver le manquant : la quête de Seattle

La deuxième journée de la Croi s’est consacrée, dès le matin, aux différents chantiers de la recherche sur le VIH. La guérison reste LE Graal des scientifiques, qui cherchent à déterminer les meilleures stratégies pour éliminer le virus après une contamination. Les tentatives sont nombreuses et les résultats prometteurs, mais on reste encore loin d'une solution globale. Dans le même temps, d'autres chercheurs continuent leurs travaux sur l'amélioration des thérapies utilisées pour les personnes séropositives, que ce soit en termes d'efficacité ou de tolérance. Nouvelles molécules ou efficacité de longue durée malgré un arrêt du traitement, les combinaisons deviennent subtiles pour rendre meilleurs les médicaments utilisés.
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La PreP dans tous ses états

Mercredi, c’est prophylaxie ! Le programme de la seconde journée officielle de la Croi (la troisième dans les faits) a été le théâtre d’une multitude de présentations sur l’intérêt, les enjeux et les limites du traitement prophylactique en prévention d’une contamination. Et pas seulement pour le VIH, mais pour les autres IST, en forte hausse. Aussi, le discret mais fondamental microbiote (flore microbienne dans les différentes muqueuses) est fruit de recherches passionnantes sur son rôle dans l’infection par les IST. Plusieurs chercheurs ont travaillé à une nouvelle façon de connaître et donc prendre soin de notre microbiote, au pouvoir plus grand qu’il n’y parait. Voici une sélection des travaux dont les conclusions permettront certainement de mieux répondre aux IST, quelles qu’elles soient.
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Fin de l’épidémie pour tous ?

Derrière les innovations thérapeutiques ou les recherches fondamentales, les sessions plénières ou les simples posters d’études, l’objectif final des recherches présentées à la Croi 2017 reste bien plus convergent et concret : mettre fin aux épidémies, même en l’absence de vaccin. Pour le VIH, tout le monde se range derrière les fameux 90-90-90 de l’Onusida. Pour y parvenir, les outils sont déjà disponibles, mais ils doivent être combinés et accessibles pour réussir le pari d’une fin de l’épidémie du VIH d’ici 2030. Les stratégies se font de plus en plus nombreuses, et montrent déjà des résultats aux Etats-Unis. Mais les interventions et l’action globale doivent encore être renforcées face à des défis émergents. Dernière journée de conférence, en forme de trait d’union vers un avenir sans sida.
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L’anneau vaginal de Dapivirine et la contraception

(Brève) On sait que certains antirétroviraux comme le Sustiva peuvent parfois réduire l’efficacité de la contraception. Une étude s’est intéressée aux interactions médicamenteuses entre la pilule contraceptive et l’anneau vaginal de Dapivirine, en cours d’évaluation comme PrEP par voie locale. Pour cela, une analyse a comparé les grossesses chez les femmes sous pilule selon qu’elles avaient un anneau de Dapivirine ou un anneau avec placebo et en tenant compte des moyens contraceptifs utilisés. Il n’y a pas de différences significatives dues à la Dapivirine sur l’efficacité de la contraception, et ceci quelle que soit l’observance à l’anneau. La contraception était plus efficace pour les femmes ayant choisi des implants contraceptifs ou des injections retards.

Les services de prise en charge des IST pour promouvoir la PrEP

(Brève) Aux Etats-Unis, les services "IST" existent depuis longtemps. On a évalué si ceux-ci pouvaient orienter les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes vers la PrEP et suivre ceux qui étaient les plus à risque (avec une infection sexuellement transmissible rectale, témoignant de la non-utilisation du préservatif). On a offert la PrEP à 62 % des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) qui n’avaient pas la PrEP lors du diagnostic des IST. La file active de HSH sous PrEP semble augmenter au cours des trois dernières années, bien que cela soit plus faible pour les HSH Afro-américains. Ce modèle fonctionne dans les centres IST avec les HSH ayant des IST rectales témoignant d’un plus grand risque d’IST et d’exposition au VIH, les autres sont référés en ville pour la PrEP.

Comment augmenter l’intérêt de la PrEP pour les jeunes HSH blacks ?

(Brève) Ce sous-groupe est celui où l’incidence est maximale, mais où la PrEP est peu utilisée. Une étude de cohorte de jeunes blacks HSH consommant des produits a été effectuée. On y offre systématiquement la PrEP à tous les inclus. Avant l’entrée dans la cohorte, les participants regardent une vidéo d’information et reçoivent un counseling communautaire. Lors de l’initiation de la PrEP, il y a une visite médicale et un accompagnement communautaire pendant le suivi. Le seul facteur significatif associé avec l’acceptation de la PrEP est le fait d’avoir eu une IST dans l’année. Il existe des délais importants entre le désir de PrEP et sa mise effective.

La recherche sur les virus émergents

(Brève) Les nouvelles infections émergentes existent depuis toujours. La plupart proviennent d’un passage de virus des espèces animales vers l’homme, comme le VIH qui provient du singe. Tous ces virus ont des protéines de surface capables de fusionner les membranes cellulaires pour pénétrer dans les cellules cibles. La recherche fondamentale permet de comprendre comment on pourrait neutraliser ces étapes d’entrées virales. Un vaccin universel contre toutes les souches de grippe est en cours d’élaboration. On devrait apprendre beaucoup de ce type de recherche pour développer un vaccin préventif du VIH.

