Rapport d'experts 2010 : changements au programme

Publié par Franck-seronet le 20.07.2010
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Lundi 19 juillet en fin d'après-midi, le professeur Patrick Yeni a remis officiellement la nouvelle mouture du Rapport d’experts 2010 à la ministre française de la Santé, Roselyne Bachelot, à l’occasion de la Conférence de Vienne. Il s’agit des nouvelles recommandations de prise en charge médicale du VIH valables pour les personnes suivies en France.
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Le rapport nouvelle version comporte des avancées et parfois marque des tournants. Organisation des soins et qualité de la prise en charge, quand et pourquoi démarrer un traitement ? VIH et procréations,  avec l’idée transversale de la réduction des transmissions du VIH… Voilà, parmi d’autres, quelques thèmes qui marquent le Rapport Yeni 2010 qui sera publié cet automne, mais qui sera disponible dès cet été sur le site Internet du ministère de la Santé. Des articles plus complets, déclinant différentes thématiques du rapport, seront publiés dans les prochains numéros de Remaides et sur Seronet. Mais voici déjà quelques unes des principales recommandations.


Organisation des soins : qualité de la prise en charge
Dans un contexte d’augmentation continue du nombre de personnes séropositives suivies due à la baisse des décès, mais au maintien d’un nombre élevé de découvertes de nouvelles séropositivités, les questions d’organisation des soins revêtent, cette année, une importance grandissante, ceci alors que la prise en charge du VIH reste encore quasi exclusivement faite à l’hôpital. Les experts s’interrogent fortement sur ce qui a permis et permettra de maintenir un haut niveau de qualité de la prise en charge, aujourd’hui et demain. Pour cela, la prise en charge doit rester multidisciplinaire et coordonnée, elle doit inclure le développement de l’éducation thérapeutique et s’appuyer sur les Corevih (Coordinations régionales de lutte contre le VIH), où la place et le rôle des associations ou le lien avec les médecins de ville sont particulièrement soulignés. Il faut aussi que les spécificités de la pathologie à VIH soient mieux reconnues dans la tarification des activités : annonce de la séropositivité, précarité, caractère transmissible de l’infection à VIH (sexualité, prévention), changements de traitements, maintien d’un accès aux soutiens psychologique et social, filières d’aval suffisantes, adaptées et suffisamment financées (soins de suite et de réadaptation, appartements de coordination thérapeutique, etc.). Il faut que les points de vigilance et les recommandations des experts soient pris en compte par les autorités de santé pour que les bons résultats obtenus ces dernières années avec les avancées thérapeutiques se poursuivent. Quant à la prise en charge en dehors de l’hôpital, elle doit être améliorée et renforcée.

Quels sont, en 2010, les objectifs d'un traitement anti-VIH ?

L'objectif principal du traitement anti-VIH reste, sur le plan individuel, d'empêcher la progression vers le sida. Le traitement doit donc permettre de réduire rapidement la charge virale (jusqu’à la rendre indétectable, c’est-à-dire au-dessous de 50 copies/mL). Il doit également faire remonter les T4 (lymphocytes CD4) et, si possible, les maintenir au-dessus de 500 T4/mm3. Si l'objectif principal du traitement est "l'efficacité immunovirologique", d'autres objectifs doivent être recherchés par les médecins pour toute personne suivie. C'est la meilleure tolérance possible du traitement, à court, moyen et long terme, l'amélioration et la préservation de la qualité de vie et la "réduction de la transmission du VIH." Un objectif qui va plus loin que la seule réduction de la transmission de la mère à l'enfant qui était mentionnée dans l'édition 2008. Le Rapport 2010 indique que des données scientifiques nouvelles suggèrent que : "Le traitement antirétroviral pourrait constituer un outil performant de réduction du risque de transmission du VIH".  Les experts en tirent la conclusion que "le souhait de réduire le risque de transmission du VIH à son (ses) partenaire(s) sexuel(les) peut donc désormais constituer un argument recevable pour l'initiation d'un traitement antirétroviral". Bref, c'est la reconnaissance du TasP, le  traitement comme outil de prévention (voir Remaides N°74, printemps 2010), sur le plan individuel et collectif.




Quand commencer le traitement ?

