SFLS 2020 : des messages clairs !

Publié par Sophie-seronet le 13.10.2020
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Cette année, le congrès national de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) s'est organisé virtuellement les 7 et 9 octobre 2020 avec un mélange d’interventions pré-enregistrées et de séquences en direct. Au cœur des discussions, la crise sanitaire liée à la Covid-19 et son impact multiple et durable sur la lutte contre le VIH/sida.

Vers une reprise de l’épidémie de VIH ?

« Depuis le début du confinement, on observe une diminution massive du nombre de tests VIH réalisés en laboratoires de ville, de l’ordre de 650 000 tests de moins qu’attendu. Même après la sortie de confinement, et compte tenu de la saturation des laboratoires d’analyses médicales, nous n’observons pas un retour aux chiffres attendus sur les taux de dépistage » explique Rosemary Dray-Spira. Le dépistage est une des clés pour mettre fin à l'épidémie de VIH. En France, on estime l'épidémie non diagnostiquée de VIH à 25 000 personnes. Des personnes qui ignorent leur séropositivité, n'ont pas accès à un traitement et peuvent donc transmettent le VIH sans le savoir. Autre frein au dépistage du VIH et des IST, une offre perturbée des Cegidd (centres gratuits d’information, de diagnostic et de dépistage du VIH et des IST) du fait de la nécessaire application des mesures de distanciation. Tout aussi inquiétants, les chiffres de l’assurance maladie montrent également un tassement de l’augmentation d’utilisation de la Prep qui était observée jusqu’à tout début 2020. « L’épidémie de Covid-19 a profondément et durablement déstabilisé l’utilisation de la Prep et le recours aux tests VIH en laboratoire », conclue Rosemary Dray-Spira.
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Covid-19 : quel impact sur le VIH ?

Élodie Aïna, la nouvelle directrice de Vers Paris Sans Sida (qui succède à Ève Plenel qui a rejoint le cabinet de la Maire de Paris comme conseillère santé, après avoir dirigé Vers Paris Sans Sida pendant trois ans) a présenté les actions entreprises à Paris pendant et après le confinement envers les populations les plus exposées au VIH. Notamment une forte communication ciblée sur les réseaux sociaux que ce soit à travers les comptes du Dr Naked (1) destinés aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ou les personnes migrantes et caribéennes à travers des campagnes vidéos traduites en 25 langues et destinées aux populations afro-caribéennes. Élodie Aïna a également parlé de l’opération « Teste-toi avant le sexe » organisée en partenariat avec AIDES avec l’envoi d’autotests de dépistage du VIH à domicile et a indiqué qu’à Paris, jusqu’à fin juillet, 550 personnes ont pu bénéficier de cette offre dont 90 % d'hommes (trois quarts de HSH, un quart d’hommes né à l'étranger). La moyenne d'âge était de 34 ans. Un tiers a été orienté vers un parcours de Prep.
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Même constat concernant la Prep. Une forte baisse des délivrances de Prep a été constatée pendant et après la période de confinement liée à la crise de la Covid-19. Ainsi pendant la période de confinement, les délivrances de Prep ont chuté de 36 % par rapport à ce qui était attendu (estimation sur la base des chiffres de la même période en 2018 et 2019), passant de quelque 5 500 délivrances (par période de deux semaines) avant le confinement à environ 3 000, fin mars. Cette baisse était toujours visible entre la fin du confinement le 11 mai et le 13 septembre, avec -19 % de délivrances de Prep par rapport à l'attendu. Sur l'ensemble de la période, il y a donc eu un déficit de 27 435 délivrances de Prep par rapport à ce qui était escompté. En outre, alors que les initiations Prep étaient, avant le confinement, en hausse de 32 % par rapport à celles observées en 2019, une chute de 47 % par rapport à 2019 a été constatée pendant le confinement. Les initiations de Prep ont ensuite repris avec le déconfinement, mais n'ont pas récupéré la dynamique pré-confinement, puisque la hausse n'était que de 14 % par rapport à la même période en 2019. « L'épidémie de Covid-19 a profondément et durablement déstabilisé l'utilisation de la Prep et le recours aux tests VIH en laboratoire », a conclu Rosemary Dray-Spira.
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Covid-19, éthique et tacle !

Dans son intervention liminaire, le professeur Gilles Pialoux (Hôpital Tenon, AP-HP), animateur de la session, a rappelé certaines caractéristiques de la période et lancé de nombreuses questions : « Que nous a appris cette crise de la Covid-19 ? Qu’est-ce qui a justifié les entorses à l’éthique comme des études sauvages sans recours aux comités de protection des personnes alors que la recherche impliquant la personne humaine est très réglementée, notamment avec la loi Jardé (1) ? Quelle collusion y a-t-il eu entre politique et science ? » Il a aussi rappelé que près de 160 essais avaient eu lieu ou étaient encore en cours en France, un record européen. Et que pas moins de 300 études avaient été enregistrées auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament, mais pas toutes lancées. Record aussi sur le nombre de publications concernant la Covid-19 : plus de 50 000 en huit mois dans le monde ! Évidemment, difficile de se repérer dans cette « foison d’informations ». Un sujet qu’il a d’ailleurs abordé dans son dernier ouvrage (2). D’autant que la période a exacerbé des phénomènes déjà présents comme l’omniprésence des preprints. Il s’agit, dans le domaine des publications scientifiques, d’une prépublication d'un article avant son acceptation par le comité de rédaction de la revue. Autrement dit, l’étude a donné des résultats et des conclusions et un article en rend compte sans que ceux-ci soient examinés par des experts-es indépendants-es. Gilles Pialoux s’est inquiété d’un phénomène qui voit la diffusion de « manuscrits sans aucun contrôle » et une confusion entre de vraies publications scientifiques et ces preprints qui n’en sont pas.
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I = I : un message à marteler et simplifier