Session de mini-présentations sur les autotests

(Brève) Le premier autotest a été approuvé en 2012, mais il n’y a toujours pas suffisamment de dépistage avec cet outil. On sait qu’il est bien accepté, que les personnes le préfèrent en test salivaire bien qu’il soit moins sensible. On sait qu’il permet l’accès aux tests répétés pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH). On ne sait pas bien, en revanche, son impact de santé publique.
● A New-York, une enquête montre que 85 % des HSH connaissent l’autotest, 57 % l’ont vu en pharmacie, mais seulement 23 % l’ont utilisé. Ces proportions sont associées à un plus grand revenu et le fait d’avoir fait un test récent, mais pas avec le type de protection sociale.
● Au Kenya, une organisation LGBT a distribué des autotests dans la communauté. Une enquête de faisabilité a été menée et a montré que c’était accepté, qu'on pouvait dépister des nouveaux diagnostics de VIH et mettre sous traitement antirétroviral. Cela permet également d’initier le dépistage répété des HSH.
● En Afrique, on propose aux femmes qui se font dépister de donner un autotest à leur compagnon. Une étude a montré que cette stratégie était peu suivie dans les couples où il y avait une histoire de violence conjugale.
● Une étude au Malawi a étudié les préférences des utilisateurs en termes d’autotests. Le choix principal est un prix le plus bas possible, ensuite le fait de faire le test à la maison, de préférer une distribution par des non médecins. Au niveau du soin, les utilisateurs préfèrent être soignés à la maison ou dans un service avec peu d’attente et des salles d’attente séparées des autres patients des autres services.
● Une étude s’est intéressée à la compréhension et l’acceptabilité d’autotests supervisées au Malawi. Si de nombreuses difficultés à comprendre les instructions ont été rapportées, l’acceptabilité est bonne et 95 % rapportent que ce test était très facile à faire. C’est pourquoi la démonstration des autotests est plus adaptée que les notices d’information dans ce contexte.

Interview de Jean-Michel Molina sur PrEP et IST

Vous avez présenté à la Croi des données sur un traitement post exposition contre les IST dans le cadre de l’essai ANRS-Ipergay. Quelles conclusions en tirez-vous ?

Jean-Michel Molina : La première information est celle d’une fréquence élevée d’IST dans la population que nous avons étudiée, avec une incidence globale de 69,7 pour 100 personnes-années de suivi si l’on combine syphilis, chlamydiae et gonocoques.

Cependant près de 70 % de ces IST étaient tout à fait asymptomatiques et n’ont été diagnostiquées que grâce à un dépistage systématique tous les deux mois au niveau anal, de la gorge ou urinaire. Ces résultats justifient la réalisation de ces dépistages systématiques et fréquents chez ces personnes à risque, pour un traitement précoce de la personne infectée et de ses partenaires. Par ailleurs, nous avons apporté la preuve du concept d’une prophylaxie antibiotique post-exposition, pour réduire l’incidence des infections à chlamydia et la syphilis. Malheureusement il n’y a pas eu d’impact sur les infections à gonocoques.

Est-il possible de recommander une PrEP avec la doxycyline, un antibiotique, uniquement pour la syphilis ou les chlamydiae ?

A ce stade, il n’est pas possible de recommander cette stratégie de prévention antibiotique compte tenu des incertitudes sur son efficacité à long terme et surtout du risque de sélection et de dissémination de la résistance qui n’a pas pu être évalué dans cette étude. Il s’agit en effet d’un risque majeur puisque l’antibiotique utilisé dans cette étude (la doxycycline) est le traitement de référence des infections à chlamydiae et de la syphilis (chez les personnes allergiques à la pénicilline). Il faut donc poursuivre les recherches dans ce domaine et aussi soutenir la recherche vaccinale contre ces infections sexuellement transmissibles. Une stratégie antibiotique en prévention des IST ne pourrait, en tous cas, se concevoir que comme une stratégie de courte durée, à coupler avec d’autres stratégies de prévention.

En dehors du VIH, comment faudrait-il procéder pour mettre en place des programmes de PrEP contre les IST ?

Le problème des IST est devenu un enjeu majeur chez les personnes utilisant la PrEP pour prévenir le risque de contamination par le VIH. De nouvelles études sont nécessaires dans ce domaine, et une réflexion va être engagée à l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales sur ce sujet dans le cadre de l’essai ANRS-Prevenir, qui va démarrer au mois d’avril 2017. La prévention des IST grâce à une prophylaxie antibiotique est une intervention envisageable, mais délicate, qui devrait être couplée à d’autres initiatives pour une efficacité optimale.

(1) : L'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) lance un ambitieux programme de recherche opérationnelle qui sera mené en Ile-de-France auprès d’environ 3 000 personnes à haut risque d’infection par le VIH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, personnes trans, et personnes migrantes principalement). Le projet ANRS-Prevenir vise à réduire le nombre de nouvelles infections par le VIH, et mesurera le bénéfice d’un accompagnement communautaire sur l’observance et le maintien des participants dans la PrEP à long terme.