Comme toujours, ce doit être fonction de la balance bénéfices attendus / risques possibles. Pour déterminer le moment le plus approprié pour débuter un traitement anti-VIH, il faut peser les avantages espérés (éviter les maladies opportunistes, diminuer le risque de mortalité, etc.) et les inconvénients d'une exposition prolongée aux médicaments anti-VIH (les effets indésirables à long terme, etc.). C'est donc du cas par cas, mais en suivant des recommandations qui répondent à certains types de situations. Comme en 2008, il est recommandé de commencer un traitement sans attendre chez les personnes avec des T4 très bas (moins de 200 T4/mm3) ou une maladie opportuniste. Des études montrent également l'intérêt d'un traitement pour toute personne ayant des T4 inférieurs à 350  T4/mm3. Au dessus de 350 T4, il est possible de débuter un traitement sauf si la personne exprime qu'elle n'est pas prête. Pour les experts, il existe des arguments scientifiques nouveaux qui "plaident en faveur d'une introduction plus précoce d'un premier traitement antirétroviral" chez des personnes ayant des T4 supérieurs à 350 T4/mm3. Par exemple, en cas de charge virale très élevée, de baisse rapide des T4, de co-infection par une hépatite B ou une hépatite C, lors d’un projet de grossesse, ou encore chez les personnes de plus de 50 ans (on répond moins bien au traitement lorsqu'on est âgé et la "reconstitution" des T4 est plus lente et plus difficile). Autre argument, la présence et la réplication du VIH qui est à l'origine de sur-risques avérés (cancers, maladies cardio-vasculaires, troubles neurocognitifs) peut justifier une introduction plus précoce du traitement anti-VIH, sous les 500 T4/mm3. Concernant les personnes au-dessus de 500 T4/mm3, les experts indiquent qu'aucun argument scientifique ne permet aujourd'hui de "recommander l'instauration systématique" d'un traitement à ce niveau de T4 mais ils affirment qu'il est "important de pouvoir envisager la possibilité de débuter un traitement antirétroviral "dans cette situation notamment dans le cas du "souhait de réduire le risque de transmission du VIH à son (ses) partenaire(s) sexuel(les)." Quel que soit le niveau de T4,  le médecin doit pouvoir écouter et en parler avec la personne, s’assurer qu’elle est prête et favoriser sa préparation (notamment par la proposition d’actions d’accompagnement ou d’éducation thérapeutique).

Procréation naturelle et VIH

Difficile d'être plus clair ! "La discussion sur les possibilités de procréation fait partie du suivi d'une personne infectée par le VIH", écrivent les experts qui rappellent que "l'information du partenaire est essentielle, comportant deux aspects, le partage du secret concernant l'infection à VIH et les informations sur les modalités possibles et les risques de la procréation." Jusqu'à présent, le rapport traitait presque exclusivement de l'aide médicale à la procréation (AMP). Cette fois, il traite de la place de la procréation naturelle qui est "devenue en 2010 une alternative envisageable à l'AMP, laquelle demeure la méthode de prévention la plus fiable, à condition d'être associée à la protection absolue des rapports sexuels." Pour les experts, la procréation naturelle ne peut être tentée qu'après une "évaluation complète" qui porte sur les conditions virologiques,  les conditions de fertilité pour chaque couple ainsi qu’une offre locale d’AMP effectivement accessible ou pas.

  • Conditions virologiques : traitement anti-VIH au long cours avec une bonne observance et une charge virale indétectable dans le sang ;
  • Conditions locales : absence d'infection et d'inflammation ou plaie génitale chez l'homme ou chez la femme ;

  • Conditions de fertilité : entretien, mise en évidence et repérage de l'ovulation. En cas d'infertilité, une orientation en AMP est nécessaire.

L'évaluation permet aussi de s'assurer de la "compréhension par le couple de la période d'ovulation dans la perspective d'un rapport unique sans préservatif (moins exposant que des rapports répétés) et l'importance d'éviter les irritations des muqueuses (gel favorisant les rapports, rapports sans brutalité). Pour les experts, cette préparation à la procréation justifie "pleinement" une séance d'hospitalisation de jour avec bilan, éducation thérapeutique, soutien psychologique…". Le rapport insiste également sur le fait que le "recours aux rapports non protégés [pour concevoir un enfant] ne doit en aucun cas être le résultat d'un découragement dû aux difficultés pour accéder à l'AMP." "La décision de ne pas avoir recours à l'AMP incombe au couple et en particulier au partenaire séronégatif, une fois informé des risques encourus", indique le Rapport pour qui cet "accompagnement requiert le consentement à la fois du couple et du médecin et ne peut s'envisager qu'au cas par cas et en face à face."
 

Où lire le Rapport 2010 ?
Le rapport d'experts 2010 sera consultable, cet été, sur Internet, sur le site du Ministère de la Santé (http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, rubrique Santé), puis, à l’automne, sur le site du TRT-5 (http://www.trt-5.org, rubrique Rapport Yeni). Une version papier du rapport (publiée à la Documentation française et vendue en librairies) sera disponible cet automne. Elle sera consultable dans les délégations de AIDES. Pour connaître la plus proche de chez vous : http://www.aides.org, rubrique AIDES près de chez vous.


Crédit photo : IAS/Steve Forrest