Dans l’enquête « Patient Positive Perspective » (1), on apprend que l’information I = I transmis aux personnes vivant avec le VIH par leurs professionnels-les de santé varient beaucoup selon les pays, de 38 % en Corée du Sud à 87 % en Suisse avec une moyenne mondiale à 66,5 %, et en France, une moyenne nationale à 70,8 %. Pour le Dr Pascal Pugliese (président de la SLFS), c’est la responsabilité de chaque soignants-es de transmettre ce message : « Quand on a eu l'avis suisse en 2008 peu de gens y ont cru. En tant que professionnels-les, on ne pouvait pas diffuser ce message qui allait à l'encontre de tout ce qu'on avait dit jusque-là. Maintenant, je l'évoque dès la première consultation ». Il ajoute que les médias ont, eux aussi, un rôle à jouer dans la diffusion de ce message. « Les médias sont très réticents à faire passer le  message I = I. Certains médecins craignent d'être responsables d'une infection alors que les études sont très claires », explique-t-il. Pour Florence Thune (directrice générale de Sidaction), il faut aller un cran plus loin : « On n'est pas assez clair. Il faut dire qu'on peut avoir des relations sexuelles sans préservatif quand on a une charge virale indétectable ».
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Commentaires

Portrait de jl06

La PrEP pâtit de l'épidémie de coronavirus. La délivrance du traitement préventif contre le VIH est en diminution de 36% par rapport aux attentes. Le secteur associatif peine à mobiliser.

Les répercussions de la crise sanitaire sont innombrables. Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, on constate une forte baisse de délivrances de PrEP : elles sont en baisse de 36% par rapport aux projections fixés selon un communiqué de l'APM. Et la lutte contre le VIH peine à sortir du confinement... La situation n'est pas encore alarmante, mais elle pourrait rapidement le devenir.

Fin mars toutes, 3.000 traitements étaient prescrits contre 5.500 avant le confinement. Après le confinement, soit entre le 11 mai et le 13 septembre, on constate d'une baisse de 19% des délivrances de PrEP par rapport à ce qui était attendu.

Cela représente un déficit de 27 435 délivrances de PrEP par rapport à ce qui était escompté. Du temps perdu dans la lutte contre le VIH. Car les nouveaux PrePeurs étaient, avant le confinement, en hausse de 32% par rapport à aux chiffres observés en 2019. Mais une chute de 47% par rapport à 2019 a été constatée pendant le confinement.

Baisse de l'activité des CeGIDD

Une partie de cette diminution s'explique par la reconduction automatique des ordonnances pendant le confinement. Mais on remarque également une forte baisse des demandes de prescriptions. Plusieurs raisons expliquent ces chiffres. Selon les assos, de nombreuses personnes ont repoussé leur passage à l'hôpital de peur d'être contaminé par le virus. D'autant que les prises de rendez-vous n'étaient pas considérées comme prioritaires. "Les infectiologues ont été particulièrement mobilisés sur le Covid-19. En parallèle, on a pu voir une baisse importante de l'activité des CeGIDD (les centres d'information, de diagnostic et de dépistages gratuits, ndlr)", indique Aurélien Beaucamp, président de Aides.

Le plus souvent, c'est lors de ces dépistages que les médecins peuvent informer sur la PrEP. Certes, depuis le déconfinement, l'activité a repris, mais les horaires d'ouverture restent bien souvent restreints. "C'est compliqué d'aller se faire dépister après le travail. Or, tester le plus grand nombre, ça fonctionne pour faire baisser les nouvelles contaminations", insiste le président de l'association.

Une campagne de sensibilisation nécessaire

Actuellement, une expérimentation est en cours pour pouvoir se faire dépister gratuitement et sans ordonnance dans les laboratoires d'analyse. Mais une fois encore "les laboratoires sont entièrement mobilisés sur le coronavirus. C'est impensable de leur demander de tester à échelle massive pour le VIH".

Un décret se fait également toujours attendre pour que les médecins de ville puissent prescrire la PrEP en première intention (aujourd'hui, ils ne peuvent que renouveler une ordonnance). Ce décret, actuellement examiné par le Conseil d'État, devrait être publié d'ici la fin de l'année, "sous réserve d’aléas dûs à la crise Covid", souligne une source ministérielle.

Alors, pendant le confinement, Aides a multiplié les auto-test envoyés par courrier. Une solution qui ne permet malheureusement pas de toucher un public éloigné de la sensibilisation au VIH. Aides souhaite que le gouvernement mette en place une campagne grand public de sensibilisation. "Il ne faudrait pas qu'une épidémie en cache une autre. C'est aujourd'hui très compliqué de mobiliser sur un autre thème que le Covid. La santé publique ne peut pas reposer uniquement sur les associations. Il faut sensibiliser car on est bien en deçà de l'objectif de 40.000 personnes qui prennent la PrEP.", insiste-t-il.

Pour vous faire dépister ou bien vous faire prescrire la PrEP, vous pouvez vous rendre gratuitement dans un des CeGIDD recensé par cette carte :